Imposition des rachats d’actions dans une économie au ralenti : comprendre les conséquences fiscales et financières

Lors de la publication de son énoncé économique de l’automne 2022, le gouvernement canadien a annoncé un nouvel impôt de 2 % sur les rachats d’actions pour les sociétés ouvertes au Canada. La ministre des Finances, Chrystia Freeland, a justifié la mesure en disant qu’il fallait « assurer que les grandes sociétés paient leur juste part, et pour les inciter à réinvestir leurs bénéfices dans les travailleurs et au Canada. ».

En imposant les distributions aux actionnaires, le Canada a imité le gouvernement américain, qui a récemment instauré un impôt sur les rachats de 1,0 % dans le cadre d’un plan de recettes compris dans la 2022 Inflation Reduction Act (Loi sur la réduction de l’inflation des États-Unis de 2022). Dans les deux pays, l'impact fiscal de la taxe de rachat devrait être modeste : 0,1 % des recettes totales prévues, soit 2,1 milliards de dollars canadiens sur 5 ans au Canada et 54,9 milliards de dollars américains sur 10 ans aux États-Unis¹.

Toutefois, si les sociétés devaient continuer à privilégier les rachats aux distributions de dividendes en raison de leur avantage fiscal², une augmentation de 1,0 % de l’impôt sur les rachats pourrait accroître les versements de dividendes de 1,5 % selon le Tax Policy Center. Par conséquent, les gouvernements pourraient finir par percevoir moins de recettes que prévu en raison des changements de comportement des sociétés. En outre, dans les deux pays, le gouvernement appliquera la taxe à la valeur nette des rachats, c'est-à-dire après avoir contrôlé les actions nouvellement émises. Cela suppose que les dirigeants et les cadres qui exercent leurs options sur actions dans une proportion plus importante que d’habitude réduiraient la valeur nette des rachats et les prélèvements fiscaux. Enfin, en ce qui concerne le capital et l’exploitation, certains ont affirmé que les rachats ont lieu lorsque le taux de rendement attendu des autres possibilités de placement est tout simplement trop bas, ce qui réfute la thèse généralement reconnue selon laquelle les sociétés rachètent des actions au lieu de réinvestir de manière productive dans leur capital et leurs employés.

Quelles sont les sociétés qui rachètent le plus d’actions?

Au cours des cinq dernières années, selon l’indice composé S&P/TSX et l’indice S&P 500, c’est le secteur financier qui a affiché le rendement brut des rachats d’actions le plus élevé. Au Canada, les autres secteurs les plus touchés par l’impôt de 2 % sur les rachats d’actions seraient la consommation discrétionnaire, la consommation de base et les produits industriels.

En ce qui concerne les recettes, pour le gouvernement fédéral canadien, les secteurs qui contribueraient le plus aux recettes fiscales si les tendances récentes en matière de rachats d’actions devaient persister sont les secteurs de la finance, de l’énergie et de l’industrie. En fait, si toutes les sociétés de l’indice composé S&P/TSX devaient payer un impôt brut de 2 % sur les rachats de 2021, cela équivaudrait à un impôt supplémentaire de plus de 1,1 milliard de dollars canadiens. Les secteurs de la finance et de l’énergie auraient contribué à ce total pour plus de 500 millions de dollars canadiens et 100 millions de dollars canadiens, respectivement. Nous notons que sur la base de la valeur nette, ce chiffre serait beaucoup plus faible en raison des motifs mentionnés ci-dessus concernant l’exercice des options sur actions. Nous relevons également que les sociétés du secteur de l’énergie ont souvent été au centre des préoccupations des législateurs américains cette année. À l’instar de l’UE et du Royaume-Uni, le gouvernement américain envisage activement d’instaurer un impôt exceptionnel sur les bénéfices « démesurés » du pétrole et du gaz. Au Canada, aucun impôt de ce type n’a été envisagé, mais nous soulignons que les sociétés du secteur de l’énergie paieraient la deuxième plus grande part de l’impôt sur les rachats d’actions de 2 % s’il était appliqué aujourd’hui.

Perspectives concernant les rachats d’actions

Les rachats d’actions ont de façon générale été en hausse au Canada au cours des deux dernières décennies et nous ne pensons pas que l’impôt proposé mettra fin à cette tendance. En réalité, les rachats d’actions restent l’un des moyens les plus efficaces d’augmenter les gains des actionnaires. Selon nous, c’est plutôt la croissance économique qui détermine véritablement les rachats. Si cela favorisait légèrement une politique plus forte en matière de dividendes, nous pensons que le lien entre les rachats d’actions et la croissance économique l’emportera sur l’incidence perturbatrice des impôts.

Compte tenu de nos perspectives économiques peu encourageantes pour 2023, nous prévoyons un ralentissement des rendements des rachats d’actions, car les bénéfices des sociétés seront de plus en plus soumis à des pressions à court terme. Les rachats d’actions et les marges bénéficiaires ont toujours été étroitement liés : la baisse des marges bénéficiaires a été un frein évident aux rachats d’actions. Néanmoins, ces derniers devraient reprendre à moyen terme.

1 Ministère des Finances du Canada et U.S. Tax Foundation, 2022. 2 Les sociétés rachètent souvent des actions à des actionnaires qui ne sont pas ou peu imposés sur les gains en capital (caisses de retraite et investisseurs à faibles revenus). Les autres actionnaires imposables peuvent alors simplement choisir de reporter les gains en capital pour éviter l’imposition.