Trouver des occasions d’investissement durable sur les marchés asiatiques des titres à revenu fixe
Points à retenir
- Le changement de perspective consensuelle concernant les dépenses budgétaires de l’après-COVID-19 a donné l’occasion aux décideurs en Asie d’intégrer des objectifs environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) à leurs plans de relance.
- La voie vers une Asie plus durable exigera des investissements colossaux et le capital privé jouera un rôle important à cet égard; le secteur des énergies renouvelables et le marché obligataire durable de la région, en pleine croissance, pourraient offrir des occasions aux investisseurs.
- L’investissement durable n’est pas simple : la plupart des enjeux ESG sont propres à une région et à une culture – nous avons trouvé des facteurs qui pourraient influer sur la performance des investissements.
Un virage inattendu
L’année 2020 a été pleine de surprises, mais elles n’ont pas toutes été positives. Cependant, au cours des derniers mois de l’année, certains événements inattendus ont eu lieu : la Chine a annoncé son intention d’atteindre la carboneutralité d’ici 2060¹, tandis que la Corée du Sud, le Japon et Hong Kong se sont engagés à faire de même d’ici 2050².
Ces annonces, en apparence indépendantes, sont très importantes. Ces quatre pays se sont engagés à éliminer environ 35 %³ des émissions mondiales de carbone d’ici 2060, établissant ainsi un objectif concret qui servira à mesurer leurs progrès. Dans le cadre d’un deuxième événement lui aussi très important, plusieurs banques se sont engagées à cesser d’accorder des prêts pour financer de nouveaux projets liés au charbon – d’autres devraient adopter une approche semblable au cours des prochains mois⁴. Selon nous, ces annonces témoignent de l’engagement du continent à s’attaquer aux enjeux de développement durable – les implications sont majeures pour les investisseurs des marchés asiatiques des titres à revenu fixe.
Occasions d’investissement
La COVID-19 a changé la perspective consensuelle à l’égard des dépenses budgétaires, permettant ainsi aux décideurs d’introduire des mesures de relance d’une façon qui aurait été impensable auparavant. Les dirigeants de la région ont ainsi eu l’occasion d’intégrer des objectifs de développement durable à leurs plans de dépenses. La Corée du Sud, par exemple, a lancé son nouveau Pacte vert en juillet, s’engageant à investir plus de 60 milliards de dollars américains pour réorienter son économie sur la voie du développement durable⁵. Bien que peu d’économies asiatiques aient, à ce jour, suivi l’exemple de la Corée du Sud, il est probable que d’autres initiatives de développement durable seront annoncées par certains pays ou certaines régions à l’approche de la prochaine Conférence des Nations Unies sur les changements climatiques, en novembre.
« Cependant, à notre avis, c’est dans l’écart entre la situation actuelle et les objectifs que résident les occasions de placement. »
Sans conteste, ces promesses accrocheuses suscitent beaucoup de scepticisme. L’atteinte de ces objectifs exigera beaucoup de détermination et de planification de la part des décideurs de la région – sans mentionner un investissement colossal. Cependant, à notre avis, c’est dans l’écart entre la situation actuelle et les objectifs que résident les occasions de placement. Pour que ces objectifs soient atteints, des changements fondamentaux devront être apportés à la société : il faudra changer la façon dont l’énergie est générée, stockée et consommée, dont les aliments sont produits, dont les gens se déplacent, et ainsi de suite. Ces changements offrent aux investisseurs l’occasion de participer à la création d’un avenir durable sur le continent.
Énergies renouvelables
À mesure que l’Asie poursuit sa croissance, ses besoins en énergie augmentent – la région devrait représenter près des deux tiers de la demande mondiale d’énergie au cours des 20 prochaines années, la Chine et l’Inde en tête⁶. Ce n’est pas une simple coïncidence si ces deux économies dominent le marché mondial de l’énergie renouvelable.
La Chine fournit plus de 70 % des panneaux solaires dans le monde et elle s’est récemment engagée à investir jusqu’à 6 000 milliards de dollars américains dans le développement de nouvelles technologies énergétiques d’ici la fin de la décence⁷. La récente promesse du pays d’atteindre la carboneutralité signifie que ses cibles devront être revues à la hausse et ses politiques actualisées, afin d’atteindre son objectif. L’Inde, par contre, prévoit de se doter d’une capacité de 100 gigawatts d’énergie solaire d’ici 2022 (contre environ 35 gigawatts en 2020⁸), car elle a réussi à générer de l’énergie solaire à moindre coût que l’énergie provenant du charbon⁹. Nous pensons que ce segment créera de nombreux points d’entrée pour les investisseurs des marchés des titres à revenu fixe.
Véhicules électriques
Les véhicules électriques sont un autre segment qui présente des occasions aux investisseurs soucieux de soutenir le développement durable. Les véhicules électriques jouent un rôle de plus en plus important dans de nombreux plans nationaux de décarbonation. Comme les consommateurs asiatiques seront nombreux à passer des véhicules à essence aux véhicules électriques, la demande de batteries lithium-ion, qui alimentent ces véhicules, augmentera. Cela devrait être favorable à la Chine, puisqu’elle est chef de file à l’échelle mondiale dans ce domaine. Parallèlement, le gouvernement indien cherche à renforcer sa capacité de fabrication de batteries, en mettant en place diverses politiques pour encourager les fabricants à produire des piles lithium-ion au pays¹⁰. Les pays asiatiques voisins, qui feront probablement partie de la chaîne d’approvisionnement régionale, pourraient également en tirer profit.
Obligations durables
L’augmentation du financement durable – dans le cadre duquel les fonds sont utilisés exclusivement pour financer des projets susceptibles de créer des avantages environnementaux et/ou sociaux – est bien documentée. Les obligations vertes, en particulier, intéressent de nombreux investisseurs. En septembre 2020, l’émission d’obligations vertes à l’échelle mondiale a franchi le seuil des 1 000 milliards de dollars américains depuis son début en 2007¹¹.
Obligations vertes : 1 000 milliards de dollars américains
La Chine a toujours été un émetteur actif d’obligations vertes. Au cours des trois premiers trimestres de 2020, le pays a émis des obligations vertes pour une valeur de 9 milliards de dollars américains et il est resté le principal émetteur de la région Asie-Pacifique l’an dernier. Singapour, le Japon et la Corée du Sud ont également été parmi les émetteurs les plus actifs à l’échelle mondiale au cours de cette période de neuf mois – ce qui témoigne de la popularité croissante des obligations vertes dans la région¹².
Plus important encore, nous avons remarqué que les obligations vertes ont attiré l’attention des émetteurs asiatiques de titres de créance d’autres secteurs ces dernières années, au-delà du domaine traditionnel de l’énergie et des infrastructures. Les promoteurs immobiliers et les fiducies de placement immobilier en Chine, à Singapour et aux Philippines, par exemple, commencent à chercher du financement sur ce marché. Selon nous, cette tendance est logique, puisque les locataires et les acheteurs sont de plus en plus soucieux de l’environnement et préfèrent les structures écoénergétiques avec une faible empreinte carbone. Il s’agit d’une évolution encourageante, car elle reflète un élargissement du marché des obligations vertes de la région, ce qui devrait, par extension, créer de nouvelles occasions.
Hausse de l’émission d’obligations sociales à l’échelle mondiale en 2020
Source : Refinitiv, au 17 décembre 2020.
Jusqu’à tout récemment, les obligations sociales étaient principalement connues des spécialistes du développement durable et des investisseurs; cependant, la pandémie de COVID-19 a tout changé. Les émissions d’obligations sociales à l’échelle mondiale ont bondi, passant de 13,3 milliards de dollars américains il y a un an à plus de 160,0 milliards de dollars américains en 2020¹³. La raison de cette hausse est évidente : les émetteurs, qui comprennent les états, les entités supranationales et des institutions financières, y ont vu un moyen d’atténuer les répercussions socioéconomiques de la pandémie.
Compte tenu de l’acceptation généralisée de la nécessité d’investir davantage dans le bien-être public et de s’attaquer à des problèmes comme l’inégalité des revenus et des sexes, il est facile de comprendre pourquoi les obligations sociales devraient continuer de plaire aux émetteurs et aux investisseurs. Cela pourrait être particulièrement pertinent en Asie émergente, où les obligations sociales sont utilisées pour financer des projets de développement social. Même si l’émission d’obligations sociales était moins fréquente dans la région, elle a triplé l’an dernier pour atteindre 20,0 milliards de dollars américains, contre 6,4 milliards de dollars américains en 2019¹¹.
Obligations de transition
L’arrêt de la consommation de combustibles fossiles prendra du temps; ce n’est pas quelque chose qui pourrait se produire en un instant – il faut avant cela construire l’infrastructure nécessaire, trouver le financement et déterminer l’avenir des actifs qui ne seront plus utilisés. C’est là que les obligations de transition entrent en jeu : ce sont des instruments obligataires susceptibles d’aider les sociétés de combustibles fossiles et les autres grands émetteurs de CO2 à financer leur transition vers l’énergie propre.
Naturellement, les obligations de transition (aussi appelées obligations brunes d’après la terminologie colorée des placements durables) ont suscité beaucoup de débats. Les détracteurs craignent que ces instruments ne procurent aux sociétés polluantes un moyen facile de se cacher derrière des certifications vertes (qu’elles n’ont pas encore obtenues). Ces préoccupations sont sans aucun doute valides et un examen attentif ne peut qu’être utile; cependant, nous sommes d’avis que les obligations de transition, lorsqu’elles sont utilisées de façon appropriée et liées à des cibles strictes, peuvent être un moyen efficace d’orienter les sociétés polluantes vers un développement plus durable. L’idée de financer une transition suscitera probablement de l’intérêt en Asie, car la région abrite de nombreux pays émergents qui dépendent de l’énergie polluante et qui doivent décarboner rapidement. Il n’est pas impensable que les obligations de transition, qui en sont encore à leur début, puissent finir par jouer un rôle important dans la transition de la région vers le développement durable. Il s’agit assurément de quelque chose qui mérite d’être surveillé.
Gouvernance
Quarante-trois pour cent des 5 000 plus grandes sociétés du monde, selon le chiffre d’affaires total, ont leur siège social en Asie¹⁴ – une proportion stupéfiante qui témoigne des prouesses économiques croissantes de la région. Toutefois, les sociétés asiatiques se situent généralement dans la tranche inférieure de la plupart des classements mondiaux en matière de gouvernance d’entreprise. La corrélation positive entre la rentabilité et les bonnes pratiques de gouvernance d’entreprise est bien connue, et il ne fait aucun doute que les sociétés de la région ont beaucoup de travail à faire dans ce domaine. Selon nous, le point à retenir le moins évident est que, lorsqu’on examine la question sous l’angle de l’investissement durable, l’indépendance et la diversité des structures de gouvernance peuvent constituer un thème d’investissement important susceptible d’être une bonne source d’alpha.
Tirer parti des occasions ESG offertes par les titres à revenu fixe asiatiques – outils essentiels
Il est facile de comprendre l’attrait de l’investissement durable – il permet aux investisseurs de participer à la construction d’un avenir plus durable tout en générant un rendement significatif. Cependant, il serait malhonnête de prétendre qu’il n’y a aucun défi à relever.
L’absence d’une taxonomie commune signifie que les fournisseurs de données, les fournisseurs de recherche ESG et les émetteurs peuvent avoir différentes définitions de certains paramètres clés, ce qui rend l’analyse très difficile. De même, les sociétés de notation ESG ne sont pas réglementées de la même façon que les agences de notation du crédit, ce qui remet en question la fiabilité et l’exactitude de leur travail (elles sont parfois accusées d’écoblanchiment et, de plus en plus, de socioblanchiment).
Nous irions encore plus loin pour dire que la gestion active n’est qu’un point de départ – une approche complète et réfléchie est nécessaire pour avoir du succès dans ce domaine.
Pour ces raisons, de nombreuses personnes ont indiqué que l’investissement durable devrait être pratiqué dans le cadre de la gestion active. Cependant, nous irions encore plus loin pour dire que la gestion active n’est qu’un point de départ – une approche complète et réfléchie est nécessaire pour avoir du succès dans ce domaine. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne l’Asie, où les pays qui s’y trouvent – et par extension, ses marchés de titres à revenu fixe – sont tout sauf homogènes. Voici quelques-unes des mesures que nous avons prises à Gestion de placements Manuvie et qui, selon nous, sont importantes pour investir dans cette catégorie d’actif en respectant des principes de développement durable.
Accès à une équipe de spécialistes des facteurs ESG
Les titres à revenu fixe et la recherche sur les facteurs ESG sont deux disciplines distinctes et il est important que les deux équipes puissent travailler en collaboration pour créer un processus de placement intégré qui tient compte de tous les facteurs ESG pertinents. Cependant, la collaboration entre les deux équipes ne s’arrête pas là – surveiller les facteurs ESG après leur intégration est tout aussi important. Selon nous, avoir accès à une équipe de spécialistes des facteurs ESG disposant de ressources suffisantes est essentiel à la bonne performance des investissements dans les titres à revenu fixe durables, en Asie.
La présence à l’échelle locale est essentielle
Il est incontestable que la plupart des enjeux de développement durable sont propres à une région ou à une culture. Dans un sens, cela se reflète dans la diversité des économies qui composent ce que nous appelons l’économie asiatique. Il est essentiel d’avoir une forte présence locale – cela permet à l’équipe de placement et aux spécialistes des facteurs ESG de suivre l’évolution de la situation locale et de tenir compte de nuances idiosyncrasiques qui sont souvent perdues dans un contexte mondial. Selon notre expérience, la capacité de voir le développement à l’échelle locale nous a permis d’aller plus rapidement au cœur des enjeux et de prendre, de façon plus éclairée, de meilleures décisions d’investissement.
Nous comptons non seulement sur les idées de nos spécialistes des facteurs ESG, mais aussi sur leur capacité à aller chercher et à vérifier les données ESG provenant de sources externes.
Recherche indépendante et exclusive
Le manque de couverture par des analystes externes est un problème persistant dans l’univers des titres à revenu fixe en Asie, et, sans surprise, le problème est plus grand dans le domaine des placements durables. Cette situation souligne le rôle essentiel que jouent les recherches indépendantes et exclusives dans le processus d’investissement. Dans notre cas, nous comptons non seulement sur les idées de nos spécialistes des facteurs ESG, mais aussi sur leur capacité à aller chercher et à vérifier les données ESG provenant de sources externes. De même, nous comptons sur notre équipe de recherche sur les titres de créance asiatiques pour effectuer des analyses de crédit approfondies et exclusives qui ne sont pas facilement accessibles auprès des sociétés mondiales de recherche. Le travail de l’équipe de recherche sur les titres de créance donne un aperçu de l’importance des risques ESG et permet à l’équipe de placement de repérer plus tôt et de façon plus éclairée et plus objective l’écoblanchiment et le socioblanchiment.
Un solide programme d’engagement auprès des sociétés
Selon nous, toutes les sociétés de placement qui prennent au sérieux la question de l’investissement durable auront mis en place un programme complet d’engagement auprès des sociétés. Ce programme est habituellement mené par l’équipe ESG dans le but d’amorcer un dialogue avec les sociétés émettrices pour les encourager à atténuer les problèmes ESG ou à tirer parti des occasions ESG. À Gestion de placements Manuvie, nous nous faisons un devoir d’échanger des idées pertinentes sur les meilleures pratiques ESG avec les sociétés émettrices – en mettant à profit nos recherches dans différents secteurs et différentes régions – dans le but de les aider à créer de la valeur au moyen de leurs activités et d’augmenter le rendement.
Conclusion
Les occasions d’investissement durable en Asie se multiplient, en particulier sur le marché des titres à revenu fixe. Les récentes annonces de la Chine, du Japon, de la Corée du Sud et de Hong Kong nous confortent dans notre opinion que la région a effectivement dépassé le point d’inflexion en matière de développement durable. Nous sommes convaincus que d’autres événements encourageants se produiront au cours de l’année à venir. Cependant, pour profiter du potentiel offert par les titres à revenu fixe asiatiques en matière de développement durable, nous croyons qu’il faut disposer des bons outils.
1 « The secret origins of China’s 40-year plan to end carbon emissions », The Japan Times, 23 novembre 2020. 2 « Hong Kong Pledges Carbon Neutrality by 2050, a Decade Before the Mainland », Caxin Global, 26 novembre 2020. 3 « Fossil CO2 emissions of all world countries—2020 Report », Commission européenne, 10 septembre 2020. 4 « More Asian banks seen avoid coal projects », Business Mirror, 5 mai 2020. 5 « South Korea’s Green New Deal shows the world what a smart economic recovery looks like », The Conversation, 9 septembre 2020. 6 « Can Solar Power Compete With Coal? In India, It’s Gaining Ground », Wall Street Journal, 17 février 2020. 7 « Promoting China’s Energy Transformation through Deepened Supply-side Structural Reform », Centre de développement et de recherche du Conseil des affaires de l’État de la République populaire de Chine, 21 août 2020. 8 « India aims for half of state-run fuel stations to be solar-power in five years », Reuters, 15 septembre 2020. 9 « India leads with lowest renewable cost in Asia Pacific », Wood Mackenzie, 27 juillet 2019. 10 « PLI scheme powers up lithium-ion cell making », Hindustan Times, 30 novembre 2020. 11 « Record Month Shoots Green Bonds Past Trillion-Dollar Mark », BloombergNEF, 5 octobre 2020. 12 « Green Bond Market: Summary Q3 2020 », Climate Bonds Initiative, 13 novembre 2020. 13 Refinitiv, au 17 décembre 2020. 14 « Corporate Asia: A capital paradox », McKinsey & Company, janvier 2020.
Renseignements importants
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