Les difficultés rencontrées par les titres à revenu fixe mondiaux se sont atténuées, mais des défis demeurent en 2019

• Les obligations d’État des marchés développés semblent plus que jamais vulnérables aux effets des hausses de taux; c’est également le cas des stratégies passives, par extension.
• La faiblesse des valorisations sur les marchés des obligations de sociétés semble indiquer une augmentation du risque de baisse, mais il existe selon nous certaines occasions de placement.
• Les monnaies risquent de rester tributaires des risques d’actualité; les investisseurs devront à la fois se montrer patients et être capables de réagir rapidement aux infléchissements des marchés.

Les porteurs de titres à revenu fixe ne garderont probablement pas un très bon souvenir de l’abolition progressive de l’argent facile. Sous l’effet de la lente normalisation de la politique monétaire des banques centrales, la hausse des taux à court terme et la constante demande de taux de rendement, ainsi que le resserrement corollaire des écarts, ont provoqué des épisodes de volatilité accrue sur de nombreux segments du marché obligataire. Beaucoup des difficultés avec lesquelles les investisseurs ont dû composer au cours de la dernière année risquent de persister en 2019; cela ne signifie pas pour autant que les investisseurs n’auront pas la possibilité de générer du revenu dans un contexte de marché potentiellement imprévisible.

Ces trois dernières décennies, les taux de rendement n’ont pas cessé de diminuer et les émissions d’obligations ont explosé sur les marchés développés des obligations d’État; les stratégies obligataires passives sont en conséquence désormais particulièrement vulnérables à la hausse des taux d’intérêt. Depuis 1990, la duration de l’indice Bloomberg Barclays Global Aggregate Bond (Global Agg) s’est allongée de plus de 50 %, alors que son taux a diminué de 75 %. Cela a pour résultat un portefeuille qui offre moins de revenus et qui est plus que jamais tributaire des fluctuations des taux d’intérêt, et ce, juste au mauvais moment. Aujourd’hui, quelqu’un qui investirait dans une stratégie de type Global Agg risquerait d’enregistrer une baisse de rendement de plus de 4 % si les taux devaient augmenter de 100 points de base, ce qui n’est pas rien pour ce qui est censé être la composante la plus prudente du portefeuille des investisseurs¹.

Les taux d’intérêt n’augmenteront probablement pas autant qu’en 2018, mais nous estimons qu’ils risquent fort d’être relevés en 2019. Aux États-Unis, la Réserve fédérale (la Fed) semble bien partie pour procéder à deux relèvements supplémentaires en 2019, ce qui porterait le taux des fonds fédéraux à une fourchette comprise entre 2,75 % et 3,00 % d’ici la fin de l’année². Si l’inflation devait augmenter de façon inattendue et la courbe des taux s’aplatir, sans toutefois s’inverser (deux éléments certes très hypothétiques), le taux de l’obligation du Trésor américain à 10 ans pourrait grimper jusqu’aux alentours de 3,5 % d’ici la fin de 2019. C’est exactement le genre de scénario qui pourrait induire des pertes pour une stratégie de grande qualité de type Global Agg.

Les stratégies passives de plus en plus vulnérables à la hausse des taux

Rendement sur un horizon de 12 mois pour une augmentation de 100 points de base des taux

Source : Bloomberg Barclays au 30 septembre 2018. L’indice Bloomberg Barclays Global Aggregate Bond suit le rendement de titres de créance mondiaux de qualité sur les marchés des titres du Trésor à taux fixe, des obligations liées aux gouvernements, des obligations de sociétés et des créances titrisées. Il n’est pas possible d’investir directement dans un indice. Les rendements passés ne garantissent pas les résultats futurs.

Même si les conditions monétaires sur d’autres marchés développés restent plus souples qu’aux États-Unis, l’heure n’est manifestement plus aux rendements soutenus par des mesures de relance en Europe et en Asie. Les obligations d’État à 10 ans en Allemagne et au Japon continuent d’afficher des taux largement inférieurs à 1 % et, compte tenu du manque de vigueur des économies locales et des faibles probabilités de baisses des taux susceptibles d’alimenter les rendements, les perspectives des obligations d’État des marchés développés sont assez ternes³.

C’est pourtant exactement ce que les investisseurs des stratégies passives achètent. L’indice Global Agg est composé à 67 % d’obligations du Trésor et apparentées². C’est pour cette raison que nous estimons que les investisseurs devront faire preuve de prudence à l’égard des titres d’État des marchés développés et, par extension, des stratégies obligataires passives, en 2019.

« Même si les conditions monétaires sur d’autres marchés développés restent plus souples qu’aux États-Unis, l’heure n’est manifestement plus aux rendements soutenus par des mesures de relance en Europe et en Asie. »

Les valorisations des obligations de sociétés suggèrent un risque de baisse

Nous n’échapperons pas aux difficultés liées aux titres d’État des marchés développés simplement en investissant sur les marchés des obligations de sociétés. Si les occasions de placement pour les investisseurs en quête de revenu ont diminué à la suite de la crise financière mondiale de 2007-2008, les besoins de revenus, eux, n’ont pas faibli. Les écarts de rendement des obligations de sociétés américaines sont en conséquence désormais très en deçà de leurs moyennes à long terme, tant pour les titres à rendement élevé que pour les obligations de qualité¹.

Le contexte actuel (écarts limités, taux relativement faibles et resserrement des politiques monétaires) n’est pas particulièrement propice à un investissement en obligations de sociétés; même si une récession mondiale semble peu probable en 2019, les titres à rendement élevé seraient relativement vulnérables en cas de choc économique imprévu. Si l’on se fie à l’histoire récente, en 2011 et en 2015, les écarts sur le marché des titres à rendement élevé s’étaient considérablement élargis en réaction à la crise de la dette européenne et à l’effondrement des prix du pétrole. Si le resserrement de la politique de la Fed devait mener à un ralentissement de la croissance économique ou provoquer une inversion de la courbe des taux (élément précédant traditionnellement une récession aux États-Unis), l’aversion au risque qui en découlerait pourrait nuire au marché des titres à rendement élevé.

Les valorisations sur les marchés des obligations de sociétés sont historiquement faibles

Écarts corrigés des effets des options intégrées (31 décembre 1996 – 30 septembre 2018)

Source : Bloomberg Barclays au 30 septembre 2018. Les titres à rendement élevé sont représentés par l’indice Intercontinental Exchange (ICE) Bank of America Merrill Lynch (BofA ML) U.S. High Yield Master II, qui suit le rendement des obligations à rendement élevé en dollars américains émises à l’échelle mondiale. Les obligations de qualité sont représentées par l’indice Intercontinental Exchange (ICE) Bank of America Merrill Lynch (BofA ML) U.S. Corporate Master, qui suit le rendement d’obligations de sociétés cotées de qualité à taux fixe non convertibles, libellées en dollars américains, affichant une durée à l’échéance d’au moins un an et une valeur nominale en circulation d’au moins 250 millions de dollars américains. Il n’est pas possible d’investir directement dans un indice. Les rendements passés ne garantissent pas les résultats futurs.

Les obligations de sociétés de qualité présentent leur propre lot de difficultés. Parce qu’elles comportent moins de risque de crédit que les obligations de sociétés à rendement élevé, elles sont généralement plus sensibles aux fluctuations des taux d’intérêt. Même si l’on sait qu’il est difficile de prévoir l’évolution des taux à long terme, il est selon nous possible d’affirmer que les taux ont plus de chances de monter que de baisser, au moins aux États-Unis. Si ce scénario devait se concrétiser, les taux d’intérêt risquent davantage de nuire aux obligations de sociétés de qualité que de les avantager en 2019.

Il est un autre élément à considérer : le segment des titres notés BBB (soit les titres de moins bonne qualité du marché des obligations de qualité) est passé d’environ un tiers du marché des obligations de sociétés de qualité à près de la moitié au cours des 10 dernières années². La moindre détérioration des conditions économiques mondiales pourrait créer un effet de domino sur ce segment : les titres dont la note serait ramenée à BB pourraient provoquer un mouvement de vente forcée au sein des stratégies indicielles passives et des mandats composés exclusivement de titres de qualité, et le marché des titres de qualité pourrait de ce fait perdre du terrain. Si le marché des titres à rendement élevé peinait à absorber le surcroît de volume induit par ces rétrogradations, cela pourrait entraîner une hausse de la volatilité sur les marchés des obligations de sociétés à rendement élevé également.

Les marchés des changes constituent historiquement une source de rendements non corrélés, mais ils risquent, eux aussi, de connaître leur lot de difficultés. Dans un monde idéal, les monnaies fluctuent entre autres en fonction de la force relative de l’économie, des différentiels de taux d’intérêt et des taux d’inflation sous-jacents à leurs marchés respectifs. Mais, ces derniers mois, le risque d’actualité a eu tendance à occulter les fondamentaux, et ce courant pourrait se poursuivre en 2019. C’est un gouvernement fédéral divisé qui s’apprête à prendre les rênes du Congrès américain en janvier et, dans ce contexte, le risque d’impasse politique (y compris de paralysie du gouvernement) a largement augmenté. Les tensions entourant le commerce et les droits de douane, notamment entre les États-Unis et la Chine, demeurent une source d’incertitude constante, tout comme le risque de Brexit sans accord.

Nous restons d’avis que le dollar américain semble surévalué par rapport aux monnaies d’autres marchés développés, tandis que de nombreuses devises des marchés émergents apparaissent sous-évaluées. Cela dit, les positionnements en devises en 2019 devront trouver un équilibre entre occasions cycliques à long terme et risque de poursuite de la volatilité liée à l’actualité.

Malgré toutes les difficultés auxquelles se heurtent les porteurs de titres à revenu fixe, nous pensons qu’il existe également des occasions pour ceux qui seront prêts à adopter une approche mondiale et flexible. Certains segments des marchés obligataires asiatiques et latino-américains, par exemple, offrent des rendements attrayants et des fondamentaux solides. En ce qui a trait aux marchés émergents, nous privilégions les économies affichant une balance des paiements courants excédentaire (soit les pays dont le gouvernement ne dépend pas des capitaux étrangers pour assurer leur fonctionnement) et qui dépendent moins des exportations de produits de base.

Le marché des obligations de sociétés présente certes des risques, mais nous pensons qu’ils peuvent largement être compensés par une approche active. Les catégories plus spéculatives du marché des titres à rendement élevé sont particulièrement vulnérables aux éventuels chocs économiques; les occasions les plus intéressantes concernent à notre avis les segments de plus grande qualité du marché des titres à rendement élevé. Sur le marché des obligations de sociétés de qualité, nous mettons actuellement l’accent sur les structures permettant de tirer parti des fluctuations des taux, comme les titres à taux variable, à taux fixe-variable et les obligations à taux croissant. Au cours des prochains mois, l’augmentation des taux d’intérêt à court terme pourrait également permettre d’investir dans des titres à taux fixe et à échéance courte. Certains segments plus pointus du marché offrent également des occasions de placement. Les prêts bancaires à taux variable, par exemple, peuvent offrir une certaine protection contre l’effet de la hausse des taux; leurs paiements d’intérêts sont rajustés à mesure que les taux à court terme augmentent. Les prêts bancaires comportent en outre moins de risque de crédit que les titres de créance subordonnés, de premier rang et convertibles, et se situent habituellement tout en haut de la structure de capital des sociétés. Les marchés titrisés offrent également des occasions intéressantes, par exemple, dans des titres adossés à des créances (notamment des titres adossés à des paiements de redevances de franchise) et dans certains titres adossés à des créances hypothécaires commerciales sur propriété unique, qui peuvent offrir un élément de diversification face au risque de crédit des obligations de sociétés pures et dont les valorisations ne sont pas outre mesure influencées par les fluctuations des taux d’intérêt ni par l’actualité géopolitique.

En conclusion, aujourd’hui, près de dix ans après le début du marché boursier haussier et trois ans après le début de la campagne de normalisation des taux d’intérêt de la Fed, nous pensons que les porteurs de titres à revenu fixe devront non seulement élargir leurs horizons et faire preuve de davantage de souplesse, mais aussi trouver un équilibre entre qualité, stabilité et liquidité pour pouvoir enregistrer des rendements attrayants sans prendre trop de risques.

1 Bloomberg, Barclays et Gestion de placements Manuvie, au 30 septembre 2018. 2 Federal Reserve Bank of St. Louis, au 17 décembre 2018. 3 Bloomberg.com, au 17 décembre 2018.