Titres à revenu fixe : investir dans un contexte de faiblesse des taux d’intérêt

• La pandémie de COVID-19 et les mesures de confinement qui ont été décrétées ont désemparé les économies mondiales et amené les banques centrales à réagir énergiquement, entraînant des résultats surprenants : à la fin du troisième trimestre de 2020, la dislocation sur le marché obligataire avait, essentiellement, disparu.
• Les investisseurs qui s’étaient tournés vers les liquidités durant la dernière année doivent maintenant composer avec un marché des titres à revenu fixe où les occasions de rendements futurs sont rares et les perspectives économiques plus qu’incertaines.
• Malgré les défis, nous croyons que plusieurs raisons fondamentales expliquent le rôle déterminant des stratégies de base et de base Plus au sein de nombreux portefeuilles, et plus particulièrement lorsqu’on les compare aux liquidités comme solution de rechange.

Même si ce qui s’est passé sur les marchés obligataires des pays développés ne fera probablement pas partie de ce que la plupart des gens considèrent comme les moments mémorables et sans précédent des 12 derniers mois, à bien des égards, cela vaut la peine de s’en souvenir.

En mars, lorsque l’ampleur et la gravité de la pandémie de COVID-19 ont commencé à retenir l’attention, les banques centrales du monde entier ont rapidement déployé des mesures de relance plus ou moins coordonnées, ramenant les taux d’intérêt à court terme à 0 % ou presque, tout en achetant massivement des obligations pour maintenir la liquidité du marché. Le printemps a été marqué par un retour aux politiques de l’après-crise financière mondiale, mais cette fois-ci, la réponse des banques centrales a été plus massive, plus rapide et plus large.

Tout cela pour une bonne raison. Partout dans le monde, les mesures de confinement imposées par les pouvoirs publics pratiquement du jour au lendemain ont dévasté l’économie; aux États-Unis, le taux de chômage est passé de 3,5 % en février à 14,7 % en avril, tandis que les estimations actuelles indiquent que le PIB s’est contracté de 31,4 % au deuxième trimestre. Les économistes à tendance optimiste spéculaient que nous pourrions assister à une reprise en forme de V et, en rétrospective, ils n’avaient pas tout à fait tort : le PIB américain a rebondi de façon spectaculaire au troisième trimestre, progressant de 33,1 %.

Après une réévaluation majeure du risque en mars, de nombreux investisseurs ont pensé que les marchés finiraient par revenir à la « normale » – la surprise étant la rapidité avec laquelle cela a eu lieu.

Toutefois, le taux de chômage reste élevé, à 6,7 %, selon le rapport de novembre, mais comme la vaccination contre la COVID-19 est déjà en cours dans le monde, il y a des raisons de croire que la partie la plus douloureuse de la crise économique appartient au passé¹.

Les plus grosses difficultés économiques appartiennent probablement au passé

Premières inscriptions hebdomadaires au chômage (en millions)

Sur les marchés financiers, les actions et les segments du marché obligataire sensibles à l’économie ont été malmenés au cours des premiers mois de l’année, mais ils ont connu une reprise assez spectaculaire depuis. Les écarts de taux des obligations à rendement élevé se sont élargis pour atteindre plus de 10,0 % durant le dégagement, ce qui n’avait pas été observé depuis la crise financière mondiale, mais à l’heure actuelle, même si les perspectives économiques sont incertaines, les écarts se sont considérablement resserrés et sont revenus à environ 4,0 % – un écart plus faible qu’à la fin de février¹. Les écarts des titres de créance de qualité ont connu le même sort : ils étaient de 1,3 % à la fin de février, mais ils sont inférieurs à cela depuis le début de novembre¹. Tout au long du printemps et de l’été, la vague tant attendue de révisions à la baisse des notes de crédit a finalement déferlé, particulièrement dans le segment des obligations notées BBB, mais il n’y a pas eu d’avalanche de défaillances et, au second semestre de l’année, il y a eu relativement peu de révisions des notes de crédit. Après une réévaluation majeure du risque en mars, de nombreux investisseurs ont pensé que les marchés finiraient par revenir à la « normale » – la surprise étant la rapidité avec laquelle cela a eu lieu.

Les écarts de taux sont déjà revenus à ce qu’ils étaient avant la pandémie

Obligations de sociétés – Écarts corrigés de l’effet des options intégrées (%)

Comme en 2008, ces perturbations importantes et relativement indiscriminées du marché obligataire ont créé un certain nombre d’occasions d’achat. Cependant, contrairement à 2008, ces occasions ont disparu très rapidement; les mesures quasi illimitées de la Réserve fédérale des États-Unis (Fed) visaient à encourager les investisseurs affamés de rendement à revenir sur le marché. Bien que le rendement de nombreux fonds obligataires sur l’année civile 2020 puisse sembler assez intéressant, cette bonne performance facilement réalisée éclipse un problème sérieux. Actuellement, les valorisations dans de nombreux segments du marché obligataire sont encore plus tendues qu’au début de l’année, mais le contexte économique est beaucoup moins prometteur. Le rebond des marchés – un indicateur avancé – a largement dépassé la reprise économique. Il y a un an, dans de nombreux segments du marché obligataire, les rendements potentiels semblaient relativement minimes par rapport au risque; cette situation n’a fait qu’empirer au cours des mois qui se sont écoulés depuis. Les taux ont à nouveau baissé, et la Fed insiste sur le fait qu’elle n’a pas l’intention d’augmenter les taux d’intérêt de sitôt. Compte tenu de la multitude de difficultés, il n’est pas totalement déraisonnable de se demander si cela vaut la peine de détenir des titres à revenu fixe actuellement.

Bien qu’il faille s’attendre à ce que la conjoncture de n’importe quel placement soit cyclique, favorable une année et difficile l’année suivante, il est également important de se rappeler l’objectif de chaque catégorie d’actif et des avantages que chacun apporte au sein d’un portefeuille diversifié.

• Les obligations ont leur place en défense – Bien qu’il y ait toujours des exceptions, pratiquement personne n’a réussi à se constituer une épargne de retraite uniquement avec des bons du Trésor; ce n’est pas l’objectif des obligations. Elles servent à procurer de la stabilité à un portefeuille, soit parce que c’est l’objectif, soit pour servir de ballast à un portefeuille axé sur la croissance. Il faut noter que l’indice obligataire Bloomberg Barclays U.S. Aggregate Bond n’a enregistré un rendement négatif qu’à seulement trois reprises au cours des 40 dernières années civiles². C’est cette constance qui rend les titres à revenu fixe attrayants. Tous les portefeuilles – qu’il s’agisse du portefeuille de retraite d’un particulier ou d’un fonds souverain – ont un objectif de placement, et le rôle des titres à revenu fixe doit être évalué sous cet angle.
• Les liquidités ne sont pas un bon substitut – Compte tenu des perspectives actuelles et du fait que les titres à revenu fixe, dans l’ensemble, ne sont pas sans risque, de nombreux investisseurs ont opté pour les liquidités – fonds du marché monétaire, de fonds à court terme et autres placements à court terme – comme solution de rechange. Dès le début du mois de décembre, les ménages américains avaient un montant record de 16 000 milliards de dollars de liquidités actuellement sur la touche³. Les liquidités ont elles aussi un rôle à jouer dans un portefeuille, mais elles sont un piètre substitut à un fonds d’obligations de base. Dans le cas d’un portefeuille axé sur la croissance, la clé pour réduire le risque lié aux actions – le risque économique provenant aussi bien de la conjoncture macroéconomique que des titres – est de prendre un risque de duration pur, ce qui signifie détenir des titres de créance d’État de grande qualité. C’est la seule grande catégorie d’actif qui présente une corrélation manifestement négative avec les actions; les liquidités ont une corrélation nulle, tandis que les produits de base ont une corrélation légèrement positive. Cela ne veut pas dire que les investisseurs axés sur la croissance devraient investir massivement dans les obligations du Trésor américain à long terme, mais la duration a une fin précise – une réalité qui se manifeste le mieux en cas de dégagement sur le marché boursier.
• Le revenu est rarement le facteur déterminant – La source de revenus la plus fiable depuis la révolution industrielle ne se trouve dans aucun segment du marché obligataire – c’est un emploi stable. Bien que le revenu soit une des principales caractéristiques de la grande majorité des titres de créance, le plus souvent, ce n’est pas cette caractéristique qui fait qu’ils valent le coup d’être inclus dans un portefeuille. Dans tout portefeuille conçu pour générer un revenu correspondant au passif – qu’il s’agisse d’un compte de retraite individuel ou d’un fonds de retraite –, l’objectif n’est généralement pas de générer 100 % des flux de trésorerie souhaités au moyen du rendement courant; l’objectif est de générer un rendement total suffisant pour couvrir les sorties de fonds projetées, le tout avec une volatilité minimale. En apparence, cela peut sembler être juste une nuance, mais les implications sur la constitution du portefeuille sont notables. Si l’objectif était, par exemple, d’affecter le capital de façon à ce qu’il produise – soit par un revenu courant, soit par une plus-value – en moyenne 5 % par année sur une période de 20 ans, il ne serait guère prudent de constituer un portefeuille contenant uniquement des obligations de sociétés à long terme offrant un coupon de 5 %. Un tel portefeuille ne diversifierait pas les sources de risque et ne serait pas protégé en cas de défaut d’un émetteur ou de remboursement d’une obligation par anticipation. En fait, il serait aussi très peu liquide; si l’objectif changeait en cours de route, il serait difficile d’apporter des corrections. En fin de compte, il existe des moyens beaucoup plus prudents d’atteindre ces objectifs guidés par le passif.

Bien qu’on ne puisse disputer le fait que la faiblesse des taux d’intérêt qui règne sur les marchés obligataires depuis plus de 10 ans pose problème, la faiblesse des taux n’explique pas vraiment le nouvel intérêt des investisseurs pour les liquidités et les placements connexes. Plus précisément, les stratégies à court terme gèrent actuellement un actif institutionnel de plus de 2 700 milliards de dollars aux États-Unis seulement, et il n’est pas certain que cet actif soit utilisé entièrement comme il le devrait⁴. En général, les produits à court terme conviennent aux investisseurs qui ont un horizon de placement relativement court (habituellement d’un à trois ans) ou à ceux qui craignent une hausse marquée des taux d’intérêt. Bien que nous nous attendions à une certaine volatilité à long terme, la perspective d’une hausse considérable des taux à court terme est quasiment inexistante à l’heure actuelle; la Fed et la majorité des observateurs du marché s’attendent à ce que les taux soient maintenus à zéro jusqu’à la fin de 2023⁵. À moins d’une nette accentuation de la courbe des taux par rapport aux niveaux actuels, les instruments à court terme constituent en un sens une couverture relativement coûteuse contre un événement improbable. En ce qui concerne les investisseurs disposant d’un court horizon de placement, l’avantage offert s’accompagne d’un coût d’opportunité relativement élevé.

« Aucun des facteurs des rendements passifs – détachement de coupons, resserrement des écarts de taux ou baisse des taux – ne sera probablement un facteur de rendement significatif en 2021. »

Comme nous l’avons dit, le rendement facile n’est plus d’actualité, car les écarts de taux se sont resserrés depuis le mois d’avril, et les occasions qui s’offrent actuellement aux gestionnaires de fonds à court terme – dont nous faisons partie – ne sont pas nombreuses. À mesure que les titres arrivent à échéance et doivent être renouvelés, les valorisations sur le marché font en sorte que les occasions intéressantes sont relativement rares.

En ce qui concerne 2021, nous sommes les premiers à admettre que les investisseurs des marchés obligataires font face à de nombreuses incertitudes et à de possibles dangers. Toutefois, le besoin fondamental de titres à revenu fixe n’a pas changé et nous pensons que les liquidités et les produits à court terme ne répondent qu’aux besoins d’une minorité qui investit à court terme. Pour les investisseurs à long terme, un portefeuille pouvant investir dans de multiples segments du marché obligataire et saisir les occasions qui émergent dans une conjoncture en évolution est un pari plus judicieux. Malgré les défis, nous croyons qu’il existe un certain nombre d’occasions intéressantes :

• Titres de créance de sociétés – À moins d’une autre fermeture des entreprises non essentielles à l’échelle nationale, les chiffres d’affaires devraient continuer à augmenter en 2021 et renouer avec les tendances à long terme vers le milieu de l’année. Dans un tel contexte, la révision à la baisse des notes pourrait se poursuivre, mais probablement à un rythme plus lent, et nous pensons qu’elles sont plus susceptibles d’avoir lieu parmi les titres de qualité supérieure, plutôt que parmi les titres notés BBB. Nous croyons également qu’il y a de fortes chances que les révisions à la hausse soient plus nombreuses que les révisions à la baisse l’année prochaine, ce qui serait généralement favorable. Il convient également de noter que la courbe des taux est nettement plus prononcée qu’elle ne l’était il y a un an. Bien que les taux d’intérêt à court terme soient plus bas après les mesures prises par la Fed ce printemps, les taux à long terme n’ont pas changé dans les mêmes proportions⁶. Par le passé, une courbe des taux plus accentuée a soutenu les écarts de taux et, en général, offre plus d’occasions aux gestionnaires actifs.

Malgré la baisse des taux, la courbe des taux s’est accentuée en 2020

Courbe des taux des obligations du Trésor américain (%)

En ce qui concerne les facteurs techniques, nous avons constaté que les sociétés ont tendance à atteindre un levier financier record peu après la fin d’une récession et à réduire leur ratio au cours des années qui suivent. Comme ce processus est probablement déjà en cours et que les émissions devraient baisser en 2021, l’offre de titres de créance de sociétés pourrait être relativement limitée, ce qui serait un autre élément positif.

• Endettement des consommateurs – Bien que la réouverture complète de l’économie américaine par les décideurs pourrait prendre quelques détours, la tendance est bel et bien dans la bonne direction. Selon nous, le chômage devrait continuer de baisser au cours de l’année prochaine, ce qui aura un certain nombre d’effets positifs sur l’univers du crédit à la consommation. Le taux de défaillance de divers titres adossés à des crédits mobiliers, comme les comptes de titulaires de cartes de crédit et les prêts automobiles, a chuté pour toutes les catégories d’emprunteurs, et nous pensons que cette tendance se poursuivra, et pourrait même s’accélérer. Les titres adossés à des crédits mobiliers garantis par des emprunteurs à faible risque ont été les plus protégés des effets des mesures de confinement; à la sortie de la récession causée par la COVID-19, il pourrait y avoir des occasions parmi les titres adossés à des crédits mobiliers garantis par des emprunteurs à risque élevé.
• Immobilier et prêts hypothécaires – Les données techniques dans le secteur résidentiel étaient très bonnes au début de la pandémie et, près d’un an plus tard, elles n’ont pas beaucoup changé. Le nombre de logements sur le marché reste historiquement faible et le nombre de nouvelles maisons unifamiliales arrivant sur le marché est limité. Parallèlement, nous pensons que la formation des ménages, après des années de croissance inférieure à la tendance, restera élevée en 2021. Les taux hypothécaires ont rendu les emprunts légèrement plus abordables, les taux des prêts hypothécaires sur 30 ans frôlant actuellement des creux historiques; bien sûr, cet avantage est partiellement compensé par la hausse des prix des logements, mais le résultat net nous semble positif¹. Certains investisseurs ont fait part de leurs inquiétudes quant à la possibilité qu’une hausse des taux hypothécaires entraîne de l’instabilité sur le marché; nous pensons que ces craintes sont exagérées. Par le passé, lorsque les taux hypothécaires ont commencé à grimper, la demande est restée forte pendant au moins une année, les acheteurs se dépêchant d’acheter pendant que les taux étaient encore bas.

Les taux hypothécaires sont proches de leur creux historique

Taux moyen d’un prêt hypothécaire à taux fixe de 30 ans aux États-Unis (%)

Même dans le secteur des prêts hypothécaires commerciaux, sans aucun doute le segment actuellement le plus malmené du marché obligataire, nous voyons quelques occasions. Nous croyons que les espaces d’entreposage libre-service (qui continueront de profiter de l’augmentation du besoin d’espace à la maison) et les espaces d’entreposage frigorifique (qui servent de plaques tournantes aux distributeurs d’aliments) sont des segments qui devraient poursuivre leur progression. L’immobilier commercial au service des secteurs pharmaceutique, biotechnologique et médical s’est généralement révélé résilient face à diverses conditions difficiles au cours de la dernière année, et nous prévoyons que le segment continuera de progresser. Nous pensons que les immeubles de bureaux et les centres commerciaux resteront les segments les moins performants, d’autant qu’ils n’ont pas commencé l’année 2020 en bonne forme et n’ont connu que des difficultés depuis.

Nous pensons que l’année prochaine donnera aux gestionnaires actifs une chance de mériter leur salaire. Aucun des facteurs des rendements passifs – détachement de coupons, resserrement des écarts de taux ou baisse des taux – ne sera probablement un facteur de rendement significatif en 2021. De plus, un investissement passif dans une stratégie combinée pondérée en fonction de la capitalisation boursière signifie, par définition, faire un investissement massif dans un seul segment du marché obligataire, et dans celui qui, selon nous, pourrait offrir le moins de potentiel de hausse : les bons du Trésor américain.

Néanmoins, nous croyons que les titres à revenu fixe – en particulier les stratégies de base et de base Plus – représentent toujours le meilleur moyen de réduire le risque dans un portefeuille de croissance ou de constituer une base solide dans un portefeuille de préservation du capital. Les avantages fondamentaux des titres à revenu fixe n’ont pas été éliminés par les défis du contexte actuel; ces derniers ont plutôt souligné la nécessité d’adopter une approche du marché obligataire qui soit souple, bien pensée et, surtout, active.

1 Réserve fédérale des États-Unis de St. Louis, au 22 décembre 2020. 2 Bloomberg, thebalance.com, au 22 décembre 2020. 3 barrons.com, au 7 décembre 2020. 4 eVestment, au 30 septembre 2020. 5 Réserve fédérale des États-Unis, « Summary of Economic Projections », au 16 décembre 2020. 6 Département du Trésor américain, au 31 décembre 2020.