Les conséquences de la divergence entre les politiques
Le cycle mondial d’assouplissement des taux d’intérêt est en cours. Nous examinons ce que cela signifie pour les investisseurs qui adoptent une vision mondialisée des occasions présentées par les titres à revenu fixe, tout en mettant en perspective les risques de crédit et de change.
Points à retenir
- La divergence entre les différentes politiques relatives aux taux d’intérêt continue d’être une source de possibilités touchant la duration pour les portefeuilles de titres à revenu fixe qui font l’objet d’une gestion active.
- À notre avis, il est encore possible de trouver des occasions intéressantes dans le volet des titres de créance, surtout pour les investisseurs dont la démarche est axée sur la recherche.
- Malgré la tendance à la dédollarisation, le billet vert restera probablement la monnaie de réserve privilégiée pendant des années encore.
La gestion active de la duration est de nouveau importante
Telles qu’elles sont observables en août 2024, les pressions inflationnistes de ces dernières années ont considérablement diminué. Après une période de resserrement de leurs politiques, les banques centrales ont adopté une attitude attentiste avant de recommencer à abaisser leurs taux directeurs.
À l’heure où nous écrivons ces lignes, la Banque du Canada, la Banque centrale européenne, la Banque d’Angleterre et d’autres encore ont réduit leurs taux. Nous nous attendons à ce que d’autres banques centrales de pays développés, notamment la Réserve fédérale américaine, se joignent à ce moment au cours des prochains mois et au début de l’année 2025.
L’opinion favorable que nous avions au début de l’année sur le risque de taux d’intérêt s’en est trouvée validée, et nous la maintenons. À notre avis, l’actuelle tendance des titres à revenu fixe en est une de glissement des rendements mondiaux, mais pas de façon uniforme. En effet, nous nous attendons à ce que les taux baissent à des rythmes différents, avec une volatilité occasionnelle et des retours en arrière qui verront les taux remonter la pente. Selon nous, ces divergences dans l’ampleur des fluctuations de taux et le moment où elles se produisent présenteront l’occasion d’adopter une approche active des titres à revenu fixe mondiaux.
Autrement dit, nous pouvons exprimer notre opinion favorable sur le risque de taux d’intérêt par l’entremise d’une gestion active de la duration, en épousant de façon stratégique les divergences entre les politiques dès lors que nous avons la certitude que c’est opportun.
Voir au-delà du rendement pour mieux choisir les titres de créance
Les possibilités offertes par la duration en fonction des politiques ne sont qu’une partie des avantages offerts par une approche mondialisée relativement aux titres à revenu fixe. Une autre partie serait notamment le rôle actif de la répartition de l’actif dans la gestion du risque de crédit.
À l’heure actuelle, sur le plan de la génération de revenus, les conditions du marché mondial des titres à revenu fixe sont beaucoup plus favorables qu’elles ne l’étaient ces dernières années. Nous ne sommes plus à l’époque des taux d’intérêt nuls et des rendements négatifs des instruments à revenu fixe. Mais cela ne signifie pas que le risque n’est plus une préoccupation réelle. Au contraire, nous pensons qu’il revêt plus d’importance dès lors que les investisseurs trouvent des sources de rendement.
Aujourd’hui plus qu’à tout autre moment du cycle économique actuel, nous pensons que les investisseurs doivent faire preuve de prudence quant aux sources de rendement, surtout dans les segments plus risqués des obligations de sociétés, comme celles à rendement élevé des États-Unis. Même si celles-ci laissent miroiter des possibilités attrayantes, les valorisations méritent d’être plus réfléchies. Au-delà du rendement, quels sont les avantages pour les titulaires de titres de créance sur les plans de qualité de l’émetteur, des clauses restrictives et de solidité du secteur?
Les écarts entre les titres à rendement élevé ont récemment atteint des niveaux historiquement bas
Indice BofA ML US HY par rapport aux titres du Trésor américain, écarts rajustés en fonction des options, du 2011-02-22 au 2024-06-30
Source : The Intercontinental Exchange (ICE) Bank of America (BofA) L’indice U.S. High Yield est aligné sur le rendement des obligations de sociétés américaines libellées en dollars américains et de qualité inférieure qui sont émises publiquement sur le marché intérieur américain, et il comprend les émissions dont la cote de crédit est inférieure ou égale à BBB. Il n’est pas possible d’investir directement dans un indice.
Fin juillet, l’écart entre l’indice ICE BofA U.S. High Yield et les bons du Trésor américain à 10 ans était d’environ 300 points de base (pb). Au cours des 20 dernières années, cet écart s’est rapproché de 500 pb en moyenne. Autrement dit, les écarts étaient plus importants qu’ils ne le sont actuellement environ 90 % du temps pendant les deux dernières décennies, ce qui montre que les obligations américaines à haut rendement coûtent relativement cher de nos jours.
C’est une autre raison pour laquelle une gestion active du portefeuille est essentielle pour les investisseurs aujourd’hui. Outre la possibilité de tirer parti de la divergence entre les taux directeurs, une approche active de la répartition des placements et de la sélection des titres de créance peut aider les investisseurs à éviter les écueils présentés par l’élargissement des écarts. En d’autres termes, une approche fondamentale qui tient compte du risque peut aider les titulaires d’obligations mondiales à continuer à profiter des avantages de la diversification sans souffrir outre mesure de la volatilité des marchés obligataires.
Aucun changement de régime en ce qui concerne les monnaies de réserve
Au cours des derniers trimestres, les investisseurs ont pu lire dans les manchettes que les gouvernements voulaient abandonner le dollar américain en tant que monnaie de réserve de choix. D’aucuns se posent des questions sur le rôle potentiel joué par le risque de change au sein d’un portefeuille d’obligations mondiales. Cette interrogation persistante a refait surface dans le contexte de ce qu’on appelle la dédollarisation, c’est-à-dire la tendance, diversement soutenue, de certains gouvernements à exprimer le désir d’utiliser leur propre monnaie nationale dans leurs échanges commerciaux avec d’autres pays.
Alors que les monnaies non traditionnelles jouent un rôle modérément plus important sur le marché des changes, le dollar américain demeure tout aussi dominant
Composition par devise des réserves de change mondiales, de 2016 au T1 de 2024 (%)
Source : Fonds monétaire international, au 31 mars 2024.
La dédollarisation est bel et bien en cours, mais à court terme, elle ne représente aucune menace pour le statut du dollar américain en tant que monnaie de réserve. Prenons l’exemple de la composition des réserves des banques centrales, que le Fonds monétaire international (FMI) suit par le biais de la composition des réserves officielles de change. Comme le montrent les données du FMI, le dollar américain représentait un peu plus de 70 % du poids total de ces réserves en 1999. Plus récemment, de 2021 jusqu’au premier trimestre de 2024, il est tombé à un peu moins de 60 %. Mais il faut aussi considérer la deuxième devise dans cet équilibre : l’euro, qui représente 21 %. Cela démontre bien la supériorité du dollar américain sur les devises rivales.
Un examen de l’évolution des réserves montre qu’elles sont réparties entre différentes monnaies. Une partie est constituée du bloc dollar (qui comprend également le dollar australien, néo-zélandais et canadien), et une autre de monnaies asiatiques telles que le won coréen, le dollar de Singapour et, bien sûr, le renminbi chinois.
Dans les réflexions sur le statut de monnaie de réserve du dollar américain, on évoque aussi le renminbi chinois. La proportion de ce dernier a augmenté, passant d’environ 0 % à quelque 2,5 à 3 %. Par conséquent, le fossé entre le dollar américain et le renminbi est immense.
Par ailleurs, on peut tenir compte de l’enquête triennale sur le volume de liquidité quotidienne sur le marché des changes. Selon l’étude la plus récente (publiée en 2022) de la Banque des règlements internationaux, ce marché est passé d’un peu plus de 1 000 milliards de dollars échangés quotidiennement à environ 7 500 milliards de dollars (en dollars américains totaux) au cours des 20 dernières années. Si l’on considère que chaque opération de change fait intervenir deux devises, la part du dollar américain dans le volume quotidien a glissé d’environ 90 % à environ 88 %. Malgré cette légère contraction, le dollar américain reste de loin la composante la plus importante du volume quotidien des opérations de change.
En fin de compte, la fluctuation des niveaux de réserves et de liquidités n’a pas eu d’incidence notable sur notre façon d’aborder le risque de change. L’histoire des réserves monétaires montre que l’équilibre change constamment. D’après nous, l’ampleur de ces changements se mesure mieux en générations qu’en années.
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