Le moment est mal choisi, c’est tout
La patience n’est pas passive, au contraire, c’est une force concentrée.
— Bruce Lee
Au cours de la dernière année, nous avons déterminé que l’affaiblissement du secteur manufacturier mondial présentait un risque pour les bénéfices et, par conséquent, pour le marché boursier. En réponse, il nous a été dit : « oui, mais nous commençons à voir des signes attestant que le recul a atteint son creux ». Ou encore, nous avons entendu il y a un an : « la reprise en Chine aura lieu au premier trimestre (de 2019) », puis « elle aura lieu au deuxième trimestre », puis rapidement après « elle aura lieu au troisième trimestre ». Cependant, la reprise prévue ne s’est jamais vraiment matérialisée. Juste au moment où nous commencions à voir des signes d’un léger rebond de l’activité manufacturière en décembre, la nouvelle concernant le coronavirus a éclaté. Les efforts visant à contenir la propagation du virus freineront la croissance du PIB en Chine au premier semestre de 2020, et certains effets secondaires se feront sentir à travers le monde. Bien que le secteur manufacturier mondial semble réellement avoir atteint son creux au quatrième trimestre et commencé à se redresser selon les plus récents sondages menés par IHS Markit, une reprise plus marquée sera sans aucun doute retardée d’au moins un trimestre.
L’indice mondial PMI de JP Morgan s’est établi à 50,4 en janvier, en hausse pour le troisième mois consécutif (un taux supérieur à 50 indique une expansion) et le plus haut niveau depuis mars 2019. La différence entre le nombre de pays affichant une hausse de l’indice mensuel PMI en janvier et le nombre de pays affichant une baisse est la plus élevée observée depuis novembre 2017. Malgré un sommet en dix mois, les dernières données restent modestes par rapport aux normes historiques. L’augmentation suggère néanmoins que le ralentissement mondial a possiblement atteint son creux à la fin de l’année dernière.
Bien que les données semblent positives, la situation n’est pas la même dans toutes les régions. En Asie, cinq pays sur sept ont enregistré en janvier un recul par rapport au mois précédent. Le ralentissement est probablement attribuable à l’arrêt des activités pour le Nouvel An lunaire, cependant, il est certain que les données de février indiqueront que l’activité manufacturière a encore ralenti, en raison du coronavirus.
De même, l’activité manufacturière de la zone euro semble avoir atteint un creux en septembre de l’année dernière, mais, bien qu’il se soit amélioré, l’indice du secteur manufacturier reste inférieur au seuil neutre de 50, à 47,9. Compte tenu de la forte dépendance commerciale de la région à la Chine, il est peu probable qu’elle échappe aux effets secondaires des efforts des autorités chinoises pour contenir le virus. Parallèlement, les États-Unis ont montré des signes de ralentissement de la croissance après un rebond à la fin de l’année dernière. Nous ne nous attendons pas à ce que les États-Unis soient complètement immuns à un ralentissement en Chine.
Bien que nous suivions les sondages d’IHS Markit pour nous faire une meilleure idée de la conjoncture mondiale, nous consultons également les sondages d’un autre organisme, l’Institute for Supply Management (ISM), afin d’obtenir de l’information concernant les États-Unis en particulier et la croissance prévue des bénéfices. Même si le sondage de l’ISM diffère légèrement de celui de Markit, il constitue également une indication de l’orientation de l’économie manufacturière dans son ensemble et, par la suite, de la croissance des bénéfices.
L’indice PMI du secteur manufacturier de l’ISM a fortement rebondi en janvier, indiquant de nouveau une expansion pour la première fois depuis juillet 2019. Neuf des dix composantes de l’indice manufacturier ont progressé par rapport au mois précédent. À son niveau actuel, l’indice PMI laisse présager une croissance des bénéfices de l’indice S&P 500 sur 12 mois allant de faible à négative au premier semestre de 2020, suivie d’un léger rebond au deuxième semestre. Cependant, nous nous attendons à ce que l’épidémie causée par le coronavirus ait une incidence négative sur les bénéfices de l’indice S&P 500 au premier trimestre. Selon S&P Global, en 2018, l’Asie a représenté 8,24 % des ventes des sociétés composant l’indice S&P 500, soit le pourcentage le plus élevé de toutes les régions.
Au cours des prochains mois, nous suivrons de près l’incidence de l’épidémie causée par le coronavirus sur la fabrication et les services, ainsi que ses répercussions sur les bénéfices. Nous allons en particulier nous pencher sur l’ampleur et la durée des perturbations causées par cette épidémie et tenter de déterminer si les fondamentaux des entreprises ont été affectés. Compte tenu de leur récente vigueur, il semble que les marchés boursiers considèrent l’épidémie causée par le coronavirus et son incidence potentielle sur les activités des sociétés comme un facteur sans importance. Bien que nous ne soyons pas aussi optimistes que les investisseurs du marché boursier semblent l’être, toute réaction exagérée en anticipation d’une forte hausse ou d’une forte baisse des actions serait malavisée. Lorsqu’il est question de chocs exogènes comme celui-ci, il faut faire preuve d’une certaine patience le temps de recentrer son attention et de laisser les données fondamentales dicter les décisions. À cette fin, bien que nous prévoyons que les effets des efforts visant à limiter la propagation du coronavirus diminueront au deuxième trimestre et reprendront de l’ampleur au deuxième semestre de l’année, nous continuons de recommander une légère sous-pondération des actions en faveur des titres à revenu fixe, qui procurent généralement une protection en cas de baisse, compte tenu des valorisations actuelles sur le marché boursier et des facteurs qui pourraient ralentir la croissance des bénéfices.
Kevin Headland, CIM
Stratège principal des placements, Gestion de placements Manuvie
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