Alors que la conjoncture du marché se détériore, la dette des marchés émergents peut-elle resister à la tempête?
Les répercussions de la politique sans précédent adoptée par les banques centrales à l’échelle mondiale sont désormais évidentes : elles freinent l’inflation, mais elles mettent aussi en relief d’éventuels sujets de préoccupation. Nous examinons ici comment cette situation macroéconomique difficile pourrait influer sur les perspectives liées à la dette des marches émergents.
Il y a quelques mois à peine, les marchés étaient imprégnés d’un sentiment d’optimisme, car la probabilité d’un atterrissage en douceur semblait grandir. Après les confinements prolongés causés par la pandémie, l’économie chinoise se remettait en marche à un rythme plus rapide que prévu. Les économies des marchés développés se sont montrées résilientes face aux interventions agressives des banques centrales du monde entier, dont les interventions ont commencé à porter fruit parallèlement à l’atténuation de la dynamique inflationniste. L’ensemble de ces facteurs laissait présager un scénario de croissance économique mondiale plus favorable, qui soutiendrait également les marchés émergents (MÉ).
Mais à la suite de l’effondrement de deux prêteurs spécialisés dans la technologie au cours des derniers mois, les fissures dans le système financier mondial sont désormais visibles et le risque de contagion financière reste préoccupant. Les turbulences bancaires ont fait augmenter la probabilité d’une récession aux États-Unis et pourraient entraver la croissance économique mondiale. Dans ce contexte, nous estimons qu’il est nécessaire d’examiner de plus près la dette des pays émergents et d’évaluer si cette catégorie d’actif pourrait être vulnérable en raison de ces événements.
Resserrement de la politique des banques centrales à l’échelle mondiale
Les marchés des capitaux continuent de subir les effets de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et cela s’accompagne d’une volatilité accrue imputable à un recul marqué des conditions de financement. L’ampleur du resserrement financier dans les pays développés et émergents a été sans précédent, les banques mondiales s’étant engagées dans des cycles de compression ambitieux.
La Réserve fédérale américaine a relevé ses taux de près de 500 points de base durant les 12 derniers mois, tandis que la Banque centrale européenne les a haussés de 350 points de base depuis l’été dernier. Les banques centrales des pays émergents ont généralement serré la vis dans une mesure encore plus grande, ayant entamé le processus plusieurs mois avant les banques des marchés développés.
Les banques centrales des pays émergents ont davantage serré la vis et l’ont fait plus rapidement que celles des pays développés
Taux directeurs des banques centrales depuis 2020
Source : Bloomberg, au 21 avril 2023.
Parmi les mesures dignes de mention prises par les banques centrales de marchés émergents, citons les hausses de taux décrétées par la Banco Central do Brasil (11,75 %), la Banco de Mexico (7,25 %), la South African Reserve Bank (4,25 %) en Afrique du Sud et la Bank of Korea (3,00 %) en Corée du Sud. Cette attitude avant-gardiste de plusieurs banques centrales de marchés émergents s’est révélée constituer un puissant outil pour limiter les sorties de capitaux et soutenir les taux de change par rapport au dollar américain. Ces interventions prouvent également que ces marchés sont prêts à adopter une approche active et à s’en tenir en priorité à un niveau de prudence budgétaire qui n’était pas évident lors de crises antérieures.
Mais maintenant que de nombreux pays souverains développés ou émergents annoncent la fin de leur cycle de resserrement, un ralentissement de la croissance économique sera difficile à gérer pour les émetteurs de marchés émergents les plus endettés, car tout soutien supplémentaire aux valorisations monétaires sera limité. Une hausse du dollar américain pourrait mettre de la pression sur de nombreux pans de l’économie mondiale et nuire du même coup à la capacité des marchés émergents à assurer le service de leur dette libellée en dollars américains, en particulier lorsqu’elle est associée à des coûts d’emprunt élevés.
La force du dollar pourrait avoir des effets variables
Dans l’univers des marchés émergents, nous observons une grande variabilité du degré de vulnérabilité financière face à une flambée du dollar américain. Pour déterminer les pays les plus à risque, nous avons examiné des paramètres tels que le solde des comptes courants, le niveau des réserves de change et le profil global de la dette visée par des obligations importantes en devises étrangères. Nous prenons également en considération le cadre de travail unique que chaque banque centrale utilise pour mettre sa politique monétaire en œuvre et remplir le mandat qui lui est propre. Les données révèlent que cette situation a des répercussions inégales d’un pays émergent à un autre, car une poignée de marchés, consistant principalement en des marchés naissants, sont les plus mal équipés pour composer avec cette évolution de la conjoncture.
Les ratios dette-PIB restent raisonnables pour la plupart des pays émergents
Dette brute générale des administrations publiques auprès du FMI (en % du PIB), 2023
Source : Fonds monétaire international, Bloomberg, au 31 mars 2023.
Le ratio dette-PIB est une mesure utile servant à comparer l’ampleur de la dette d’un pays à celle de sa production économique, ce qui permet de quantifier la santé et le niveau de prudence budgétaires d’un pays. Plus ce ratio est élevé, plus il est difficile pour un pays d’assurer le service de sa dette, ce qui augmente le risque de défaillance. Cela est particulièrement vrai pendant les périodes de tension économique lors desquelles les taux d’emprunt sont élevés.
Des études de la Banque mondiale ont montré que des ratios dette-PIB élevés ont des répercussions négatives sur la croissance économique, car ils la ralentissent et entravent la capacité d’un pays à rembourser ses dettes ou à se refinancer, ce qui crée une spirale descendante. Un ratio plus faible signifie que le pays produit plus qu’il ne doit, ce qui se traduit par une souplesse financière accrue.
Le Japon, un marché développé et la troisième plus grande économie, a le ratio dette-PIB le plus élevé au monde. Le Japon navigue dans des eaux économiques troubles depuis des décennies, mais il a pu assurer le service et le refinancement de sa dette à des taux d’intérêt extrêmement bas.
En revanche, les pays émergents qui affichent un ratio dette-PIB très élevé ne jouiront probablement pas de la même capacité à se refinancer sans que le marché ne leur demande une prime, ce qui se traduira par des taux de financement sensiblement plus élevés. Comme les données révèlent que la plupart des pays émergents ont des ratios dette-PIB inférieurs à 100 pour cent, nous estimons que la plupart de ces économies continuent de s’appuyer sur des fondements financiers solides et ne seront pas exposées à ce risque de refinancement.
Les réserves de change peuvent servir de tampon
L’indicateur de vulnérabilité externe (IVE) de Moody’s, qui sert à mesurer le remboursement de la dette à court et à long termes en tenant compte des réserves officielles en devises, nous fournit un autre aperçu des risques qui pèsent sur l’ensemble des marchés émergents.
Certains pays sont plus vulnérables que d’autres au resserrement de la conjoncture financière
Classement établi selon l’indicateur de vulnérabilité externe (IVE)
Source : Moody’s Investors Service, avril 2023.
En ce qui concerne les pays les plus vulnérables, le Mozambique, la Tunisie, le Salvador et le Pakistan figurent parmi les marchés émergents souverains les plus éprouvés. La Turquie, pays qui a adopté des politiques monétaires non orthodoxes malgré son hyperinflation, fait montre elle aussi d’une grande vulnérabilité. En mars, l’inflation dans ce pays a été moins prononcée que l’avait prévu le marché, mais elle a tout de même atteint le taux impressionnant de 50,5 pour cent.
À l’autre bout du spectre, des pays comme le Pérou, les Philippines, la Thaïlande, le Brésil et le Cambodge semblent relativement bien placés pour affronter la pression liée au financement, plusieurs autres pays ayant également un IVE inférieur à 100, ce qui indique qu’ils maintiennent un niveau de réserves adéquat.
Incidence sur les notes de crédit
Les notes de crédit sont un autre outil qui peut nous aider à déterminer quels pays pourraient avoir la capacité de composer avec un resserrement des conditions de financement au niveau mondial. Nous croyons que les États émetteurs de titres de première qualité sont susceptibles de faire preuve de résilience, tandis que les États émetteurs de titres à haut rendement (ou offrant une qualité de crédit moindre) plus vulnérables pourraient devoir gérer des tensions financières plus marquées.
De nombreux pays émergents ont souffert de coûts d’emprunt élevés et de niveaux d’inflation toujours importants, ce qui a dicté les notes de crédit dans plusieurs cas, y compris quelques défaillances survenues depuis le début de 2022, notamment au Sri Lanka (mai), en Russie (juin), en Biélorussie (juillet) et en Ukraine (août).
Les décotes sont plus nombreuses que les surcotes depuis le début de 2022
Source : Fitch Ratings, au 17 mars 2023.
Nous croyons également que la dynamique actuelle des décotes par rapport aux surcotes devrait se maintenir jusqu’à la fin de l’année. Cela dit, nous pensons qu’il est tout aussi important de souligner que les tensions engendrées par la pandémie et d’autres facteurs externes depuis 2020 ont eu pour effet de concentrer les défis à relever dans les marchés naissants.
Mais ces tensions ont aussi servi de signal d’alarme à de nombreux pays émergents, les incitant à accorder la priorité à l’atteinte d’un niveau de discipline et de souplesse budgétaires qui leur permettra de mieux résister aux chocs économiques futurs. Cela se reflète dans le nombre élevé de révisions positives des perspectives, qui dépasse le rythme des révisions négatives depuis le début de 2022. Pour que cet élan se poursuive, la dynamique de la croissance mondiale sera d’une importance capitale.
Les révisions des perspectives ont eu tendance à être positives
Source : Fitch Ratings, au 17 mars 2023.
La sélection des placements et du crédit est essentielle
La géopolitique demeurera le sujet principal dans toutes les discussions sur les marchés. La possibilité d’une nouvelle escalade entre la Chine et les États-Unis, ainsi qu’une éventuelle aggravation du conflit militaire entre la Russie et l’Ukraine, qui entre dans sa deuxième année, pourraient accroître la volatilité des marchés, alors même que l’économie mondiale se remet encore des effets de l’invasion de l’Ukraine par la Russie l’année dernière.
Les implications sociales sont également préoccupantes, les inquiétudes liées à la disponibilité des denrées alimentaires cédant le pas à celles causées par leur coût de moins en moins abordable. L’augmentation des coûts, conjuguée à la hausse des dépenses énergétiques, a entraîné une véritable crise du coût de la vie dans les économies avancées et émergentes, ce qui pose un risque d’agitation sociale et d’instabilité politique. Bien que les marchés émergents soient plus vulnérables, ces préoccupations sont d’ordre mondial, car tout pays peut subir des pressions politiques lorsque la satisfaction des besoins fondamentaux dicte une augmentation des niveaux de revenus.
Pour la suite des choses, nous pensons que les marchés des capitaux continueront à évoluer dans un contexte économique difficile, avec une incertitude accrue et un niveau élevé de volatilité. Malgré cela, notre évaluation révèle que de nombreux marchés émergents sont suffisamment bien équipés pour faire face à ce qui s’en vient.
Dans un tel contexte, nous pensons qu’il est impératif d’adopter une approche sélective en s’appuyant à la fois sur une analyse macroéconomique descendante et sur une sélection de titres ascendante. L’intégration des facteurs ESG à chaque étape du processus d’investissement aux fins de l’évaluation complète des avoirs permet d’obtenir une vision plus complète, tant du point de vue de l’État que de celui de l’émetteur. Pouvoir cerner des possibilités de rendement supérieures tout en se tenant à l’écart des actifs bon marché pour une raison bien définie sera déterminant pour les portefeuilles de titres de créance des marchés émergents dans l’environnement qui se profile à l’horizon.
Renseignements importants
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