Guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine : réflexion sur les nouveaux tarifs douaniers
Au début du mois d’août, sans prévenir, le gouvernement américain a annoncé l’imposition de tarifs douaniers sur les 300 milliards de dollars américains restants d’importations chinoises.
Ces tarifs, qui pourraient avoir une incidence sur les consommateurs, devaient entrer en vigueur le 1er septembre. Cependant, cette date a été reportée au 15 décembre pour certains produits afin d’atténuer les éventuelles conséquences sur les ventes réalisées à l’occasion du Vendredi fou et pour Noël. Cette volte-face déterminante modifie la perception plus optimiste que nous avions par rapport aux marchés. En plus de nos considérations habituelles quant à l’impact des tarifs douaniers sur l’économie mondiale, nous examinons maintenant d’autres facteurs qui entravent de façon non linéaire la croissance. Par ailleurs, nous nous attendons maintenant à ce que la Réserve fédérale américaine (Fed) réduise son taux de 50 points de base (pb) en septembre et à ce qu’elle le réduise davantage par la suite.
Un nouveau cadre
Que de changements en une journée.
La dernière journée du mois de juillet marquait la première baisse de taux en plus d’une décennie aux États-Unis – un événement largement attendu, qui n’a peut-être été assombri que par une conférence de presse au ton exceptionnellement inflexible, ce qui a brièvement semé la confusion sur les marchés. Le positivisme est toutefois revenu rapidement : les participants au marché étaient prêts à baisser la garde et à se laisser porter par la douceur de l’été. Puis, sans crier gare, tout a basculé. Le 1er août, l’administration Trump a annoncé l’imposition de nouveaux tarifs sur les 300 milliards de dollars américains restants d’importations chinoises, à compter du 1er septembre. Même si l’annonce a par la suite été modifiée pour reporter au 15 décembre l’imposition des tarifs sur certains produits, cette décision est, à notre avis, déterminante et change – à elle seule – la perception plus optimiste que nous avions par rapport aux marchés. Nous nous attendions à ce que la croissance aux États-Unis s’accélère du fait de l’amélioration des investissements des entreprises au pays et des activités commerciales à l’échelle mondiale soutenues par la stabilisation de la Chine; bref, un scénario favorable au risque. Cependant, les nouveaux tarifs minent considérablement notre argument et, par extension, notre avis selon lequel les actifs risqués peuvent dégager un rendement supérieur, surtout pendant le prochain trimestre.
Nous suggérons de considérer les répercussions de l’imposition imminente des tarifs en deux étapes.
- Étape 1 : Nous pensons que les données économiques ne permettront pas de dresser un portrait juste de la conjoncture économique mondiale pour les mois d’août et de septembre. Même avec des tarifs réduits, ces données laisseront probablement transparaître une incertitude croissante, comme ce fut le cas en mai après que l’administration Trump eut menacé d’imposer des tarifs douaniers sur les importations mexicaines. Nous prévoyons (i) une baisse de la confiance des entreprises, (ii) une paralysie des activités d’embauche et (iii) une hausse des activités commerciales ciblées et autres activités économiques. Fait important, nous nous attendons à ce que les entreprises repoussent les embauches et les dépenses en immobilisations jusqu’à ce que lasituation soit plus claire, peu importe si les nouveaux tarifs entrent en vigueur ou non.
- Étape 2 : Advenant l’imposition de ces tarifs douaniers, il faudra évaluer quelle sera leur incidence sur la croissance en 2020 et en 2021, en plus de la faiblesse qu’ils sont susceptibles d’entraîner en ébranlant la confiance. Cette situation est complexe : nous sommes en territoire inconnu et l’histoire comporte peu d’exemples pouvant nous fournir des pistes sur ce qui viendra ensuite. Essentiellement, les modèles économiques peinent généralement à saisir adéquatement l’effet multiplicateur des tensions commerciales et des tarifs douaniers.
Avant l’annonce du 1er août, nos recherches avaient révélé quelques signes avant-coureurs selon lesquels la conjoncture macroéconomique – en particulier au chapitre de la confiance des entreprises, des investissements des entreprises et du commerce mondial ainsi que du secteur manufacturier mondial – pourrait s’être stabilisée, la croissance s’accélérant potentiellement durant les derniers mois de l’année. Nous pensons maintenant que les probabilités de stabilisation dans ces secteurs sont menacées et que l’économie mondiale demeurera faible – particulièrement aux États-Unis et en Chine – pour le reste de l’année.
Obstacles non linéaires à la croissance
En plus des conséquences économiques plus « traditionnelles » causées par les tensions commerciales et les tarifs douaniers, ces nouveaux tarifs s’accompagnent d’autres facteurs qui, à notre avis, créent des obstacles non linéaires à la croissance.
- Les répercussions sur les consommateurs américains. Les tarifs imposés antérieurement ont eu très peu d’incidence sur les consommateurs américains. À ce jour, seuls 50 milliards de dollars américains d’importations chinoises assujetties à des tarifs douaniers étaient des biens de consommation¹; la plupart étaient des biens industriels et d’équipement. Or, cette nouvelle série de tarifs visera 120 milliards de dollars américains de biens de consommation, et plus particulièrement les appareils électroniques, les vêtements et les jouets. Soulignons que le report au 15 décembre à l’égard de ces biens a vraisemblablement pour objectif d’atténuer l’incidence des tarifs douaniers sur la consommation de biens durables pendant la période de magasinage des Fêtes. Ultimement, leurs conséquences seront les mêmes s’ils entrent en vigueur. En outre, l’effet sur les détaillants pourrait être pire : la demande pour des biens (et même de services) non assujettis aux tarifs pourrait également subir de la pression. La raison est assez simple : toutes proportions gardées, si les téléphones coûtent plus cher, les consommateurs auront-ils moins d’argent à dépenser ailleurs, comme les repas au restaurant? Bien que certains de ces tarifs puissent être absorbés par les entreprises, les marges bénéficiaires sont plus faibles qu’elles ne l’étaient il y a un an²; c’est pourquoi nous craignons qu’une grande partie de ces pertes soit transférée aux consommateurs américains. Ce scénario représenterait un risque de baisse important pour l’économie américaine. Les dépenses de consommation, qui représentent environ 70 % du PIB, se sont particulièrement bien comportées pendant la dernière année et ont été un facteur clé de l’économie. Notamment, la confiance des consommateurs est restée élevée et la croissance des salaires (d’environ 3 %) a été décente³. De même, le marché du travail se porte bien malgré un léger ralentissement de la croissance de l’emploi. Cependant, sans les investissements des entreprises et le commerce, l’économie américaine dépend grandement d’un unique pilier de croissance qui semble maintenant sur le point de fléchir quelque peu.
- Le yuan (CNY) a glissé sous le seuil névralgique de « sept yuans par dollar » peu de temps après l’annonce des tarifs douaniers. À notre avis, cette situation se joue plutôt à l’échelle psychologique qu’économique. Toutefois, ce changement confirme et renforce deux scénarios d’aversion pour le risque. Premièrement, les marchés craindront une nouvelle dépréciation importante du yuan, qui pourrait entraîner des sorties de capitaux. Bien que nous nous attendions à ce que le yuan fléchisse par rapport au dollar américain, nous pensons que ce changement sera progressif et non linéaire. Cela dit, même un léger affaiblissement progressif pourrait inquiéter les investisseurs. Deuxièmement, l’économie mondiale n’a pas encore été témoin de ce qui pourrait être perçu comme d’importantes mesures de représailles de la part de la Chine. Nous devons maintenant surveiller la façon dont les décideurs chinois réagiront aux dernières menaces tarifaires, que ce soit au moyen de la monnaie ou d’autres canaux. Ces mesures de représailles compromettront la confiance des entreprises et les activités commerciales à l’échelle mondiale. Soulignons également que la valeur actualisée nette du yuan représente 16 % du panier de monnaies pondérées en fonction des échanges commerciaux du dollar américain et qu’elle a une influence grandissante sur les autres devises du panier. Les investisseurs ont raison de tabler sur la vigueur du dollar américain puisque l’inverse serait un frein important à la croissance des États-Unis (et mondiale) et indiquerait également un resserrement des conditions financières. Par ailleurs, les mesures prises par la Chine pourraient aussi avoir des répercussions sur la prise de risque, surtout si ces mesures visent directement la relance de la croissance intérieure. En effet, nous nous attendons à ce que la Banque populaire de Chine renforce ses mesures d’assouplissement et à ce que le gouvernement annonce de nouvelles mesures budgétaires pour soutenir l’économie. La façon dont le marché interprétera ces mesures dépendra vraisemblablement de leur importance, de leur portée et du moment où elles entreront en vigueur (comme d’habitude).
- La courbe des taux aux États-Unis – et bien d’autres – s’est considérablement aplatie après l’annonce du 1er août. L’aplatissement marqué de la courbe des taux à l’échelle mondiale ranime le risque d’une récession et augmente la probabilité qu’elle soit mue par la courbe aux États-Unis l’an prochain. À l’heure actuelle, nous ne nous attendons pas à une récession technique en 2020; toutefois, la confiance ébranlée par la hausse des tarifs pourrait ramener la croissance américaine à 1 % (voire moins) en 2020, selon l’ampleur du choc. Il est difficile de dire si la récente inversion de la courbe des taux s’avérera un indicateur précis de récession, mais elle propulsera certainement les craintes à la hausse durant les prochains mois.
De nouvelles attentes envers la Fed
Nous étions d’avis que la Fed réduirait son taux de 25 pb, suivi d’une longue pause. À la lumière des événements récents, nous pensons maintenant que cette réduction sera de 50 pb, suivie d’autres baisses par la suite. Nous suggérons également de rester à l’affût de discussions voulant que la Fed procède à une baisse entre les réunions officielles; il ne s’agit toutefois pas de notre scénario de référence.
Selon nous, en plus des préoccupations générales au sujet de la croissance et de l’inflation, la Fed sera tentée d’opter pour une réduction de 50 pb pour les raisons ci-après :
- offrir une « assurance » précise contre le coup qui sera porté aux consommateurs américains – une nouvelle menace économique qui, selon nous, ne préoccupait pas outre mesure le Federal Open Market Committee lors de sa réunion de juillet;
- stimuler l’accentuation de la courbe des taux et atténuer les préoccupations quant à son inversion;
- soutenir les conditions financières, en particulier dans l’éventualité d’un raffermissement du dollar américain et d’une détérioration marquée de la confiance générale du marché afin d’éviter les répercussions de l’un ou l’autre des événements.
Soyons clairs : nous ne pensons pas qu’une réduction de taux de 50 pb rétablira à elle seule la confiance des entreprises ou des consommateurs (ni même qu’elle contiendra l’inflation), mais elle pourrait soutenir la confiance du marché et la croissance économique, qui semblent particulièrement fragiles en ce moment.
1 « How Trump’s Tariffs on Chinese Goods Will Hit Your Shopping Cart » New York Times, 10 mai 2019. 2 FactSet, juillet 2019. 3 Bloomberg, 8 août 2019.
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