Perspectives des banques régionales américaines après les bénéfices du premier trimestre et une semaine de volatilité

Examen trimestriel des bénéfices des banques régionales américaines

À la suite de l’effondrement imprévu de la Silicon Valley Bank (SVB) et de la Signature Bank (SB) en mars, les bénéfices au premier trimestre ont constitué un important baromètre de l’incidence des défaillances sur l’ensemble du secteur. Heureusement, la plupart des banques régionales des États-Unis ont vu leurs activités quotidiennes peu touchées, selon nous. Les rapports sur les bénéfices publiés entre la mi-avril et la fin avril corroboraient les commentaires que nous avions entendus des équipes de direction et des organismes de réglementation au cours des semaines suivant les événements de la mi-mars.

Malgré les manchettes et un nombre limité de banques présentant des incohérences entre l’actif et le passif, nous estimons que la hausse des taux d’intérêt a largement profité au secteur au cours des douze derniers mois. En réalité, au premier trimestre, une banque a enregistré en moyenne une hausse de 22 % de son revenu net d’intérêts sur un an.¹

Ces derniers trimestres, les institutions ont observé des sorties de fonds de dépôts dans l’ensemble du système bancaire, alors que les clients réattribuaient une partie de leurs dépôts à des comptes du marché monétaire à rendement élevé ou à d’autres solutions de rechange en liquidités. Une démarche logique et attendue dans un contexte de taux plus élevés. Pour une banque type, c’est une situation tout à fait gérable, puisqu’en moyenne, les dépôts ont diminué de 0,3 % au premier trimestre. ¹ Malgré ces sorties de fonds, les dépôts dans le système bancaire demeurent sains, à notre avis, puisque le ratio des prêts aux dépôts du secteur a atteint un creux record en 2021 de 56 %, comparativement à une moyenne de 76 % sur 20 ans. (À la fin de l’année 2022, le ratio était passé à environ 63 %, mais il est resté historiquement bas.) Par conséquent, nous croyons que, dans l’ensemble, les banques disposent de liquidités importantes pour faire face aux imprévus.

Source : Federal Deposit Insurance Corp., 2023. Les périodes de récession utilisées sont celles définies par le National Bureau of Economic Research. Les rendements passés ne garantissent pas les résultats futurs.

En effet, les banques ont commencé à payer des taux plus élevés sur les dépôts, ce qui est une fois de plus une évolution naturelle dans le contexte actuel des taux. La réévaluation s’est accélérée au premier trimestre, car la Réserve fédérale américaine a relevé les taux de 50 points de base, soit un demi-point de pourcentage, au cours de deux réunions tenues en février et en mars. Cette réévaluation continue de la tarification des dépôts a entraîné des révisions négatives des bénéfices des banques. Malgré ces baisses des perspectives de bénéfices, les banques régionales des États-Unis, dans leur ensemble, se sont récemment négociées à un ratio cours/bénéfice inférieur à 9, soit plus d’un écart-type en deçà de leur escompte historique par rapport à l’indice S&P 500 du milieu des années 1990. De plus, à notre avis, les estimations de bénéfices des analystes semblent prudentes aujourd’hui, car nous estimons qu’ils s’attendent généralement à ce que le contexte de prix des dépôts élevés demeure à moyen terme.

De plus, nous croyons que les banques demeurent attrayantes en termes de cours/valeur comptable. Les actions des banques se négociaient à 0,91 fois leur valeur comptable déclarée au 5 mai 2023, soit une réduction importante par rapport à leur moyenne à long terme de 1,58 fois, qui date du milieu des années 1990. ² Par ailleurs, cette situation se produit dans un contexte où la valeur comptable augmente en raison de la stabilité des bénéfices. Une banque moyenne affiche un rendement des capitaux propres de plus de 12 % au cours du trimestre. ¹

Même si nous prévoyons que la volatilité se maintiendra, les périodes comme celle-ci ont toujours été un point d’entrée intéressant pour les investisseurs, à notre avis.

First Republic— que s’est-il passé?

À la suite des faillites de la SVB et de la SB en mars, la Federal Deposit Insurance Corp. (FDIC) a annoncé le 1^er mai qu’elle avait saisi la First Republic Bank (FR) et vendu les dépôts et les actifs à JPMorgan Chase (JPM). Les sorties de fonds de plus de 100 milliards de dollars US subies par la FR étaient de loin les plus importantes du secteur. Pour combler l’écart par rapport aux dépôts perdus, la FR s’est appuyée fortement sur la fenêtre d’escompte de la Réserve fédérale américaine et sur un dépôt coordonné de 30 milliards de dollars US d’un consortium de onze banques pour stabiliser les liquidités. La FR a été une exception à cet égard, car une banque typique a vu la moyenne des dépôts diminuer de seulement 0,3 %.1

Cela a eu pour effet d’affaiblir considérablement la rentabilité future de la FR. Le marché s’en est davantage rendu compte après la publication des bénéfices par la banque le 24 avril. Son rapport était très différent de la stabilité démontrée par la plupart des institutions. Et cela s’est corsé lorsque la direction de la FR n’a pas répondu aux questions des analystes lors de sa conférence téléphonique sur les résultats, comme le veut la pratique du secteur. Par conséquent, l’action de la FR a de nouveau été sous pression et les organismes de réglementation ont constaté qu’il y avait peu de chances pour une restructuration bancaire ouverte d’aboutir.

La vente à JPM protégeait intégralement les déposants qui étaient assurés en vertu de la couverture standard de la FDIC, soit jusqu’à 250 000 $ US, et ceux dont les dépôts dépassaient ce seuil. En réalité, pour les clients de la FR, le lundi matin de sa fermeture, ce n’était ni plus ni moins que le cours normal des affaires. Nous estimons que l’acquisition de la FR par JPM devrait limiter davantage le risque de contagion au sein du système bancaire, puisque les déposants étaient entièrement protégés dans le cadre de ce rachat.

Une nouvelle vague de volatilité

Les difficultés de la FR ont replacé les banques régionales au rang des priorités des investisseurs, et les craintes que d’autres banques puissent être en danger ont déclenché une crise de confiance des investisseurs au début du mois de mai. Nous croyons que cette situation a probablement été exacerbée par la vente à découvert, une stratégie utilisée par les acteurs du marché qui cherchent à générer des gains de placement à la suite d’une baisse du prix d’un titre donné. Cette crise de confiance semble avoir atteint son paroxysme le 4 mai, après qu’un média a rapporté qu’une banque de la côte ouest était en quête d’options stratégiques. La nouvelle a été très suivie, même si la banque avait ouvertement discuté de nombreuses options stratégiques, y compris le partenariat avec une autre institution, lors de la conférence téléphonique sur les bénéfices tenue la semaine précédente. Lors de celle-ci, le rapport sur les bénéfices avait été bien accueilli par le marché. Cette banque était l’une des rares institutions à avoir connu des flux de dépôts anormaux dans les jours suivant l’effondrement de la SVB en raison du chevauchement d’une partie de ses activités avec celles de la SVB. Cela dit, la banque a été en mesure de gérer la pression initiale de liquidités et a augmenté les dépôts en avril. Si des pressions devaient continuer à s’exercer sur une banque comme celle-ci, nous croyons qu’un tel scénario pourrait servir de catalyseur pour que la Réserve fédérale américaine ou la FDIC fournisse un soutien supplémentaire au secteur et tente de s’assurer que les risques de contagion sont maîtrisés.

Notre approche

Notre processus de recherche fondamentalement axé sur la recherche exige des entrevues approfondies avec des entreprises afin de recueillir des renseignements sur les banques individuelles et le secteur dans son ensemble. Compte tenu de ce contexte de tension sur le marché, nous avons augmenté le nombre de nos contacts dans le secteur. Les équipes de direction de la banque avec lesquelles nous avons communiqué récemment n’ont pas indiqué de comportement anormal de la part de clients ou d’entreprises de leurs communautés. Nous avons constaté avec soulagement que, malgré les mauvaises nouvelles fréquentes et les fortes pressions exercées sur les ventes sur le marché, la plupart des activités quotidiennes des banques semblent se dérouler comme d’habitude. De plus, nous surveillons de près l’environnement réglementaire au moyen de rencontres avec d’anciens représentants du gouvernement fédéral ainsi qu’avec des stratèges et des experts en politiques des États-Unis afin de nous tenir informés des changements et des révisions possibles en matière de réglementation.

1 « KBW Bank Earnings Wrap-Up 1Q23: 1Q Results Reveal Earnings Headwinds, but Universal Fared the Best, » Keefe, Bruyette & Woods, 2 mai 2023. 2 FactSet, au 28 avril 2023, pour l’indice S&P 500 par rapport à sa moyenne en date du 31 décembre 1994.