Perspectives économiques en Inde : une occasion unique de stimuler la croissance
Les résultats des élections générales en Inde, suivies de près, devraient être bientôt publiés. Dans ce billet sur l’investissement, Rana Gupta, spécialiste des actions indiennes, examine les politiques des deux principaux partis et les occasions économiques qui attendent le nouveau gouvernement. Dans l’ensemble, il croit que le prochain gouvernement pourrait élaborer un programme axé sur la croissance, fondé sur les actuelles réformes structurelles, un ensemble de politiques – qu’il appelle les quatre piliers – qui ont ouvert la voie à la croissance durable en Inde. Selon lui, stimuler la croissance, recycler les actifs, attirer des capitaux et générer des revenus seront les principales priorités du nouveau gouvernement.
Les cinq dernières années : établir une fondation solide à long terme
Au cours des cinq dernières années, nous sommes d’avis que les quatre piliers – formalisation, stabilité budgétaire, financiarisation et réformes – ont établi une fondation solide. Collectivement, les politiques ont officialisé la structure économique du pays, élargi l’assiette fiscale et fait grimper le ratio impôts-PIB. Ainsi, le gouvernement a été en mesure d’accroître les investissements publics sans augmenter le déficit budgétaire. De plus, les réformes liées à la résolution des prêts aux entreprises irrécouvrables ont permis d’améliorer la santé du système bancaire. Une économie plus formelle, des dépenses publiques de meilleure qualité soutenues par des recettes et un secteur bancaire privé en meilleure forme ont également contribué à établir la fondation économique du pays.
Cependant, de telles réformes transformationnelles ont créé des défis à court terme : Les revenus sont plus faibles en raison du ralentissement du secteur informel et de la baisse des prix des aliments à l’échelle mondiale, tandis que la consommation discrétionnaire a baissé à la suite du recul des décaissements des sociétés financières non bancaires.
Les cinq prochaines années : l’Inde devrait se développer sur une fondation solide
Les élections générales en Inde sont en cours. Le processus en sept phases se déroule du 11 avril au 19 mai, et les résultats devraient être annoncés le 23 mai. Notre scénario de base, qui fait écho aux sondages d’opinion accessibles publiquement1, est que la coalition dirigeante de l’Alliance nationale démocratique pourrait reprendre le pouvoir. Cela dit, nous croyons que l’élu qui formera le prochain gouvernement aura une occasion unique de poursuivre le programme de réforme actuel.
La première tâche du nouveau gouvernement sera de mettre en œuvre les politiques de relance budgétaire annoncées par le gouvernement en place2, qui n’ont pas pu l’être entièrement en raison des élections. Du côté de la politique monétaire, la banque de réserve indienne a injecté des liquidités sur les marchés et a réduit les taux d’intérêt pour stimuler la croissance. Cependant, certaines des mesures prises par la banque centrale ont été moins efficaces, car le montant des liquidités en circulation augmente habituellement pendant les élections, ce qui entraîne un resserrement temporaire de la liquidité, mais ce phénomène devrait s’estomper après les élections.
À long terme, le prochain gouvernement devra faire augmenter le revenu s’il veut accélérer la croissance économique. En effet, nous croyons que les projets stratégiques du gouvernement en place et les manifestes électoraux du Bharatiya Janata Party (BJP)3 et du Congrès national indien (CNI)4 ont un point en commun : ils mettent l’accent sur la croissance du revenu, même si leur approche est différente.
Priorités des deux principaux partis : BJP et CNI
Les deux partis sont résolus à poursuivre le processus d’assainissement budgétaire du gouvernement sortant. Parallèlement, chacun d’eux a présenté un ambitieux programme de croissance pour les cinq prochaines années, promettant d’augmenter les dépenses publiques et la part du secteur manufacturier dans le PIB. Selon nous, ces objectifs sont essentiels à la création de nombreux emplois et à la hausse du revenu et de l’épargne qui devraient stimuler le taux d’investissement au pays.
Voici les points forts de leur programme :
- Le BJP s’est engagé à investir 1 400 milliards de dollars US (environ 8 % du PIB, selon nos calculs) dans les infrastructures au cours des cinq prochaines années, ce qui est supérieur à la formation brute de capital fixe actuelle du secteur public (FBCF) (c.-à-d. l’investissement net) qui est de 7,0 % à 7,5 % du PIB. Par ailleurs, nous croyons que le programme de dépenses sociales proposé par BJP et l’élargissement des régimes de transfert des revenus (un régime de transfert des revenus de base quasi universel)5 coûteront moins de 0,5 % du PIB actuel.
- Le régime de transfert des revenus du CNI destiné aux 20 % de familles les plus pauvres est estimé à 1,5 % du PIB actuel. Cependant, le CNI a déclaré qu’il inclurait d’autres subventions centrales et d’État à ce programme; par conséquent, l’incidence budgétaire globale devrait être nettement inférieure à 1,5 % du PIB.
Mettre en place un programme favorisant la croissance – attirer les capitaux
Pour stimuler la croissance économique de l’Inde, les ressources (capitaux) doivent être mobilisées. La mobilisation des ressources est bien plus essentielle à l’accélération de la croissance que le parti ou la coalition qui formera le gouvernement. Nous avons déterminé trois façons que la prochaine administration pourrait utiliser pour attirer des capitaux et établir un programme de stimulation de la croissance efficace : améliorer l’efficacité du gouvernement et la cession des actifs, favoriser les dépenses en immobilisations du secteur privé et tirer parti des occasions dans le secteur manufacturier.
1 Améliorer l’efficacité du gouvernement et la cession des actifs
Nous croyons que les priorités des deux partis en matière de dépenses peuvent être financées par divers moyens sans avoir à nouveau recours à l’emprunt. Les sources potentielles de revenus de l’État incluent :
- L’augmentation des recettes fiscales grâce à une meilleure conformité fiscale – Le gouvernement a déjà réalisé des progrès importants dans ce domaine crucial, le ratio des recettes perçues par rapport au PIB étant passé de 16,2 % en 2015 à 17,4 % en 2018; il devrait atteindre 18,3 % en 20196.
- Regrouper les subventions gouvernementales dans des programmes de transfert des revenus – Une meilleure administration des prestations du gouvernement permettrait de réaliser plus d’économies. Les réformes apportées à la « JAM trinity »7 ont permis d’économiser environ 1 200 milliards de roupies indiennes (environ 17 milliards de dollars US) grâce à la mise en œuvre du transfert direct de prestations, ce qui a permis d’éliminer les bénéficiaires non admissibles.8
- Cession d’actifs – Le gouvernement en place envisage de se départir de ses participations dans des unités de secteur public et des sociétés cotées en bourse du secteur privé. Si elle conserve une participation de 51 % dans les unités de services publics et vend la totalité de sa participation dans les sociétés non gouvernementales, le potentiel de cession pourrait atteindre 51 milliards de dollars US9 (environ 1,7 % du PIB). Cependant, si la participation du gouvernement est ramenée de 51 % à 40 %, l’État pourrait récupérer 82 milliards de dollars US10 de plus (soit au total environ 2,7 % du PIB). La privatisation pure et simple des unités de services publics non rentables pourrait stimuler la confiance, mais pourrait soulever des défis politiques.
- Augmentation des investissements privés dans les infrastructures de l’État, y compris les chemins de fer et les installations électriques – Ce processus a déjà commencé dans le secteur de la distribution d’électricité, où des sociétés fermées soumissionnent des projets dans certains États. Le gouvernement pourrait également monétiser les infrastructures existantes en vendant des actifs qui génèrent des revenus (p. ex., routes à péage) dans le but d’attirer les investisseurs étrangers.
Les investissements du secteur public sont demeurés relativement élevés et nous pensons que cette tendance pourrait se poursuivre si davantage de capitaux devenaient disponibles grâce au recyclage ou à la monétisation des actifs.
Même si le nouveau gouvernement privilégie le transfert de prestations, financé par le recyclage ou la monétisation des actifs, cela contribuera probablement à augmenter le revenu et, au bout du compte, à générer de la demande, des emplois et des économies.
2 Favoriser les dépenses en immobilisations du secteur privé
Malgré la hausse des investissements dans le secteur public, la formation brute de capital fixe a chuté au cours des cinq dernières années, en raison de la faiblesse des dépenses en immobilisations. Cependant, cela devrait changer, si ce n’est pas déjà le cas.
Les dépenses en immobilisations du secteur privé ont été faibles au cours des cinq dernières années, en raison de la surcapacité du secteur des produits industriels et de la stagnation des prix de l’immobilier causée par des perturbations suscitées par les politiques (réformes visant la formalisation de l’économie). Cependant, les choses sont en train de changer. Certains signes indiquent que l’utilisation globale de la capacité augmente, ce qui signifie que les dépenses en immobilisations privées du secteur devraient prochainement augmenter. Dans le secteur de l’immobilier, nous constatons des regroupements à la suite de réformes visant à officialiser l’économie – la prochaine phase devrait être la reprise des dépenses en immobilisations.
Alors que le secteur privé évalue ses projets de dépenses en immobilisations, il lui faut avoir accès à des capitaux à un coût raisonnable. Par conséquent, nous croyons qu’il est impératif que le gouvernement augmente ses ressources en monétisant les actifs et en augmentant les économies pouvant être réalisées par les entreprises. La reprise des dépenses en immobilisations du secteur privé devrait entraîner la création d’emplois et l’augmentation du revenu et de l’épargne.
3 Tirer parti des occasions du secteur manufacturier
L’Inde peut aussi stimuler la croissance économique en tirant parti des occasions du secteur manufacturier. Notamment, nous surveillons de près la transformation de la Chine en une économie plus novatrice et écologique et à valeur ajoutée.
Alors que la transition progresse et que le coût de la main-d’œuvre continue d’augmenter en Chine, une partie des emplois non qualifiés du secteur manufacturier du pays pourraient être transférés ailleurs. L’Inde est bien placée pour profiter de ce scénario, avec un surplus d’électricité, une population active importante et de récentes améliorations favorables aux entreprises résultant des réformes.
L’Inde est également le troisième plus grand marché de consommation en Asie, après la Chine et le Japon11. Les sociétés multinationales considèrent la forte demande nationale et les exportations potentielles comme très lucratives.
Le marché indien des téléphones intelligents illustre cette occasion commerciale. En effet, de grands fabricants de téléphones intelligents, comme Foxconn, Xiaomi et Samsung, ont établi leurs activités dans le pays. Bien que la valeur ajoutée de la production actuelle soit encore faible, nous croyons que les choses commencent bien. De plus, les sociétés étrangères qui exercent des activités en Inde non seulement stimuleront l’économie en favorisant les investissements et l’emploi, mais permettront également de réaliser des économies en attirant des investissements étrangers directs.
Perspectives du marché
Nos perspectives à l’égard de l’Inde sont encourageantes à moyen et à long terme, en raison de la mise en œuvre de réformes structurelles appropriées. Le ratio de capitalisation global du marché est de 15,512, ce qui nous semble raisonnable, car il n’est supérieur que d’environ 5 % au ratio médian sur 10 ans.
Nous ne pouvons pas exclure que le résultat des élections suscite de la volatilité. Cela dit, les perspectives à moyen et à long terme continueront d’être guidées par les politiques du nouveau gouvernement et par l’évolution de la situation à l’échelle mondiale.
Nos perspectives sectorielles à moyen et à long terme sont les suivantes :
- Banques du secteur privé – Nous sommes optimistes à l’égard des banques du secteur privé, car elles sont les principales bénéficiaires des réformes du secteur bancaire. Selon nous, elles pourraient prendre des parts des marchés des dépôts et des prêts aux banques d’État et aux sociétés financières non bancaires qui affichent une certaine faiblesse. De plus, les banques du secteur privé qui s’adressent aux sociétés pourraient fortement réduire leurs provisions pour prêts douteux en raison de l’amélioration de la qualité de l’actif.
- Produits industriels – Nous sommes également optimistes à l’égard du secteur des produits industriels, car nous croyons que le nouveau gouvernement se concentrera sur les dépenses en immobilisations. La reprise du secteur manufacturier contribuera à soutenir la croissance de l’emploi et du revenu.
- Consommation – Nous préférons certaines sociétés de la consommation qui gagnent des parts de marché grâce à la politique de formalisation de l’économie. Ces sociétés œuvrent notamment dans le domaine des bijoux, du prêt-à-porter et de la rénovation résidentielle. Nous voyons également d’un bon œil les secteurs qui profiteraient d’une augmentation des dépenses publiques, comme les biens de consommation durables électriques, compte tenu de la mise en œuvre de programmes d’électrification.
- Perspectives négatives – À court terme, nous sommes pessimistes à l’égard des sociétés automobiles et des sociétés financières non bancaires. Ces sociétés subissent des pressions, tant du point de vue du financement que de leur marge d’intérêt nette, après qu’une société, considérée comme de grande importance par la banque centrale, eut manqué une série de remboursement. En conséquence, les sociétés financières non bancaires ont considérablement réduit leurs décaissements. Nous restons également prudents à l’égard des secteurs cycliques mondiaux comme les métaux et l’énergie, non seulement en raison de la volatilité des prix des produits de base sous-jacents, mais aussi en raison de l’endettement élevé de ces sociétés.
Conclusion
Compte tenu des réformes structurelles en cours et de la perspective d’un gouvernement stable au cours des cinq prochaines années, l’Inde pourrait accélérer sa croissance. Selon nous, un changement de politique approprié de la part du nouveau gouvernement visant à libérer des ressources pour investir dans les infrastructures (matérielles et immatérielles), conjugué à d’autres améliorations de l’environnement dans lequel évoluent les entreprises, est le moyen de tirer profit de cette occasion unique.
1 CLSA, 16 avril 2019. 2 Le gouvernement sortant a proposé un soutien financier pour augmenter le revenu des agriculteurs ainsi que des allégements fiscaux pour la classe moyenne dans le budget. 3 Principal parti de l’Alliance démocratique nationale, l’alliance dirigeante actuelle. 4 Le CNI est le principal parti d’opposition et le principal parti de l’Alliance progressiste unie. 5 Programme de transfert des revenus Pradhan Mantri Kisan Samman Nidhi (PM-KISAN), estimations de Gestion de placements Manuvie, avril 2019. 6 CEIC, estimations de Kotak Institutional Equities, avril 2019. 7 « Jan Dhan-Aadhaar-Mobile (JAM) trinity » est un projet visant à prévenir l’attribution frauduleuse de prestations sociales en liant le compte bancaire à identification unique au numéro de téléphone mobile du titulaire de compte. 8 dbtbharat.gov.in, février 2019. 9 Bloomberg, au 29 mars 2019. 10 Capitalisation boursière totale, Bloomberg, au 29 mars 2019; données de Kotak Institutional Equities, mars 2019. 11 Banque de données de la Banque mondiale, décembre 2017. L’Inde est la troisième plus grande économie de la région Asie-Pacifique. 12 Bloomberg, indice MSCI Inde, au 1er avril 2019.
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