Le secteur bancaire chinois poursuit ses réformes

Baoshang Bank (BSB), notée AA+, dont le siège se trouve en Mongolie intérieure, n’avait pas publié de rapports financiers depuis le troisième trimestre de 2017²; elle a fait l’objet d’accusations selon lesquelles son principal actionnaire avait détourné des fonds bancaires. Selon la Banque populaire de Chine (BPC) et la Commission chinoise de réglementation du secteur bancaire et de l’assurance (CBIRC), la prise de contrôle administrative visait à contrer les risques systémiques, à protéger les droits et les intérêts légitimes des déposants et des autres clients, et à veiller à ce que les activités commerciales de la BSB ne soient pas suspendues³. La BSB participait aussi activement au marché interbancaire : la banque avait des titres (certificats de dépôt) toujours circulation sur le marché interbancaire, pour un montant de 60 milliards de yuans, au moment de sa prise de contrôle. Bien que les petits déposants seront probablement protégés, les grands créanciers pourraient subir des pertes⁴.

Dans l’ensemble, nous voyons cette mesure du gouvernement comme la poursuite de la réforme du secteur financier, en visant en particulier les banques de petite taille desservant les villes secondaires. La Chine comptant environ 4 600 banques, allant des grandes sociétés d’État et des sociétés commerciales par actions, aux banques commerciales des villes et des régions rurales, cette décision marque une intensification de la surveillance réglementaire des sociétés de moindre envergure.

Nous avons remarqué que certaines des banques chinoises desservant les villes secondaires font face à des irrégularités dans la publication des états financiers semblables à celles de la BSB. En fait, environ une semaine après la prise de contrôle, les vérificateurs de la Bank of Jinzhou (qui n’avait pas publié ses résultats annuels de 2018) ont démissionné après avoir déterminé qu’une partie des prêts consentis par la banque à ses clients n’avait pas été utilisés aux fins prévues. Dans l’ensemble, 15 autres banques chinoises ont retardé ou omis de divulguer leurs états financiers cette année : douze d’entre elles sont des banques commerciales rurales; les trois autres sont des banques commerciales urbaines⁶.

Nous pensons que cet événement symbolise d’importants changements dans le secteur financier. Auparavant, les investisseurs croyaient que le gouvernement couvrirait les pertes potentielles sur le marché interbancaire. Cela a entraîné une augmentation de l’aléa de moralité. Bien que l’issue définitive des négociations entre les créanciers et les organismes de réglementation ne soit pas encore connue, nous pensons que les investisseurs devraient être conscients que la garantie implicite dont disposent les banques pourrait ne plus s’appliquer.

En examinant le système bancaire dans son ensemble, nous constatons une amélioration de la qualité de l’actif. Les prêts en difficulté représentaient 4,8 % du total des prêts à la fin de mars 2019, soit le pourcentage le plus bas en cinq ans; les réserves générales et la capitalisation du système bancaire ont augmenté à des sommets qui n’ont pas été observés en plusieurs années.

Cependant, ces améliorations sont principalement constatées parmi les grandes banques d’État et les banques commerciales par actions, tandis que les banques commerciales urbaines et rurales font face à des difficultés constantes en raison de la détérioration de la qualité de l’actif, d’une capitalisation inadéquate, et d’une dépendance excessive au financement de gros. Nous nous attendons à ce que cette tendance au sein du secteur bancaire se poursuive et à ce que les investisseurs envisagent de se tourner vers des actifs de meilleure qualité et se concentrent sur les grandes banques commerciales d’État et certaines banques commerciales par actions.

Cela dit, nous ne prévoyons pas de choc ou de crise systémique au sein des banques chinoises, même si d’autres banques se retrouvaient dans la situation de BSB. Le système bancaire continuera de réduire les risques; en outre, les organismes de réglementation des services financiers veilleront à ce que tout événement lié au crédit dans le secteur bancaire soit bien contenu.

Comme l’économie chinoise connaît des difficultés, nous prévoyons une augmentation des défaillances. En effet, la défaillance des entreprises privées chinoise a augmenté, le taux de défaillance à l’échelle nationale étant passé de 0,7 % en 2017 à 4,6 % en 2018; le taux de défaillance est demeuré élevé au cours des cinq premiers mois de 2019, à 2,1 %⁸.

Désormais, la politique du gouvernement chinois devrait jouer un rôle déterminant sur les marchés du crédit. La politique monétaire expansionniste actuelle de la BPC devrait dans l’ensemble soutenir les efforts de refinancement. Cependant, nous ne pensons pas que tous les secteurs en bénéficieront de la même manière. Nous constatons notamment un risque croissant de défaillance en ce qui concerne les titres à rendement élevé du secteur industriel chinois, car de nombreux nouveaux émetteurs doivent rembourser leurs obligations émises sur le marché étranger au cours des deux prochaines années. Nous pensons que le refinancement sera un défi, car les investisseurs restent sceptiques à l’égard de certains de ces titres, en raison du manque de transparence financière et de la mauvaise gouvernance d’entreprise.

Une politique budgétaire active devrait également soutenir les principaux segments du marché. Par exemple, nous pensons que les sociétés d’État qui sont étroitement liées aux politiques du gouvernement ou qui ont une importance systématique devraient être parmi les principaux bénéficiaires des mesures du gouvernement visant à soutenir les entreprises locales par des infrastructures et des dépenses publiques connexes. En effet, nous avons constaté une hausse des émissions de titres à l’échelle nationale par les sociétés d’État affichant un taux de financement plus faible, en raison de l’amélioration des conditions de liquidité. Le taux de défaillance des emprunts nationaux des sociétés d’État est également resté faible, la plupart de sociétés défaillantes cette année étant des sociétés fermées. Néanmoins, nous restons prudents à l’égard des sociétés d’État de qualité inférieure dont le profil de solvabilité est faible et l’importance stratégique, limitée; certaines d’entre elles ont presque été défaillantes ou ont accusé un retard dans le paiement des coupons ces derniers mois.

Le secteur immobilier chinois, l’un des principaux moteurs de l’économie du pays, devrait également profiter des politiques du gouvernement, car ce dernier cherche à stabiliser la croissance dans un contexte d’escalade des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine. Au cours des derniers mois, les politiques dans certaines villes et les restrictions sur l’achat d’une maison se sont assouplies, et les taux hypothécaires ont baissé, ce qui a entraîné une reprise des ventes sous contrat des promoteurs immobiliers⁹. Les risques de refinancement pour les développeurs chinois ont été réduits, car bon nombre d’entre eux ont provisionné leurs emprunts arrivant à échéance au moyen de nouvelles émissions d’obligations au cours des quatre premiers mois de l’année.

Pour finir, nous surveillerons de près le refinancement des instruments de financement des administrations locales chinoises sur le marché obligataire étranger en dollars américains, car une grande quantité d’obligations émises sur ce marché arriveront à échéance au cours des trois prochaines années (chaque année plus de 10 milliards de dollars US d’obligations arriveront à échéance)¹⁰. Nous croyons que cette transition constituera un véritable test de la capacité de refinancement de ces instruments. Dans une certaine mesure, les marchés s’attendent toujours à ce que la majorité de ces obligations soient refinancées, car il n’y a pas eu de défaut récent lié à ces instruments. Si ce n’est pas le cas, les investisseurs pourraient commencer à douter de la garantie implicite des titres d’État.

Dans l’ensemble, nous croyons qu’il est dans l’intérêt de la Chine de permettre la défaillance de certaines sociétés, à condition que cela n’ait pas d’effet systémique et que cela se passe dans le cadre d’une approche gérée. Encore une fois, la sélection de titres est essentielle – les marchés étant si difficiles, nous devrions constater une divergence croissante. En période de prospérité, toutes les sociétés se portent bien, mais lorsque les choses se gâtent, les sociétés qui affichent de solides fondamentaux se démarquent.

1 Banque populaire de Chine, au 24 mai 2019. 2 Dagong Global Credit Rating Co., Ltd., 31 octobre 2017; Reuters, 30 mai 2019. 3 Banque populaire de Chine, au 26 mai 2019. 4 Le 24 mai 2019, la Banque populaire de Chine a annoncé qu’elle garantirait les dépôts des sociétés et les créances interbancaires pour un montant inférieur à 50 millions de yuans, tandis que les créances dépassant ce montant seraient négociées avec les créanciers. 5 Commission chinoise de réglementation du secteur bancaire et de l’assurance (CBIRC), décembre 2018. 6 Securities Times, 27 mai 2019. 7 CBIRC, au 10 mai 2019. Les prêts en difficulté sont définis comme des prêts avec mention spéciale ou des prêts non productifs. 8 Bloomberg, 8 mai 2018; Goldman Sachs, 9 mai 2019. 9 « New home prices rise in almost all Chinese cities as lower mortgage rates, lighter restrictions spur demand », South China Morning Post, 16 mai 2019. 10 Citibank, janvier 2019.