Que va-t-il se passer après le redressement? Comment voir les obligations actuellement

La reprise des actions, bien qu’elle ne fut pas une illusion, a été subjective. Le travail à domicile a stimulé certaines des actions à plus fortes capitalisation et croissance, et bien que les actions à plus petite capitalisation se soient également redressées, ce fut en général dans une moindre mesure².

Les obligations ont elles aussi fortement rebondi après s’être repliées en mars. Il reste maintenant à déterminer comment répartir les placements entre les actions et les obligations, quel est le rôle approprié des obligations dans un portefeuille et quelles obligations choisir.

Les mesures prises par la Réserve fédérale des États-Unis (la Fed) pour soutenir divers marchés de titres à revenu fixe ont entraîné un redressement spectaculaire et l’émission massive d’obligations. Ceux qui détenaient des liquidités lorsque les marchés ont touché leur creux et que l’émission de nouvelles obligations a commencé ont dégagé d’excellents résultats pour l’année. Selon la Securities Industry and Financial Markets Association, l’émission d’obligations de première qualité et d’obligations à rendement élevé entre mars et juin 2020 s’est chiffrée à 1 123 milliards de dollars, comparativement à 483 millions de dollars pendant la même période en 2019³. Cela ne comprend pas l’émission record d’obligations convertibles, qui a éclipsé les précédents records annuels⁴, après plusieurs années qui n’ont rien eu d’extraordinaire.

Les gestionnaires chevronnés ont reconnu que le recul causé par la pandémie ne reflétait pas un système profondément défaillant, comme c’était le cas lors de la crise financière mondiale de 2008, que nous avons appelée « un accident de train au ralenti ». Ces gestionnaires ont acheté des titres de créance de sociétés très solvables, mais qui avaient été excessivement vendus lors de la débâcle du mois de mars. Bien que ces gestionnaires ne se fiaient pas nécessairement aux mesures de la Fed, ils n’ont pas été surpris de voir cette dernière se porter à la rescousse des marchés et ils ont tiré profit des nouvelles émissions, tant des obligations de qualité que des obligations spéculatives. Toutefois, cette occasion semble s’être envolée à la fin de l’été.

Voici certaines des questions qui se posent actuellement : Quels sont les secteurs les plus vulnérables en cas de nouveau repli, et quels secteurs ont couru le risque de ne pas étoffer leurs liquidités durant cette période de forte mobilisation de capitaux? Comme il n’est pas possible de déterminer la durée et la gravité de la pandémie dans les mois à venir, les entreprises dont la majeure partie des activités se déroulent à l’intérieur et qui rassemblent les gens, ainsi que les émetteurs sensibles à l’économie, pourraient avoir encore besoin de mobiliser des capitaux. L’analyse ascendante permet de déterminer quels sont les émetteurs à éviter ainsi que ceux bien positionnés avant et après les mesures de la Fed.

En date du 19 août, l’écart de taux des obligations notées AA n’était que de 75 points de base (pb), ce qui est supérieur au creux sur 52 semaines de 48 pb, mais bien inférieur au sommet d’au moins 250 pb atteint pendant la crise⁵. L’écart de taux des nombreuses obligations notées BBB s’est resserré, passant de 457 pb à 160 pb, ce qui est bien supérieur au creux de 119 pb sur 52 semaines, mais qui témoigne toujours d’un revirement rapide. Il convient également de noter que les taux des obligations du Trésor américain ont connu une brève hausse en mars, lorsque les investisseurs voulaient à tout prix des liquidités. L’écart de taux des obligations à 10 ans est de 70 pb depuis un certain temps. Même si l’écart peut encore se resserrer, il est probable que les investisseurs du marché obligataire espèrent maintenant simplement obtenir leurs coupons. Cela augmente l’attrait des obligations offrant des coupons un peu plus élevés tout en tenant compte du risque de crédit supplémentaire.

En ce qui concerne les obligations notées BBB, la possibilité que certaines d’entre elles perdent leur note d’obligations de qualité en période de ralentissement économique a suscité des inquiétudes généralisées. L’un des programmes de la Fed a consisté à acheter non seulement des titres de créance de première qualité, mais aussi des titres de créance de sociétés, dont la note de crédit a été revue à la baisse et qui sont devenus des titres à rendement élevé. Il y a plus d’un an, les titres de créance notés BBB dépassaient les 7 000 milliards de dollars⁶ à l’échelle mondiale, la moitié étant émis par des sociétés américaines.

Parmi les sociétés dont la note de crédit est susceptible d’être revue à la baisse figurent les grandes sociétés du secteur de l’énergie, qui risquent de connaître un effondrement semblable à celui survenu en 2015. Le prix du pétrole a rebondi, après être brièvement devenu négatif en avril, ce qui était presque inimaginable, pour atteindre environ 40 $ le baril. Toutefois, il stagne depuis et ce prix n’est peut-être pas suffisant pour que de nombreuses sociétés du secteur génèrent des flux de trésorerie positifs. Standard & Poor’s a déclaré en mars qu’elle réviserait les notes de crédit des sociétés du secteur de l’énergie en prenant un prix du pétrole de 35 $ au lieu de 55 $⁷, comme précédemment, près de 500 milliards de dollars étant potentiellement en jeu. Paradoxalement, le nombre important de titres de créance notés BBB devenant des titres à rendement élevé pourrait entraîner une augmentation de la qualité, mais une baisse du taux de l’indice, ce qui pourrait pousser les investisseurs à prendre plus de risque pour augmenter le revenu.

Le graphique des taux des obligations de sociétés ci-dessous suggère que la révision à la baisse de la note BBB à BB pourrait donner lieu, selon une estimation, à un élargissement des écarts de 150 pb à 350 pb. Il est de plus en plus important d’utiliser l’analyse ascendante pour éviter les titres dont la note risque d’être revue à la baisse. Alors qu’un élargissement des écarts de taux de 350 pb implique une révision à la baisse conduisant directement à la note B – un événement très rare –, les marchés tiennent généralement compte bien à l’avance du risque de révision des notes de crédit. L’analyse ascendante peut aider les gestionnaires à comprendre la dynamique entre le risque et le rendement et à éviter d’investir dans des titres dont la note de crédit pourrait être soudainement revue à la baisse.

Comme les actions ont connu un redressement phénoménal, il y a lieu d’envisager une pondération traditionnelle (voire plus élevée) des obligations. Les titres de créance des banques, plus sécuritaires que lors de la dernière crise, ainsi que les obligations de sociétés diversifiées et au bon prix, peuvent occuper une place essentielle dans de nombreux portefeuilles équilibrés. Cela signifie une combinaison d’obligations de première qualité et d’obligations à rendement élevé soigneusement choisies. Les émetteurs d’obligations de première qualité peuvent généralement s’offrir le luxe d’émettre des obligations à plus long terme assorties de coupons moins élevés, ce qui expose l’investisseur au risque de duration. Les obligations à rendement élevé ont tendance à présenter un risque de duration un peu plus faible, en raison de leurs flux de trésorerie et de leur durée généralement plus courte.

Étant donné que les liquidités ne rapportent essentiellement rien, un faible risque de duration, calculé avec soin grâce à une combinaison d’obligations de première qualité et d’obligations à rendement élevé lorsque le mandat du portefeuille le permet, semble aussi convenir, même si les taux sont proches de creux records et qu’il est probable que de nouvelles mesures de relance budgétaire seront mises en œuvre pour lutter contre la crise causée par la pandémie. La clé est une approche qui ne s’effondre pas avec les marchés, mais qui repose sur des sociétés disposant d’excellents fondamentaux, qui sont capables de résister aux difficultés et dont les obligations offrent une rémunération appropriée en cette période de forte incertitude. Après tout, il n’y a pas que la pandémie, mais il y a aussi toutes les réactions potentielles du gouvernement.

1 Wall Street Journal, 20 août 2020. 2 Selon marketwatch.com, l’indice S&P 400 à capitalisation moyenne affichait toujours un rendement inférieur de plus de 9 % à son sommet sur 52 semaines. 3 sifma.org, 4 août 2020. 4 Retirementestateplan, juillet 2020. 5 wsj.com, 19 août 2020. 6 spglobal.com, 29 mai 2020. 7 bloomberg.com, au 16 mars 2020.