Liquidité du marché obligataire et ruée vers les liquidités: comprendre le contexte actuel
On a souvent écrit que les perturbations extraordinaires survenues dans la foulée de la crise financière de 2008 étaient uniques en leur genre. Mais le recul, comme c’est souvent le cas, nous amène à tenir un discours différent.
La Réserve fédérale américaine (la Fed) a mis en place un filet de sécurité pratiquement illimité pour le marché des rachats et a entamé une nouvelle ronde d’assouplissement quantitatif d’importance. Parallèlement, le Congrès vient d’approuver un plan de relance de 2 000 milliards de dollars visant à atténuer les répercussions économiques des mesures de confinement et des fermetures d’entreprises à l’échelle du pays1. Onze ans après la crise financière mondiale, les investisseurs ont l’impression de se retrouver en terre connue.
Les marchés obligataires n’étaient pas à l’abri de la liquidation généralisée
Lorsque l’ampleur et la gravité de la nouvelle pandémie de coronavirus sont devenues plus claires, les actions et les autres actifs risqués ont fait l’objet d’une liquidation spectaculaire – et exceptionnellement rapide. Après avoir atteint un sommet record le 19 février, l’indice S&P 500 a perdu plus de 30 % de sa valeur en un peu plus d’un mois2. La chute des actifs risqués, bien qu’elle soit marquée, n’est pas difficile à expliquer. Certains segments du marché avaient essentiellement été évalués en fonction d’un contexte idéal; ainsi, lorsque la confiance des investisseurs a disparu du jour au lendemain, ou presque, on pouvait s’attendre à ce que les actions et d’autres titres risqués soient liquidés.
Mais ce que les investisseurs se sont empressés de faire, c’est de vendre les titres facilement convertibles en liquidités, et non pas de se détourner des actions et de privilégier les obligations de première qualité en raison de leur sécurité relative. En fait, les obligations de grande qualité étaient potentiellement plus faciles à vendre que les actions – et certainement plus désirables. Comme le marché a décliné fortement et rapidement et que le marché des obligations du Trésor américain était généralement en territoire positif du début de l’année jusqu’en février, les investisseurs cherchant à amasser des capitaux ont été enclins à vendre des titres de créance de première qualité au lieu d’encaisser les pertes de leurs placements en actions. Cette mentalité de liquidation est l’une des raisons pour lesquelles les taux des obligations du Trésor américain ont augmenté pendant certaines des journées les plus difficiles du marché boursier. Les investisseurs, petits et grands, liquidaient leurs portefeuilles : tout devait partir.
La ruée vers les liquidités a fait basculer les modèles de tarification traditionnels
On a récemment constaté une inversion des courbes de crédit dans de nombreux segments du marché des obligations de sociétés, les écarts de taux des titres de créance à court terme de première qualité ayant dépassé ceux des titres de créance de plus longue durée et de moins bonne qualité. Cela ne se produit presque jamais, et nous pensons que c’est une indication importante du manque de liquidité du système. Trop d’investisseurs ont essayé de liquider leurs positions en même temps et, souvent, de liquider les mêmes types de placements. Les bilans des courtiers en valeurs mobilières ont rapidement atteint leur capacité maximum, et le résultat final a été ce comportement anormal des cours dans les secteurs du marché qui misent sur les écarts de taux. Cette anomalie a lentement commencé à se corriger, mais elle est loin d’avoir complètement disparu.
Depuis la fin de février, l’écart moyen sur les obligations de sociétés de première qualité est passé d’un peu plus de 1 % à environ 4 %, avant de redescendre vers 3 %. Les fluctuations du marché des titres à rendement élevé ont été encore plus spectaculaires. Les écarts ont grimpé d’environ 3,5 % à près de 11 %, avant de redescendre aux alentours de 9 %. Dans le même bateau se trouvent les titres adossés à des créances hypothécaires (TACH) et les titres adossés à des créances mobilières (TACM) d’organismes gouvernementaux de grande qualité. Les écarts de taux actuels des TACH, qui se situent autour de 90 points de base (pb), ont doublé par rapport à la mi-février (environ 45 pb), tandis que les écarts des TACM, qui se situent actuellement entre 300 et 350 pb, sont environ cinq fois plus élevés qu’à la mi-février. Généralement, on n’observe ce genre de valorisations dans ces secteurs qu’en plein cœur d’une récession2.
Il est toutefois important de noter qu’il ne s’agit pas d’un effondrement systémique comme celui de 2008 : le système bancaire est bien capitalisé, et le secteur des services financiers ne présente pas de problème grave de solvabilité.
« Il est impossible de prédire le moment auquel un marché atteindra le fond, mais nous sommes d’avis qu’à l’heure actuelle, les cours obligataires dans de nombreux segments ne reflètent pas les véritables degrés de risque. »
La réponse de la Fed : sans précédent et grandement nécessaire
La Fed a réagi rapidement, sans surprise, en réduisant d’abord les taux d’intérêt à court terme à zéro, puis en lançant une nouvelle ronde d’assouplissement quantitatif d’importance, ce qui devrait aider à régler certains des problèmes de liquidité constatés sur les marchés – même si cela ne se produira pas du jour au lendemain. Bien que le programme comporte de multiples facettes et qu’il est susceptible d’évoluer, il faut souligner que la Fed a mis en place des facilités de crédit tant sur le marché primaire que sur le marché secondaire, ce qui signifie qu’elle sera en mesure d’aider les sociétés stables à émettre de nouveaux titres de créance et d’aider les investisseurs à vendre ceux qu’ils ont besoin de liquider3. C’est énorme, car l’une des grandes préoccupations sur le marché des titres de créance de sociétés est que les émetteurs dont les titres arriveront à échéance au cours des prochains mois pourraient ne pas être capables de poursuivre si le marché était effectivement fermé. La volonté de la Fed de soutenir le marché du papier commercial de manière significative a aidé à apaiser certaines de ces préoccupations.
Le marché de l’habitation ne risque pas de revivre la crise de 2008
Après une vague d’activité, le refinancement hypothécaire a quelque peu ralenti, récemment. Le taux moyen d’un prêt hypothécaire à taux fixe de 30 ans a augmenté en mars, en raison de certaines irrégularités sur les marchés obligataires qui ont fait grimper les taux. En effet, les prêts hypothécaires à taux fixe ont tendance à suivre de près l’évolution des taux des obligations du Trésor à long terme4. Bien entendu, le processus de refinancement a lui aussi ralenti à cause de l’éloignement social, les évaluations ayant été remises et de nombreuses succursales bancaires n’effectuant plus d’opérations en personne. Ce petit moment de répit pour les prêts hypothécaires résidentiels aide probablement à stabiliser un peu le marché des TACH en général. Notons aussi que le marché de l’habitation avait commencé l’année sur des bases assez solides. Contrairement à 2008, le marché des titres de créance titrisés ne montre aucune faiblesse inhérente à pallier; on a plutôt affaire à un cas de vente forcée dans de nombreux segments du marché des titres à revenu fixe, y compris les TACH.
Le fond n’a peut-être pas été atteint, mais les perturbations ont certainement créé des occasions d’achat
Il est impossible de prédire le moment auquel un marché atteindra le fond, mais nous sommes d’avis qu’à l’heure actuelle, les cours obligataires dans de nombreux segments ne reflètent pas les véritables degrés de risque. Comme nous l’avons déjà mentionné, la tarification des titres de créance de grande qualité et de courte durée est largement attribuable à des facteurs techniques du marché plutôt qu’à des facteurs fondamentaux. Selon les récentes prévisions de JPMorgan, la note d’environ 3,5 % des titres de créance de sociétés de première qualité sera abaissée au cours des prochains mois5. Ce n’est pas négligeable, mais on prévoit donc que 96,5 % du marché des titres de créance de sociétés traverseront cette période difficile sans abaissement – et la plupart se négocient à des prix d’aubaine. Notre propre analyse indique que les titres de créance de sociétés de première qualité, lorsqu’ils sont achetés à de tels écarts, ont presque toujours dégagé un rendement supérieur à celui des obligations du Trésor au cours de l’année suivante. Bien sûr, rien ne garantit que ce sera encore le cas cette fois-ci, mais il n’en demeure pas moins que des émetteurs solides aux bons fondamentaux offraient des rendements plutôt dérisoires il y a à peine six semaines. Aujourd’hui, cette dynamique a complètement changé; il existe un certain nombre d’occasions attrayantes du côté des obligations de sociétés – de première qualité et à rendement élevé – ainsi que des TACH d’organismes gouvernementaux, qui semblent offrir une bonne valeur relative à nos yeux. Si les prochaines semaines nous réservent sans doute encore beaucoup plus de volatilité, il reste que la Fed fait tout son possible pour aider le marché à continuer de bien fonctionner et qu’on n’avait pas vu les valorisations actuelles depuis une dizaine d’années. Souvent, on ne retourne sur un marché entièrement stabilisé que trop tard.
1 « Trump Signs $2 Trillion Coronavirus Stimulus Bill After Swift Passage by House », wsj.com, 27 mars 2020.2 Bloomberg.com, au 31 mars 2020. 3 « The Federal Reserve Moves To Buy Corporate Debt », forbes.com, 23 mars 2020. 4 Federal Reserve Bank of St. Louis, au 31 mars 2020. 5 JPMorgan, mars 2020.
Renseignements importants
Une crise généralisée dans le secteur de la santé, comme une pandémie mondiale, pourrait entraîner une forte volatilité des marchés, la suspension et la fermeture des opérations de change, et affecter le rendement des fonds. Par exemple, le nouveau coronavirus (COVID-19) a considérablement perturbé les activités commerciales à l’échelle mondiale. Les répercussions d’une crise sanitaire, ainsi que d’autres épidémies et pandémies qui pourraient survenir à l’avenir, pourraient avoir des répercussions sur l’économie mondiale qui ne sont pas nécessairement prévisibles à l’heure actuelle. Une crise sanitaire peut exacerber d’autres risques politiques, sociaux et économiques préexistants. Cela pourrait affecter le rendement du fonds, ce qui entraînerait des pertes pour votre placement.
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