Bâtir une communauté : regard neuf sur le rôle des banques régionales aux États-Unis
Les banques communautaires et régionales américaines jouent un rôle clé en offrant des services bancaires aux clients des régions rurales ou insuffisamment servies, partout au pays. L’engagement de ces banques en faveur de l’investissement communautaire a été particulièrement remarquable pendant la pandémie de COVID-19, ce qui a mis en relief l’importance des prêts aux petites entreprises.
Points à retenir
- La pandémie de COVID-19 a mis en lumière l’importance des prêts que les banques communautaires et régionales accordent aux petites entreprises.
- Les banques communautaires et régionales américaines jouent un rôle clé en offrant des services bancaires aux clients des régions rurales ou insuffisamment servies, partout au pays.
- Malgré les services cruciaux que ces banques offrent, elles sont rarement reconnues à leur juste valeur par les agences de notation financière et les médias d’information.
Le secteur bancaire est rarement considéré comme un vecteur de changement social positif. Or, plusieurs banques offrent des services cruciaux qui viennent en aide aux consommateurs et aux petites entreprises.
Les institutions qui se démarquent à nos yeux sont les quelque 4 900 banques communautaires et régionales, dont l’actif se chiffre à moins de 50 milliards de dollars américains. En matière de prêts et d’investissements destinés aux petites entreprises, les banques communautaires représentent bien souvent la seule source de capitaux. Soutenir les petites entreprises est essentiel à la santé des communautés locales et à la vitalité économique de la nation en entier. Les données compilées par le Census Bureau américain indiquent que tout près de la moitié de la population active est à l’emploi d’une petite entreprise. Le Bureau of Labor Statistics des États-Unis, pour sa part, rapporte que 65 % des nouveaux emplois créés de 2000 à 2019 sont attribuables aux petites entreprises.
En plus des prêts qu’elles consentent, les banques se font souvent le partenaire des initiatives gouvernementales de création de richesse dans les régions moins bien servies, où elles agissent à titre de conseillers et d’agents de décaissement auprès des résidents et des entreprises locales. Bien que le soutien des banques régionales soit essentiel à la croissance dans ces régions par ailleurs négligées, les efforts qu’elles déploient ne sont que rarement reconnus à leur juste valeur, que ce soit par le grand public, les agences de notation financière ou encore les décideurs.
Selon notre analyse, les banques communautaires et régionales agissent comme vecteurs de changement social positif dans trois domaines clés : les prêts accordés aux petites entreprises, les activités dans les « déserts bancaires » en milieu rural et les services offerts dans les communautés à faible revenu issues de la diversité.
1 Prêts aux petites entreprises : déployer des capitaux au profit de maillons essentiels à l’économie
Le problème
La pandémie de COVID-19 a de nouveau mis en lumière l’importance des petites entreprises aux États-Unis. Les interruptions forcées des affaires et les mesures de santé publique découlant de la pandémie ont pesé lourd pour des millions d’employeurs – ainsi que leur personnel – dans différents secteurs comme l’hébergement touristique et la restauration, les centres de conditionnement physique ou encore le commerce de détail.
Pour de nombreux employeurs, l’accès au crédit commercial qu’offrent les banques est indispensable, non seulement pour traverser les épreuves comme celles survenues durant la pandémie, mais également pour investir dans la croissance à venir.
Solutions déployées en matière de prêts aux petites entreprises
Si les prêts accordés par les banques communautaires (soit les institutions dont l’actif se chiffre à moins de 10 milliards de dollars américains) représentent une part de l’ensemble des prêts consentis moindre que celle de leurs homologues de plus grande envergure, les données de la Federal Deposit Insurance Corporation américaine (la FDIC) révèlent qu’en matière de prêts aux petites entreprises, elles jouent un rôle comparativement prépondérant, toutes proportions gardées. À titre d’exemple, les banques communautaires comptent pour seulement 16 % des prêts bruts du système bancaire américain, mais pour 45 % des petits prêts aux entreprises.
Les banques de moindre taille détiennent une part disproportionnée des petits prêts aux entreprises.
Total des petits prêts aux entreprises consentis par des banques américaines
L’analyse en profondeur de ces données démontre que les banques communautaires consentent une part des prêts disproportionnellement grande dans chacun des segments du marché des prêts commerciaux. Les petites banques constituent en outre une source de financement bien plus importante que les grandes institutions pour les emprunteurs du secteur agricole.
La participation des banques communautaires au programme de protection des salaires (Paycheck Protection Program, ou PPP), une initiative du gouvernement américain mise en place durant la pandémie afin d’injecter des fonds dans les petites entreprises, constitue un exemple frappant de retombées positives. Le PPP a permis aux petites entreprises de payer leurs employés, y compris les avantages sociaux, durant huit semaines. Les fonds octroyés pouvaient également être utilisés pour acquitter les intérêts d’un prêt hypothécaire, le loyer ou encore les services publics.
Bien qu’il s’agissait d’une initiative gouvernementale, les banques ont joué un rôle indispensable en distribuant ces capitaux. Comme nous l’avons vu, les prêts consentis par les banques communautaires et régionales représentent une part de l’ensemble du financement nettement moindre par comparaison aux banques de plus grande envergure. Cependant, les activités des plus petites institutions prêteuses au titre du PPP se sont avérées près de trois fois plus importantes que leur part de marché globale, ce qui met en évidence l’importance qu’elles revêtent pour les petites entreprises et les communautés locales.
Les banques de moindre taille ont joué un rôle disproportionné dans l’attribution de prêts à des petites entreprises dans le cadre du Paycheck Protection Program
Total des prêts et du crédit-bail et des prêts accordés dans le cadre de la deuxième ronde du Paycheck Protection Program par des banques américaines
Une étude de la Réserve fédérale américaine (la Fed) parue en décembre 2020 a conclu que le rôle clé des banques communautaires dans le PPP a contribué à répondre aux besoins de financement des petites entreprises, dans un contexte où les banques ralentissaient leurs activités de prêts traditionnelles face à la conjoncture économique incertaine.
2 Déserts bancaires en milieu rural1 : percée du secteur financier américain au-delà des villes et des banlieues
Le clivage entre milieux urbains et ruraux persiste aux États-Unis, et l’accès aux services bancaires traditionnels représente un aspect du phénomène où le fossé semble s’être creusé au cours des dernières années. Bien qu’il existe des zones en proie au sous-investissement au sein des grandes villes et dans les banlieues, l’accès déficient au financement se révèle plus chronique dans les régions peu peuplées.
Une étude de la Fed a montré que la majorité des comtés ruraux des États-Unis ont perdu des succursales bancaires entre 2012 et 2017. Le rapport dénombre 44 comtés « profondément touchés », lesquels comptaient tout au plus dix succursales en 2012, dont au moins la moitié avaient fermé en 2017. Parmi ceux-ci, trente-neuf étaient des comtés ruraux, selon l’étude. Les auteurs ont conclu que ces « comtés ruraux profondément touchés » tendent à être plus pauvres que les autres comtés ruraux et que leurs résidents comptent généralement moins d’années d’études et incluent une plus grande proportion d’Afro-Américains.
Les avancées technologiques numériques facilitant l’accès aux services bancaires ont atténué dans une certaine mesure l’incidence négative des fermetures de succursales bancaires dans les régions rurales insuffisamment servies. Cela dit, une étude de la FDIC a conclu que les clients des banques rurales se rendent au comptoir de leur succursale près de deux fois plus souvent que leurs homologues en milieu urbain ou périurbain, et ce, malgré le trajet typiquement plus long qu’ils ont à parcourir pour le faire. Faute de succursale bancaire à proximité, les consommateurs ruraux se tournent souvent vers des services alternatifs comme les prêts sur salaire, les services d’encaissement de chèques et les guichets automatiques privés, qui comportent généralement des frais et des taux d’intérêt élevés.
Solutions déployées pour remédier aux déserts bancaires en milieu rural
Notre analyse montre que l’engagement des plus petites banques en faveur des régions rurales est plus ferme que celui des institutions de plus grande envergure. La consolidation au sein du secteur a réduit le nombre de banques américaines et contribué au déclin du nombre de succursales. Nous constatons néanmoins que les plus petites banques sont moins susceptibles de fermer des succursales que les institutions de plus grande envergure, certaines banques parmi les plus importantes réduisant même leur nombre de succursales, particulièrement en région rurale. La FDIC a constaté que dans plus de 600 comtés américains, soit près d’un sur cinq, les seules institutions financières ayant pignon sur rue étaient les banques communautaires.
Selon les données provenant du Consumer Financial Protection Bureau des États-Unis et le suivi des données sur les dépôts au niveau des succursales fournies par la FDIC, notre analyse a révélé que les dépôts des plus grandes banques du pays sont en très grande partie concentrés dans les zones urbaines américaines, et peu dans les marchés ruraux. Toujours selon notre analyse, des dix plus grandes banques américaines figurant dans l’indice composé S&P 1500 Banks, seulement trois (soit U.S. Bancorp, Truist Financial Corporation et Fifth Third Bancorp) excédaient le taux moyen pondéré de dépôts en milieu rural, établi à 1,70 % pour l’ensemble des banques de l’indice.
La pénétration des dépôts des plus grandes banques en Amérique rurale est relativement modeste
Dépôts totaux effectués dans des établissements de comtés ruraux des 10 plus grandes banques américaines comprises dans l’indice composé S&P 1500 Banks
En revanche, nous avons constaté que les banques de l’indice composé S&P 1500 Banks ayant la plus grande pondération envers les dépôts ruraux étaient généralement de plus petite taille avec des empreintes régionales concentrées. En outre, nous avons constaté que de nombreuses banques de taille réduite qui ne figurent pas dans l’indice ont une pondération encore plus grande en région rurale, avec souvent plus de 50 % de leurs dépôts dans ces marchés.
Une grande part des déposants de ces petites banques est issue de régions rurales
10 banques incluses dans l’indice composé S&P 1500 Banks ayant les pourcentages les plus élevés de dépôts dans les comtés ruraux
Dans les régions rurales comme dans les petites villes, les banques communautaires occupent une place disproportionnée en matière de financement immobilier commercial par rapport aux plus grandes institutions. Les prêts qu’elles octroient permettent aux entreprises d’acquérir des immeubles commerciaux, favorisent la création des logements et stimulent le commerce de détail et l’offre de services. La FDIC a constaté que les banques communautaires dont le siège social se trouve en milieu rural ou dans une région métropolitaine de petite taille détenaient entre elles plus des deux tiers du portefeuille global de prêts immobiliers commerciaux consentis dans ces régions. Nous estimons que les plus petites banques continueront de faire figure de leaders en matière d’accessibilité des services financiers en région rurale.
3 Communautés à faible revenu et diversifiées sur le plan ethnique et racial : accès élargi aux services financiers dans les régions traditionnellement moins bien servies
Le problème
Partout aux États-Unis, le progrès financier met du temps à se concrétiser dans les quartiers défavorisés, où les minorités raciales et ethniques sont surreprésentées.
En matière de services bancaires, un sondage mené par la FDIC en 2019 a révélé que 5,4 % des ménages américains étaient alors non bancarisés, c’est-à-dire qu’aucun de leurs membres ne détenait de compte chèques ou d’épargne auprès d’une banque ou d’une coopérative de crédit. Le sondage indiquait également que les ménages composés de personnes issues des minorités étaient plus susceptibles d’être non bancarisés que ceux des personnes blanches.
Malgré des progrès récents, la plupart des groupes minoritaires sont beaucoup plus susceptibles d’être non bancarisés que les Américains de race blanche
Taux de non-bancarisation des ménages par race et ethnie, et par année (%)
Solutions déployées pour aider les personnes non bancarisées
Entre autres initiatives, le Community Development Financial Institutions Fund, un programme mis en place par le gouvernement américain pour promouvoir la croissance économique dans les milieux à faible revenu au moyen de crédits d’impôt, permet aux banques américaines de jouer un rôle plus important au sein des communautés typiquement moins bien servies. Pour se qualifier à titre d’institution financière de développement communautaire (Communitiy Development Financial Institution, ou CDFI), les banques et les autres institutions financières doivent répondre à la définition d’organisme à vocation sociale et dévouer au moins 60 % de leurs activités de financement aux communautés insuffisamment servies ou à une clientèle à faible ou à moyen revenu. Ces entités doivent en outre s’être dotées d’une mission de développement communautaire bien définie et jouir d’une réputation de prêteur responsable au sein des communautés à faible revenu. En date d’août 2022, on dénombrait plus de 300 banques et sociétés de portefeuille bancaires reconnues à titre de CDFI. La plupart d’entre elles sont de petites banques dont l’actif représente approximativement un dixième de la taille des actifs des banques américaines moyenne. un dixième de la taille des actifs des banques américaines moyenne.
Les banques peuvent également être reconnues comme établissement de dépôt minoritaire (Minority Depository Institution, ou MDI). Pour se qualifier à ce titre, elles sont tenues d’offrir leurs services à une communauté principalement composée de personnes issues des minorités, lesquelles doivent également détenir la majorité des actions avec droit de vote ou des sièges du conseil d’administration.
Une étude menée par la FDIC en 2019 a conclu que les MDI octroyaient une plus grande part de leurs prêts hypothécaires à des emprunteurs issus des minorités ou résidant dans des secteurs de recensement à faible ou à moyen revenu que les autres institutions. En outre, les MDI ont consenti une plus grande part des prêts aux petites entreprises garantis par la Small Business Administration qui ont été octroyés aux emprunteurs issus des minorités ou aux entreprises des régions à faible ou à moyen revenu.
En réponse à la pandémie, le Trésor américain a mis sur pied en 2021 un programme d’investissements d’urgence (Emergency Capital Investment Program, ou ECIP) en vue d’encourager les institutions financières faisant affaire dans les communautés à faible et à moyen revenu à déployer plus d’efforts en soutien aux petites entreprises et aux consommateurs de leurs communautés. Aux termes de ce programme, le gouvernement offre des fonds directement aux CDFI et aux MDI en vue de soutenir les entreprises de petite taille ou appartenant à des personnes issues des minorités, de même que les consommateurs à faible revenu.
Comme c’est le cas en milieu rural, où l’offre locale de services bancaires est souvent restreinte, les consommateurs issus de ces communautés urbaines moins favorisées se tournent souvent vers des options plus onéreuses, comme les prêts sur salaire ou les services d’encaissement de chèques. Nous croyons que les CDFI, les MDI et l’ensemble des banques communautaires peuvent offrir à ces emprunteurs des services bancaires traditionnels de meilleure qualité à moindre coût.
Pleins feux sur les retombées sociales attribuables aux banques
De notre point de vue, les initiatives mises en branle par de nombreuses banques communautaires et régionales pour permettre aux petites entreprises et aux régions moins bien servies d’avoir accès à leurs services génèrent des retombées sociales positives. Malgré cela, l’apport des banques et les bienfaits qui en résultent sont trop souvent passés sous silence. Il existe selon nous deux raisons qui expliquent ce fait.
D’une part, nous avons constaté que rares sont les institutions de plus petite taille qui font la promotion des services bénéfiques qu’elles offrent à leur communauté. C’est le cas même pour les banques qui sont manifestement actives à ce chapitre. Ce manque de visibilité pourrait être en partie attribuable aux ressources relativement limitées que les plus petites banques peuvent consacrer à souligner ces initiatives, par comparaison aux institutions plus importantes.
D’autre part, nous croyons que les agences de notation financière et les agrégateurs de données du secteur bancaire n’ont toujours pas déterminé la bonne manière d’analyser le potentiel de retombées sociales positives que recèlent les banques. Ces retombées tendent à être de nature qualitative, ce qui les rend plus difficiles à déceler et à évaluer que les indicateurs de santé financière des banques traditionnellement utilisés. À notre avis, le peu d’attention que les agences de notation portent aux facteurs sociaux se trouve à pénaliser les banques dont le bilan en la matière est admirable.
En général, nous constatons que les banques communautaires et régionales de plus petite envergure jouent un rôle fondamental au sein de leurs communautés et apportent une valeur ajoutée considérable à leur clientèle, dans des régions où les prêteurs se font souvent rares. Nous croyons que les plus petites banques tout comme les agences de notation devraient redoubler d’ardeur afin de mettre en valeur ces apports aux yeux du grand public, des décideurs et des investisseurs.
Enfin, plusieurs de ces banques aux retombées sociales bénéfiques offrent selon nous des occasions de placement attrayantes susceptibles de générer non seulement de solides rendements, mais également des bienfaits sociaux pour l’ensemble des parties prenantes.
1 La Fed définit les « déserts bancaires » comme étant les secteurs habités sans succursale bancaire à 16 km à la ronde. Une étude menée par la Fed en 2017 a relevé 1 132 déserts bancaires aux États-Unis, dont les deux tiers en région rurale.
Renseignements importants
L’indice composé S&P 1500 Banks suit le rendement des sociétés bancaires à grande et à moyenne capitalisation cotées en bourse aux États-Unis. Il n’est pas possible d’investir directement dans un indice.
Une crise généralisée dans le secteur de la santé, comme une pandémie, pourrait entraîner une forte volatilité des marchés, la suspension ou la fermeture des opérations de change, et affecter le rendement du portefeuille. Le nouveau coronavirus (COVID-19), par exemple, perturbe considérablement les activités commerciales à l’échelle mondiale. Les répercussions d’une crise sanitaire, ainsi que d’autres épidémies et pandémies susceptibles de survenir à l’avenir, pourraient avoir des conséquences sur l’économie mondiale qui ne sont pas nécessairement prévisibles à l’heure actuelle. Une crise sanitaire peut exacerber d’autres risques politiques, sociaux et économiques préexistants. Cela pourrait nuire au rendement du portefeuille, ce qui entraînerait des pertes sur votre placement.
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