Perspectives des obligations asiatiques durables pour 2022 : opportunités émergentes

Changement de régime : les facteurs défavorables de 2021 se transforment en catalyseurs de rendement pour 2022

Au risque d’être trop simpliste, exclusion faite des conséquences économiques associées à la COVID-19, deux grands événements ont façonné le marché des titres à revenu fixe de l’Asie, et par extension, le marché des obligations environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) du pays :

1  Les craintes selon lesquelles les problèmes d’endettement d’Evergrande pourraient avoir un effet domino et entraîner une contagion

2  Le resserrement de la réglementation dans les secteurs de la technologie, du divertissement et de l’éducation en Chine dans le contexte de la quête de la prospérité commune

Il est possible de constater les effets jumelés de ces enjeux sur la confiance des investisseurs à l’égard des obligations asiatiques dans le rendement des principaux indices de référence l’année dernière. Même si les choses semblent s’être légèrement calmées au cours des dernières semaines, grâce aux signaux selon lesquels la Banque populaire de Chine serait prête à modifier sa politique de façon à soutenir la croissance, la confiance des investisseurs demeure fragile. Et c’est dans ce contexte que nous évaluons les occasions et les risques liés aux obligations asiatiques durables pour la prochaine année.  

Occasions liées aux valorisations

Il faut agir au bon moment, dit-on. Bien que les investisseurs aient toutes les raisons de rester prudents, les récents bouleversements ont refroidi le marché obligataire asiatique. Au moment de la rédaction, l’indice J.P. Morgan Asia Credit, largement utilisé pour représenter ce marché, avait perdu plus de 3 % depuis le début de l’année¹. Selon nous, la réévaluation du risque a entraîné une correction des valorisations. Cela est particulièrement vrai dans le segment des titres à rendement élevé, où les prix des actifs ont dégringolé à des niveaux inégalés depuis des années par rapport aux prix d’actifs semblables de l’Europe et des États-Unis. À notre avis, la situation a donné lieu à des occasions intéressantes au sein du marché asiatique des titres à revenu fixe durables, en raison plus particulièrement de la quête de taux de rendement de plus en plus pressante dans un contexte qui, malgré les rumeurs de resserrement monétaire, demeure caractérisé par des taux d’intérêt historiquement bas. 

Titres de créance asiatiques durables : une meilleure année en vue?

Valorisations intéressantes et atténuation des répercussions environnementales 

Étant donné que nous abordons les obligations durables, les secteurs sur lesquels nous nous concentrons ne devraient surprendre personne : les banques (qui sont devenues des acteurs importants dans le domaine des obligations sociales), les sociétés du secteur de l’énergie renouvelable et les sociétés immobilières, y compris celles de la Chine. Naturellement, la sélection des titres de créance demeure essentielle, et le marché devrait connaître des épisodes occasionnels de volatilité. Cependant, nous estimons que ces risques peuvent être atténués par des recherches exhaustives et ascendantes, ainsi qu’une sélection judicieuse des titres de créance; en fait, nous sommes d’avis qu’une approche de placement active et réfléchie permettra de soutenir le rendement des stratégies d’investissement durable en 2022.

Absence de « prime verte »

Une prime verte, comme son nom l’indique, fait référence à la prime habituellement assortie aux obligations vertes sur les marchés, en raison de la forte demande et de l’offre limitée. En pratique, cela signifie que les obligations vertes sont souvent accompagnées d’un coupon moins élevé que celui des obligations ordinaires. Bien que cette situation s’explique en grande partie par une demande excédentaire, elle signifie également que les investisseurs prennent un plus grand risque de crédit puisqu’ils demandent une rémunération moins élevée pour conserver ces titres.

Fait encourageant, nous ne pensons pas qu’il existe de prime verte sur le marché obligataire durable asiatique. Bien que la demande d’obligations vertes augmente en Asie, elle n’a pas encore évolué au point où les investisseurs sont prêts à payer des taux supérieurs à ceux du marché pour ces titres. Ainsi, le cours des obligations vertes de la région est comparable à celui des indices de référence des obligations non vertes, ce qui, selon nous, est avantageux pour les investisseurs. 

Avenir des émissions vertes

Nous nous attendons à ce que les émissions d’obligations ESG, que ce soit au chapitre de leur nombre ou de leur valeur combinée, continuent de croître en 2022. Nous avons observé une pause dans l’émission d’obligations durables au dernier trimestre de l’année, car le pessimisme des investisseurs a incité certains émetteurs à mettre leurs plans sur la glace. Toutefois, nous nous attendons à ce que les émissions reprennent après le Nouvel An lunaire en février.

Dans un sens, les promesses faites par les sociétés et les gouvernements peu avant la récente Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques (COP26) fournissent un portrait de ce à quoi nous pouvons nous attendre en ce qui concerne les émissions dans les années à venir, sinon en 2022. Maintenant que les paroles ont été prononcées, des gestes concrets devraient être posés, et nous croyons que l’éventail des émetteurs s’élargira. 

Émissions de carbone par région

Sources : Base de données HYDE, 2016; Rapport des Nations Unies sur l’état de la population mondiale, 2019; Programme des Nations Unies pour l’environnement, 2017; BP Statistical Review of World Energy, 2021.

Essentiellement, il est possible de constater le montant de financement qui sera requis en mesurant l’écart entre les promesses faites et la réalité : près de la moitié de l’énergie consommée en Asie l’année dernière provenait du charbon. Comme nous l’avons déjà affirmé, nous nous attendons à ce que les marchés des capitaux jouent un rôle clé dans le processus. Dans un avenir rapproché, nous sommes d’avis que le marché des titres de créance durables de la région continuera d’évoluer, se raffinant de plus en plus à mesure que les investisseurs intègrent des titres de créance liés aux facteurs ESG plus diversifiés à leurs portefeuilles. 

Défis : incertitude macroéconomique, enjeux de taxonomie et lutte contre l’écoblanchiment

De façon générale, nous pouvons classer les défis de l’année à venir dans deux catégories : ce que nous, les investisseurs, ne pouvons pas contrôler et ce que nous pouvons contrôler. L’incertitude macroéconomique et l’absence d’une taxonomie commune des placements ESG entrent dans la première catégorie.

"Selon nous, la seule façon d'assumer notre responsabilité en tant qu'investisseurs durables est de nous engager à mener des recherches de qualité et d'avoir le courage de nous retirer et d'exiger des émetteurs qu'ils fassent mieux lorsqu'ils ont raté la cible."

Tout d’abord, la majorité des gens conviendraient que la conjoncture macroéconomique demeure floue. Il est difficile de prévoir l’évolution de la pandémie : l’émergence du variant Omicron a déjà incité certains pays à réintroduire des mesures de distanciation physique et à restreindre les déplacements. Cela dit, nous pensons que la plupart des pays d’Asie semblent bien placés pour résister à la plus récente vague de la pandémie, compte tenu du taux de vaccination relativement élevé dans la région. Parallèlement, les banques centrales du monde entier devraient procéder au resserrement de leur politique monétaire malgré l’incertitude grandissante, bien qu’une grande partie de cette éventualité ait déjà été prise en compte par les marchés.

Deuxièmement, la frustration des investisseurs liée à l’absence de normes et de définitions couramment acceptées en matière de placements ESG n’est pas nouvelle. Toutefois, compte tenu de la nature mondiale de ce problème et de l’ampleur de la coordination requise pour le résoudre, il est clair pour nous qu’il faudra un certain temps avant que nous puissions réaliser des progrès significatifs à cet égard.

Il nous reste donc la deuxième catégorie : les défis auxquels les investisseurs peuvent s’attaquer. Prenons l’écoblanchiment : malgré la prise de conscience croissante de cet enjeu, nous estimons que les investisseurs pourraient en faire plus à cet égard. Selon nous, ils devraient examiner de plus près les obligations durables avant de les ajouter à leur portefeuille. Par exemple, nous avons refusé d’investir dans quelques occasions qui, à notre avis, n’étaient pas à la hauteur des critères en matière de facteurs ESG. Bien qu’il puisse être tentant de croire que notre décision témoigne de la solidité de nos recherches et de nos normes ESG strictes, nous nous demandons si elle s’explique davantage par l’enthousiasme général des investisseurs à l’égard de la catégorie d’actif. Selon nous, la seule façon de nous acquitter de nos responsabilités en tant qu’investisseurs axés sur le développement durable est de nous engager à mener des recherches de qualité, d’avoir le courage de nous retirer et de demander aux émetteurs de faire mieux quand leurs produits ne correspondent pas aux normes attendues.

Malgré ces défis, nous restons optimistes à l’égard de l’année à venir. En fait, notre conviction que la volonté croissante de l’Asie de s’engager dans la voie du développement durable pourrait créer des occasions intéressantes sur les marchés des titres à revenu fixe s’est renforcée compte tenu des valorisations actuelles.

1 Bloomberg, au 15 décembre 2021.