Budget de l’Union de l’Inde 2019 : avancer avec prudence
Le 5 juillet 2019, Madame Nirmala Sitharaman, ministre des Finances de l’Inde, a présenté le budget inaugural du gouvernement de l’alliance nationale démocratique (NDA) dirigé par le parti nationaliste hindou (BJP) nouvellement réélu1, qui établit sa feuille de route pour faire de l’Inde une économie de 5 000 milliards de dollars américains au cours des cinq prochaines années2. Le gouvernement prévoit atteindre son but en recyclant son propre capital, en reconstituant l’épargne nationale, en encourageant l’épargne étrangère et en relançant les investissements.
Dans un article précédent, nous avons affirmé que la fondation solide des réformes jetée par le gouvernement au cours des cinq dernières années présente une occasion unique d’accélérer le taux de croissance de l’Inde, si elle opère le changement de politique approprié. Nous avancions que ce changement de politique pourrait prendre la forme des trois « R » – recycler, reconstituer et réinvestir. En effet, le dernier budget a introduit plusieurs mesures qui poursuivent ces objectifs et qui, à notre avis, devraient soutenir la croissance économique à moyen et à long terme.
Recycler
S’entend des mesures visant à débloquer des ressources étatiques par le désinvestissement qui devrait sous-tendre le programme de dépenses sociales du gouvernement, sans plomber le déficit budgétaire du pays.
- Assouplissement des normes de désinvestissement des sociétés d’État : Le gouvernement envisage de réduire sa participation dans les sociétés d’État à 51,0 %. Cela pourrait inclure des participations réelles (participations indirectes par l’intermédiaire d’autres entités publiques) susceptibles de libérer des sources de revenu additionnel. Cependant, si ce désinvestissement s’effectue par le biais du marché boursier, cela pourrait entraîner une offre excédentaire de titres des sociétés d’État.
- Augmentation des dépenses, mais pas aux frais du déficit budgétaire : En raison des cibles plus élevées de recouvrement d’impôt et de désinvestissement, le gouvernement a pu maintenir le déficit budgétaire projeté du pays à 3,3 %, malgré une croissance des dépenses projetées de 21,0 % par rapport au budget précédent, ce qui s’avère mieux que ce à quoi le marché s’attendait. Plus précisément, les dépenses dans les régions rurales devraient augmenter d’environ 70 points de base (pb) du PIB, un bond de 55,0 % sur un an3. Nous nous attendons à des investissements publics continus dans des secteurs comme le logement rural, le réseau routier, l’électricité, le gaz et le raccordement d’eau, ce qui devrait engendrer des gains économiques généralisés.
Reconstituer
Le budget prévoit aussi des mesures d’assouplissement des conditions de crédit au pays et visant à attirer l’épargne étrangère susceptibles de contribuer à la reconstitution de l’épargne :
- Recapitalisation des banques d’État : L’augmentation du budget de recapitalisation à 700 milliards de roupies (10 milliards de dollars US) devrait soutenir les banques d’État.
- Garantie de crédit partielle pour les actifs des sociétés financières non bancaires et meilleure supervision : Le budget inclut aussi des plans pour offrir une garantie de crédit partielle unique de six mois aux banques du secteur public pour l’achat d’actifs de sociétés financières non bancaires (SFNB) en bonne santé financière. De plus, le gouvernement a octroyé davantage de pouvoir à la Reserve Bank of India (RBI) pour réglementer les SFNB, notamment le droit de nommer les administrateurs et de les démettre de leurs fonctions. Selon nous, ces mesures devraient assouplir les conditions de liquidité des SFNB et réduire l’aversion pour le risque.
- Mesures visant à attirer l’épargne étrangère :
- Assouplissement des restrictions visant les investissements directs étrangers dans les secteurs du commerce de détail à marque unique4, de l’aviation, de l’assurance et des médias.
- Émission de titres d’État sur les marchés internationaux. Étant donné que la dette souveraine de l’Inde détenue à l’étranger ne représente qu’environ 5 % du PIB5, cette mesure pourrait ouvrir la voie à une nouvelle source considérable de financement.
- Une augmentation potentielle de 25 % à 35 % de la participation publique minimale dans les entités cotées en bourse, en vue d’accroître la pondération de l’Inde dans les indices boursiers mondiaux. Cela pourrait permettre aux marchés boursiers de l’Inde de gagner en maturité à long terme et entraîner une offre substantielle de nouvelles actions de la part de certaines sociétés.
Réinvestir
Les propositions visant à accroître le taux d’investissement devraient contribuer à la formation intérieure de capital :
- Accent sur le logement : L’allégement fiscal au titre de l’intérêt payé sur les prêts hypothécaires6 est passé de 200 000 roupies (environ 2 900 $ US) à 350 000 roupies (environ 5 000 $ US) pour les acheteurs d’une première maison payée moins de 4,5 millions de roupies (ou 65 000 $ US), si l’achat est effectué avant mars 20207. Il s’agit d’une avancée positive, car elle se traduit par des économies de l’ordre de 50 000 roupies (275 $ US) par ménage et par année de financement du prêt hypothécaire. Pour un prêt sur 10 ans, cela pourrait représenter jusqu’à 10 % d’économies brutes8.
- Accent sur les infrastructures : Le gouvernement a rappelé ses plans d’investir 1 400 milliards $ US dans les infrastructures au cours des cinq prochaines années.
Préoccupations potentielles
Les propositions visant à accroître le taux d’investissement devraient contribuer à la formation intérieure de capital :
- Augmentation des émissions d’actions : Le gouvernement envisage de faire passer la participation des promoteurs9 dans les sociétés cotées de 75 % à 65 %, par suite de consultations avec l’organisme de réglementation des marchés financiers de l’Inde, la Securities and Exchange Board of India. Bien que cette mesure vise à augmenter le flottant et la pondération de l’Inde au sein des indices mondiaux, cela risque aussi à notre avis d’entraîner des émissions d’actions de l’ordre de 50 milliards $ US10. Cependant, l’organisme de réglementation veillera sûrement à une mise en place progressive de cette mesure, de manière à laisser assez de temps au marché pour absorber les titres additionnels.
- Augmentation des taux d’imposition supérieurs : Le gouvernement a relevé son taux d’imposition des mieux nantis – ceux qui gagnent plus de 20 millions de roupies (environ 300 000 $ US) par année verront leur taux d’imposition marginal augmenter de 300 pb à 700 pb par suite de la majoration. Cela pourrait nuire à la consommation discrétionnaire et de luxe. À notre avis, une telle majoration s’appliquera aussi aux gains en capital; si ces gains font passer le revenu global d’un particulier au-dessus du seuil mentionné, cela pourrait plomber sa confiance à court terme.
Perspectives
Nous sommes heureux de constater que le gouvernement a adopté, du moins en principe, le cadre des trois R auquel nous faisions référence dans notre article précédent. À notre avis, le gouvernement a été confronté à des contraintes budgétaires et a opté pour la prudence, ce qui lui permettra de réaliser ses ambitions de croissance à long terme. Cela dit, nous aurions aimé qu’il cible davantage la vente d’actifs plus stratégiques plutôt que le marché boursier pour recycler son capital. Nous aurions aussi préféré un programme plus étendu et plus stratégique de vente d’actifs pour générer des revenus et stabiliser les taux d’imposition.
L’Inde a besoin de faire croître son taux d’investissement pour atteindre sa cible de croissance. Cependant, une partie du système d’attribution de crédit (près de la moitié des sociétés d’État et des SFNB) est paralysée en raison des prêts non productifs et des faibles niveaux de capitalisation. Bien que ce problème soit en voie d’être résolu par les mécanismes du marché, nous croyons que les mesures budgétaires du gouvernement – recapitalisation des banques d’État, garantie de crédit partielle et meilleure supervision – devraient aider. Il est aussi très important d’attirer l’épargne étrangère alors que les liquidités mondiales sont abondantes, et la décision du gouvernement d’ouvrir le compte de capital en misant sur l’émission d’obligations d’État sur les marchés obligataires étrangers s’avère une mesure ambitieuse en ce sens. Cela devrait libérer l’épargne nationale, aidé par l’abaissement des taux, qui devrait à son tour contribuer à relancer les investissements privés.
Nous restons optimistes par rapport à l’Inde. Même si le gouvernement n’a pas opté pour une relance budgétaire globale, les retombées pourraient être positives pour les régions rurales et les petites entreprises. En revanche, les avantages découlant d’une baisse des taux d’intérêt ont commencé à se faire ressentir au sein de l’économie réelle, tandis que les conditions de liquidité s’améliorent. Une gestion budgétaire prudente devrait aussi permettre de réduire les taux. Les secteurs sensibles aux taux d’intérêt comme les services financiers, l’immobilier commercial et les services publics devraient en bénéficier. Nous croyons aussi que les secteurs sensibles à la demande de taux se redresseront après avoir accusé un certain retard – pensons à l’automobile et aux matériaux de construction. La roupie indienne pourrait toutefois rester vigoureuse en raison de la hausse des rentrées de capitaux étrangers. Cela pourrait nuire aux exportateurs indiens, surtout dans les secteurs matures comme les technologies de l’information et les soins de santé.
1 Le gouvernement de coalition de l’Inde, plus connu sous le nom de l’alliance nationale démocratique (ou NDA en anglais), est dirigé par le parti nationaliste hindou Bharatiya Janata Party. La coalition a été réélue pour un deuxième mandat lors des élections tenues plus tôt cette année qui se sont conclues en mai. 2 Union Budget 2019-2020—Budget Highlights: Key Features, ministère des Finances, gouvernement de l’Inde, 5 juillet 2019. 3 Par rapport à l’exercice financier 2019, qui s’est échelonné d’avril 2018 à mars 2019. 4 Commerce de détail à marque unique fait référence aux entreprises qui commercialisent leurs produits sous une seule marque. 5 Bloomberg, juin 2019. 6 L’intérêt payé par les emprunteurs sur les prêts hypothécaires est déductible d’impôt (c.-à-d. qu’il peut être déduit du revenu imposable). 7 Budget 2019 hikes tax break on interest paid on loan for affordable housing by Rs 1.5 lakh, Economic Times, July 8, 2019. 8 Estimations de Gestion de placements Manuvie, juillet 2019. 9 En Inde, les principaux actionnaires d’une société (particuliers ou familles) qui ont la main mise sur la gestion sont appelés des promoteurs. Cela fait référence à la participation maximale qu’ils peuvent détenir dans une entité cotée en bourse. L’introduction d’un seuil plus bas augmentera le flottant des actions des sociétés cotées. 10 Estimations de Gestion de placements Manuvie selon la capitalisation boursière, au 5 juillet 2019.
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