Nous ne faisons pas de prédictions concernant les risques. Par contre, nous gérons les risques.
« Tout le monde a un plan bien précis, jusqu’à ce qu’on se prenne un coup de poing dans le visage. »
– Mike Tyson
Jusqu’à sa fermeture en 1989, la Grande-Bretagne avait une installation de recherche appelée « CCU » (Common Cold Unit), dont l’objectif était de faire des recherches sur le rhume pour trouver des moyens de réduire son incidence humaine et économique. Pendant la période d’existence du CCU, plusieurs expériences intéressantes ont été menées. Dans le cadre de l’une d’elles, un volontaire était équipé d’un appareil qui laissait échapper un peu de liquide des narines au même rythme qu’un nez qui coule. Par la suite, le volontaire a rencontré d’autres volontaires, comme s’il était à un cocktail. Le liquide contenait un colorant uniquement visible à la lumière ultraviolette. Lorsque la lumière ultraviolette a été allumée, après que les participants socialisaient depuis un certain temps, ils ont été stupéfaits de découvrir que le colorant était partout – sur leurs mains, leur tête, le haut de leur corps, leurs lunettes, les poignées de porte et les bols de noix. L’adulte moyen touche son visage 16 fois en une heure, et chacun de ces transferts propage l’agent pathogène présumé. Ce sont les contacts fréquents entre humains qui font que plus de 80 000 personnes ont été contaminées par le nouveau coronavirus. Nous ne suggérons aucunement une pandémie mondiale, mais étant donné la facilité avec laquelle le coronavirus se propage, nous pensons que les conséquences imprévues auront une incidence économique plus importante à court terme, et les investisseurs commencent à prendre ce risque en considération.
Le 26 février 2020, à la clôture de la séance, les marchés boursiers du monde entier avaient chuté, car les investisseurs ont pris conscience du risque économique élevé que présente l’épidémie causée par le coronavirus. L’indice S&P 500, l’indice composé S&P/TSX et l’indice MSCI EAEO ont perdu respectivement 8,0 % (en $ US), 4,9 % et 6,8 % (en $ US) par rapport à leur récent sommet. Les prix des produits de base comme le pétrole et le cuivre ont chuté de respectivement 22,9 % (selon le cours du baril West Texas Intermediate en dollars US) et 10,6 % (en dollars US) par rapport à leur sommet. Les marchés obligataires qui ont pris en compte le risque avant le début de l’année se sont redressés, le taux de l’obligation du Trésor américain à 10 ans n’étant jamais tombé aussi bas. Alors que les investisseurs étaient en grande partie insensibles aux nouvelles concernant l’épidémie au début du mois de février, ils ont finalement admis les risques après l’apparition d’un foyer de contamination en Italie. Les marchés des actions et des titres à revenu fixe sont en train d’évaluer et de prendre en compte les perturbations économiques.
Nous ne pouvons pas prédire les risques. Nous ne pouvons pas prédire quel pourrait être le catalyseur d’une correction. Dan Janis, Directeur général principal et gestionnaire de portefeuille principal l’a dit, nous ne pouvons que gérer les risques. Avant l’annonce de l’épidémie causée par le coronavirus, nous nous attendions à ce que le rendement des marchés boursiers pour 2020 tourne aux alentours de 5 % et soit inférieur à la moyenne, le risque de baisse étant moyen. Selon nos mesures privilégiées, l’indice S&P 500 affichait sa pleine valeur et les prévisions de croissance des bénéfices étaient modestes, dans le meilleur des cas. En d’autres termes, les marchés boursiers surévaluaient les prévisions de croissance des bénéfices qui, selon nous, n’étaient pas réalistes. Les marchés doivent maintenant considérer les perturbations économiques causées par l’épidémie, tant du côté de l’offre, avec la fermeture de certaines installations du secteur manufacturier, que de la demande, car les consommateurs vont restreindre leurs dépenses, voyager et acheter moins, etc. Les sociétés comme Apple et Microsoft ont donc revu à la baisse leurs prévisions de chiffre d’affaires et de bénéfices. Les répercussions économiques de l’épidémie causée par le coronavirus ne peuvent qu’aggraver les risques.
« Nous ne faisons pas de prédictions des risques. Par contre, nous gérons les risques. »
– Daniel S. Janis III
Pour le moment, nous pensons que l’économie américaine est peut-être la moins vulnérable aux répercussions économiques de l’épidémie. Cela ne veut pas dire que l’économie va fonctionner à plein régime. La croissance annualisée du PIB américain du quatrième trimestre a été de 2,1 %. Ce taux de croissance ne peut servir de référence dans le contexte actuel. Nous nous attendons à ce que l’activité manufacturière, qui a légèrement rebondi en janvier selon l’indice ISM des directeurs d’achat du secteur manufacturier, se contracte en février. De plus, il ne faut pas s’attendre ce que le réapprovisionnement des stocks sauve la situation. La part des stocks dans les ventes du secteur manufacturier a augmenté ces derniers mois. Les données de décembre indiquent que le ratio des stocks aux ventes est à son plus haut niveau depuis 2016. Il devrait continuer à grimper étant donné la conjoncture économique, ce qui remet en question la reprise durable du secteur manufacturier.
De plus, les prévisions de l’équipe concernant le rendement de l’indice composé S&P/TSX a changé, en raison de l’incidence de l’épidémie sur les prix du pétrole. Comme nous l’avons souligné dans le billet Pétrole et marché haussier au Canada, l’indice composé S&P/TSX pourrait dégager un rendement d’au moins 8 % si le prix moyen du West Texas Intermediate (WTI) s’établissait à 65 $ US le baril. Bien que les répercussions économiques de l’épidémie causée par le coronavirus sont très incertaines, leur incidence sur les prix de l’énergie fait moins de doute. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a réduit de 1,3 million de barils par jour ses prévisions concernant la demande mondiale au premier trimestre de 2020 et, si ces prévisions s’avèrent exactes, il s’agirait de la première baisse de la demande sur 12 mois en plus de 10 ans.
Selon l’AIE, la Chine est responsable de plus des trois quarts de la croissance de la demande mondiale de pétrole. Morgan Stanley a déterminé que le niveau de pollution en Chine est un moyen efficace d’évaluer si l’activité des villes chinoises revient à la normale. La société a constaté que le niveau de pollution atmosphérique des grandes villes (Shanghai, Chengdu et Guangzhou) représente actuellement 20 % à 50 % du niveau de pollution moyen enregistré par le passé. Compte tenu de l’élargissement des zones géographiques des mises en quarantaine et de l’allongement de la durée de ses mesures, la demande de pétrole aura probablement du mal à se maintenir. Selon l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI), 50 compagnies aériennes ont considérablement réduit leurs activités, tandis que 70 ont complètement annulé tous les vols internationaux, à destination et en provenance de la Chine continentale. Cela a entraîné une réduction de près de 80 % de la capacité de transport de passagers des compagnies aériennes, à destination et en provenance de la Chine. Si le cours moyen du pétrole brut (WTI) s’établissait à 55 $ US le baril cette année, la croissance des bénéfices de l’indice composé S&P/TSX serait probablement nulle en 2020 – les prévisions établies avant l’épidémie prévoyaient une accélération des prix du pétrole et de la croissance des bénéfices. En raison de la perturbation de la demande de pétrole, nous pensons que les occasions au Canada seront retardées d’un à deux trimestres, dans le meilleur des cas.
En Europe, où les pays entretiennent des liens économiques plus étroits avec la Chine, et compte tenu du nombre croissant de personnes contaminées en Italie, les conséquences économiques pourraient être semblables à celles de l’Asie. En janvier, la production industrielle européenne a continué de ralentir, en raison du ralentissement de l’économie chinoise. Étant donné que les exportations mondiales continuaient de subir le contrecoup de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine en décembre, les perturbations actuelles de la chaîne d’approvisionnement ne feront que retarder la reprise. Tout rebond en Europe dépendra d’un rebond en Chine. Entre-temps, nous pensons que l’économie allemande sera sujette à une récession et que la croissance globale des bénéfices restera modeste, dans le meilleur des cas.
Le catalyseur des corrections est imprévisible. Les corrections – baisses des marchés boursiers supérieures à 10 % – sont assez courantes. Les marchés baissiers – baisses de plus de 20 % du cours des actions – tendent à être le plus souvent associés aux récessions. Depuis la Seconde Guerre mondiale, seuls trois marchés baissiers ont eu lieu en dehors d’une récession (1962, 1966 et 1987). Nous ne suggérons pas que la volatilité actuelle du marché est attribuable à une récession imminente, car nous ne pensons pas qu’il y ait suffisamment de preuves d’une telle conséquence économique à l’heure actuelle. Par conséquent, nous ne suggérons pas que la volatilité actuelle engendrera par un marché baissier. Parallèlement, nous ne suivrons pas la tendance qui, ces dernières années, pousse à acheter des actions après un recul marqué, car les conditions économiques et les conditions de marché actuelles exigent des décisions réfléchies.
Les corrections peuvent être le résultat du pessimisme des investisseurs, auquel cas la volatilité n’est qu’une réaction superficielle, ou une réaction fondée sur les données fondamentales, comme au quatrième trimestre de 2018, lorsque les cours ont chuté en raison de la hausse des taux d’intérêt. Par le passé, le marché a atteint son creux lorsque l’indice de volatilité a dépassé 30 – comme ce fut le cas ce matin. Cependant, nous suggérons que la volatilité est le résultat du manque de confiance des investisseurs, mais aussi des facteurs fondamentaux. L’épidémie causée par le coronavirus est à la fois un catalyseur et une cause de la volatilité du marché et il est peu probable que cette dernière disparaisse rapidement. Nous n’allons pas précipitamment investir dans les actions après le recul du marché et augmenter la pondération des actifs à risque d’un portefeuille, tant que nous ne serons pas plus optimistes à l’égard de la conjoncture économique et des bénéfices.
Au cours des huit derniers mois, l’équipe Stratégie, Marchés des capitaux a estimé que les actions en général affichaient leur pleine valeur ou étaient légèrement surévaluées dans de nombreux marchés, affichant un potentiel de croissance des bénéfices très modeste. Par conséquent, nous étions d’avis que les attentes du marché étaient bien supérieures au potentiel du marché. C’est pour cela que, depuis juin, nous sous-pondérons de 10 % les actions dans notre portefeuille modèle (la pondération de l’indice de référence est 60 % d’actions et 40 % de titres à revenu fixe). En contrepartie, nous surpondérons les obligations – tant les obligations de base défensives que les obligations à rendement élevé. Les obligations se sont bien comportées en période de volatilité et les marchés prévoient que la Fed réduira les taux avant juin.
Selon nous, les marchés boursiers ont progressé la semaine dernière parce que les investisseurs ne voyaient pas d’autres options ou qu’ils avaient peur de manquer le train. Ils auraient plutôt dû chercher d’autres options. En effet, pourquoi un investisseur achèterait-il des obligations qui versent des intérêts au taux de 1 % à 3 %, alors que les actions ont par le passé généré un rendement annuel plus élevé? À court terme, 1 % est toujours mieux -10 %. Bien que nous n’investirons pas plus dans les actions en raison de la volatilité actuelle, nous ne paniquerons pas et ne réduirons pas davantage la pondération des actions. Il nous faudra plus de signes de l’éminence d’une récession pour adopter une position plus défensive, ce qui n’est pas encore le cas. En rétrospective, adopter une position défensive avant la volatilité actuelle était une approche prudente en matière de répartition de l’actif et, compte tenu de la conjoncture économique et jusqu’à ce que des signes d’amélioration apparaissent, elle le demeure.
Macan Nia, CFA
Stratège principal des placements
Renseignements importants
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