Le point sur le marché des obligations municipales : une crise évitée

Dans quelques années, nous aurons peut-être ce genre de réflexion en repensant au début du mois de mars 2020 : « Les marchés des titres à revenu fixe ont failli s’effondrer pendant cette période. » L’un des principaux signes de l’état pitoyable du marché est peut-être apparu pendant la semaine du 9 mars 2020, lorsque le taux de rendement actuel des obligations municipales par rapport à celui des obligations du Trésor américain – c’est-à-dire l’écart entre les rendements des obligations municipales et ceux des obligations du Trésor à 10 ans, une mesure de la valeur des obligations municipales et de l’attrait global des avantages fiscaux procurés par les obligations municipales – a dépassé 209 %¹, un niveau jamais atteint depuis les jours les plus sombres de la Grande crise financière.

Entre le 9 mars et le 20 mars, le rendement total des obligations municipales depuis le début de l’année est passé de 3,7 % à -7,5 %, une chute vertigineuse jamais enregistrée par cette catégorie d’actif². Les craintes d’une augmentation du risque de crédit dans les secteurs des transports, de l’énergie, du voyage et des loisirs – ainsi que des obligations d’État et des emprunts de collectivité locale – se sont fait sentir sur le marché, ce qui a incité de nombreux épargnants à renoncer aux avantages fiscaux pour se réfugier dans les liquidités.

Lorsque les liquidités se raréfient sur les marchés des titres à revenu fixe, comme ça s’est produit au cours des dernières semaines et lors de crises antérieures comme la Grande crise financière, les courtiers-négociants se mettent soudainement à agir uniquement à titre d’agents, et délaissent leur rôle de contrepartiste pour leurs propres comptes. Ces vives préoccupations à l’égard du cycle de crédit exprimées par des personnes bien informées se sont rapidement généralisées sur le marché plus tôt ce mois-ci, la pandémie de COVID-19 ayant bouleversé la dynamique normale du marché en raison de la menace soudaine de cygne noir qu’elle fait peser sur l’économie.

Heureusement, cependant, les incertitudes entourant les dispositions prises par le gouvernement ont commencé à se dissiper lorsque la Fed a injecté littéralement des milliers de milliards de dollars de liquidités dans le marché et, le dimanche 15 mars, celle-ci a pris d’autres mesures de relance historiques. Ces dispositions ont été suivies par un ensemble de mesures de relance budgétaire tout aussi historiques prises par le gouvernement américain afin de soutenir notamment les transporteurs aériens, les soins de santé, les administrations locales et étatiques, et les petites entreprises.

Bien que les mesures de relance gouvernementales devraient représenter un avantage net pour de nombreux segments du marché des obligations municipales, nous maintenons notre point de vue fondamental.

En tant qu’investisseurs, nous croyons que les secteurs des transports auront de la difficulté à traverser cette crise, mais qu’ils y parviendront grâce au soutien des importantes mesures de relance et des mesures d’assouplissement monétaire. En raison des interdictions de voyager, le trafic diminuera aux aéroports américains, ce qui nuira littéralement à toutes les sources de revenus de ce segment du marché. Cependant, les aéroports ayant des réserves de liquidités plus importantes et des coûts d’exploitation moindres auront plus de chances de triompher de cette baisse de la demande. De plus, les aéroports qui peuvent retarder les grands projets d’amélioration des immobilisations seront en mesure de réagir de façon dynamique, et ceux qui accueillent moins de passagers internationaux pourraient connaître une baisse moins marquée de leurs revenus que les grands aéroports internationaux.

Les compagnies aériennes se heurteront à des obstacles semblables. De nombreuses compagnies aériennes émettent des titres de créance exonérés d’impôt pour financer leurs installations d’entretien dans les aéroports ainsi que pour financer la construction de nouvelles aérogares ou la rénovation d’aérogares existantes. Comme les projets d’aérogare font davantage partie intégrante des activités des compagnies aériennes que les installations d’entretien, elles devraient être moins susceptibles de faire l’objet d’une surveillance pendant cette période où les compagnies aériennes doivent s’adapter à ce nouveau contexte.

« Bien que les mesures de relance gouvernementales devraient représenter un avantage net pour de nombreux segments du marché des obligations municipales, nous maintenons notre point de vue fondamental. »

Les autoroutes à péage risquent, elles aussi, d’écoper à court terme. Étant donné la diminution du nombre de personnes qui se rendent au travail et l’augmentation des zones de confinement, les gens sont tout simplement moins nombreux sur la route. De plus, la baisse de l’activité économique fera baisser le nombre de véhicules commerciaux utilisant les autoroutes à péage, ce qui exercera une pression supplémentaire sur les revenus.

Heureusement, les nouvelles concernant les autoroutes à péage ne sont pas toutes mauvaises. Comme le prix du pétrole a fortement chuté, la baisse du prix du carburant – et même les craintes persistantes de voir apparaître d’autres vagues de la COVID-19 – devraient pousser les Américains à se déplacer davantage lorsque les restrictions commenceront à être levées. Par ailleurs, nous pensons que les autoroutes à péage ayant de plus grandes réserves de liquidités devraient arriver plus facilement à gérer la baisse temporaire du trafic.

En tant que gestionnaires actifs, nous avions moins insisté sur les emprunts de collectivité locale depuis un certain temps, car leurs fondamentaux nous semblaient faibles dans le contexte économique de fin de cycle, durant la majeure partie des deux dernières années. De nombreuses municipalités dépendent des recettes des taxes de vente et des impôts sur le revenu, qui sont des éléments très cycliques de l’économie.

Mais en plus de cette exposition à l’économie, les émetteurs d’emprunts de collectivité locale doivent également supporter le fardeau supplémentaire de la gestion et du financement de leurs systèmes de retraite. La baisse des prix des actifs et des rendements des obligations dans les caisses de retraite partout au pays fera probablement augmenter les coûts liés aux caisses de retraite dans de nombreux États et municipalités.

Dans le contexte de la crise sanitaire et économique actuelle, les recettes des taxes de vente pourraient augmenter, car les consommateurs font des provisions de biens aujourd’hui, mais elles devraient être inférieures à la moyenne au cours des prochaines semaines ou des prochains mois. Les obligations liées aux recettes des taxes de vente dont les ratios de couverture du service de la dette sont plus élevés s’en tireront mieux que celles dont les ratios de couverture sont plus faibles.

Nous pensons également que les États et les administrations locales qui ont constitué des fonds d’urgence et d’autres réserves pendant la période d’expansion devraient être mieux positionnés pour surmonter cette période houleuse, et que les administrations locales qui dépendent davantage des impôts fonciers devraient bénéficier d’un budget plus stable.

Les hôpitaux et autres segments des soins de santé font face à d’énormes défis dans le contexte où le pays tente de freiner la propagation de la COVID-19. Bien que les mesures de relance budgétaire seront sans aucun doute utiles, nous croyons que la clé de la résilience des émetteurs de l’ensemble du secteur réside dans la solidité des équipes de direction : Selon nous, les réseaux et les établissements bénéficiant d’une équipe de direction expérimentée et préparée pourront vraisemblablement limiter considérablement leur exposition au risque financier.

À court terme, l’ensemble du marché des obligations municipales du secteur de la santé sera sous pression en raison de la hausse des coûts, de la raréfaction des ressources et de la diminution des revenus. De nombreuses interventions plus coûteuses et chirurgies électives devront probablement être reportées en raison du redéploiement du personnel et de l’espace nécessaires pour traiter les personnes atteintes de la COVID-19. Bien que nous prévoyions que l’ensemble du réseau sera sous pression, l’adversité pourrait, à long terme, donner lieu à des occasions de croissance.

Nous pensons que les réseaux et les établissements qui parviendront à traverser la tempête et à tirer leur épingle du jeu dans ce contexte devraient gagner des parts de marché et fidéliser des patients une fois que nous aurons retrouvé des conditions de vie plus normales. En revanche, un rendement médiocre pourrait, selon nous, avoir des effets contraires à long terme. Nous le répétons, c’est avant tout la présence des équipes de direction compétentes qui permettra de savoir quels réseaux seront les plus susceptibles d’afficher le meilleur rendement.

1 Bloomberg, au 20 mars 2020. 2 Indice Bloomberg Barclays Municipal Bond, au 20 mars 2020.