Monétisation de la dette : contraintes et incidence à l’échelle mondiale
L’échec des mesures d’austérité visant à restaurer la croissance de manière significative après la crise financière mondiale a suscité un regain d’intérêt pour d’autres moyens de relancer la demande globale et l’inflation. La monétisation de la dette, prônée par les partisans de la théorie monétaire moderne, est l’une de ces solutions de rechange – fonctionnera-t-elle?
La monétisation de la dette comme option alors que les gouvernements sont à court de solutions.
Depuis un certain temps déjà, la monétisation directe du déficit budgétaire – lorsqu’une banque centrale imprime de l’argent pour financer le déficit actif – est considérée par certains participants au marché comme une solution de rechange pour soutenir la croissance économique. De plus en plus de personnes croient que l’efficacité de la politique monétaire a atteint ses limites et que les dépenses budgétaires sont maintenant nécessaires pour stimuler la croissance.
La pandémie de COVID-19, qui a obligé les gouvernements du monde entier à augmenter rapidement les dépenses pour amortir les répercussions économiques, quelle que soit leur situation budgétaire, a précipité ces discussions et leur a donné de la crédibilité. Alors que les taux d’intérêt baissent partout dans le monde – devenant même négatifs dans certains pays – et que le bilan des banques centrales gonfle, nous pensons que l’adoption plus générale de la monétisation directe de la dette à l’échelle mondiale semble presque inévitable.
Est-ce vraiment une solution miracle pour tous?
La théorie monétaire moderne est souvent considérée comme une politique expérimentale et n’a jamais été considérée comme gratuite pour tous. En réalité, la théorie monétaire moderne ou la monétisation de la dette est un concept beaucoup plus nuancé. Pour qu’elle fonctionne, les gouvernements devront respecter certaines contraintes.
Contraintes | Pourquoi est-ce important? |
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Inflation/ressources |
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Externes/monétaires |
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Sociales/politiques |
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Alors que les taux d’intérêt baissent partout dans le monde et que le bilan des banques centrales gonfle, nous pensons que l’adoption plus générale de la monétisation directe de la dette à l’échelle mondiale semble presque inévitable.
Conditions à la monétisation de la dette
Pour avoir recours à la monétisation de la dette de façon durable, un gouvernement a besoin d’une souveraineté monétaire, en d’autres termes, il doit disposer d’une autonomie macroéconomique totale. Cela signifie que, en tant que concept, la souveraineté monétaire n’est pas absolue; elle devrait plutôt être considérée comme un éventail au sein duquel certains pays pourraient avoir une plus grande souveraineté monétaire que d’autres. Cependant, trois conditions sont nécessaires :
- Le gouvernement émet la monnaie nationale et peut imposer des obligations fiscales dans cette monnaie.
- Le gouvernement émet des titres de créance libellés dans sa propre monnaie.
- La monnaie est entièrement flottante.
Ces conditions nous indiquent ce qui suit : les économies affichant un déficit du secteur privé – où les investissements sont financés par emprunt plutôt que par l’épargne – ne sont pas en mesure d’avoir recours à la monétisation de la dette de façon durable. L’augmentation de la dette finirait par entraîner une crise financière ou une crise de la dette dans le secteur privé. En revanche, les économies affichant un excédent du secteur privé à long terme peuvent avoir recours à la monétisation de la dette pour stimuler la croissance de façon durable.
Étant donné ces conditions, il est clair que la monétisation de la dette, en tant que solution de rechange, est vouée à l’échec pour des économies comme l’Italie, où la politique monétaire est déterminée par la Banque centrale européenne, ou Hong Kong, dont la monnaie est liée au dollar américain. Lorsqu’une économie remplit les trois conditions, d’autres facteurs entrent en jeu – sa santé budgétaire et l’état de son secteur privé.
Ces conditions peuvent être perçues comme un moyen efficace, quoique légèrement simpliste, de déterminer quelles économies peuvent se permettre d’avoir recours à la monétisation de la dette comme politique de stimulation de la croissance. Cependant, ce modèle ne tient pas compte de la santé de l’économie et de la façon dont cela pourrait influer sur sa capacité à poursuivre une telle politique. Par exemple, si un gouvernement décide de réduire ses dépenses et que le montant retiré de l’économie n’est pas remplacé d’une manière ou d’une autre, la demande globale diminuera.
En cas de nouvelle guerre froide entre les grandes puissances économiques, une condition supplémentaire devra être satisfaite.
Dans un sens, les économies affichant un déficit extérieur sont, techniquement parlant, des emprunteurs nets du reste du monde. Selon nous, les économies qui entrent dans cette catégorie ne devraient pas recourir à la monétisation de la dette, car cette politique peut entraîner de l’instabilité macroéconomique et financière. Cela est particulièrement pertinent dans le contexte d’une guerre froide, habituellement caractérisée par l’intensification des tensions géopolitiques et la volatilité des marchés. La monétisation des dettes pendant une telle période peut rendre ces économies beaucoup plus vulnérables aux facteurs externes. Autrement dit, nous croyons que seules les économies affichant un excédent extérieur sont en mesure de recourir à une politique de monétisation de la dette en période de guerre froide.
Incidences des politiques
Étant donné qu’un excédent extérieur est essentiel à la monétisation de la dette, il est logique de présumer que les gouvernements qui prévoient s’engager dans cette voie seraient tentés de faire en sorte que le pays dégage un tel excédent. Mathématiquement, un pays peut réaliser un excédent extérieur en générant un excédent du secteur privé suffisamment important pour engendrer un excédent du compte courant. De telles politiques seront probablement très protectionnistes et pourraient inclure :
- des programmes de recherche et développement pour monter dans la chaîne de valeur;
- des tarifs douaniers, le contrôle des importations, des subventions à l’exportation pour protéger le secteur industriel national et la rentabilité des entreprises;
- des programmes de développement des infrastructures nationales en utilisant le capital et la main-d’œuvre du pays;
- la stimulation de la consommation intérieure en augmentant le revenu des ménages;
- la mise en place d’un contrôle des capitaux pour empêcher le transfert des liquidités excédentaires à l’étranger.
- Dévaluation de la monnaie
Les économies dont la marge de manœuvre politique pour monétiser la dette est limitée ou qui ne sont pas en mesure d’adopter une politique protectionniste devraient se joindre à des blocs monétaires et commerciaux qui disposent réellement de cette marge de manœuvre. Aussi improbable que cela puisse paraître de nos jours, il existe de nombreux précédents de cette forme de fragmentation mondiale, par exemple le bloc aurifère et la zone sterling dans les années 1930 à 1940.
Quelle est la position des principales économies à l’égard de la monétisation de la dette
Japon | États-Unis | Chine | Zone euro |
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Selon nous, le Japon dispose d’une grande marge de manœuvre pour monétiser sa dette. Même si le pays affiche un déficit budgétaire chronique depuis 1965 (exception faite de la bulle de la fin des années 1980 et du début des années 1990), sa dette extérieure limitée et son excédent du compte courant, lui aussi chronique, ont protégé le Japon contre l’instabilité de la monnaie et de l’inflation. | Comme on peut s’y attendre, les États-Unis ont toujours disposé d’une marge de manœuvre pour monétiser la dette. Cela s’explique en grande partie par le fait que le dollar américain a le statut de monnaie de réserve à l’échelle mondiale. En fait, nous pensons que l’expérience japonaise, notamment dans le cadre du programme d’achat d’obligations de la Banque du Japon, suggère que la Réserve fédérale des États-Unis peut encore tripler ses actifs pour financer de gigantesques déficits budgétaires, au cours des prochaines années. | La marge de manœuvre de la Chine est de plus en plus restreinte, en raison de l’érosion marquée de l’excédent de son compte courant au cours des 10 dernières années. Cela explique les mesures de relance plus prudentes de la Chine dans la foulée de la crise de la COVID-19, compte tenu du risque de déstabilisation du renminbi et d’inflation au pays. | En tant que groupe, la zone euro peut s’appuyer sur la Banque centrale européenne pour imprimer de l’argent. Cependant, à l’échelle nationale, aucun État membre ne peut émettre de titres de créance libellés en monnaie locale ou avoir le pouvoir discrétionnaire de monétiser sa propre dette. Dans un sens, la zone euro s’est privée de la capacité de monétiser la dette. Les règles budgétaires que les États membres doivent respecter réduisent également la marge de manœuvre budgétaire durable d’une économie, puisque le plafond convenu du déficit pourrait ne pas être suffisant pour soutenir la demande globale. |
Qu’en est-il de l’Asie?
Compte tenu des conditions requises pour que la monétisation de la dette soit mise en œuvre efficacement, nous avons une idée de quelles économies asiatiques pourraient théoriquement recourir à la monétisation de la dette. Les économies de la région Asie-Pacifique affichant en permanence un excédent extérieur et un excédent du secteur privé national en plus d’un déficit budgétaire incluent le Japon, la Chine, la Thaïlande et la Malaisie; cependant, nous pensons que la Chine commence à manquer de marge de manœuvre en matière de politique. Parallèlement, il est probable que si la Thaïlande et la Malaisie cherchaient activement à monétiser leur dette, cela pourrait causer un malaise parmi les investisseurs.
Par ailleurs, plusieurs économies de la région affichent un déficit extérieur et un déficit budgétaire persistants et la monétisation de la dette ne serait pas pour elles une option viable : l’Australie, l’Inde, l’Indonésie, la Nouvelle-Zélande et les Philippines. Taïwan, Hong Kong et Singapour ne sont pas en mesure de recourir à une politique de monétisation de la dette, en raison de leurs taux de change administrés. Cela dit, certaines économies qui, en théorie, ne devraient pas recourir à la monétisation de la dette se sont engagées dans cette voie (p. ex., l’Indonésie et les Philippines) ou ont indiqué ne pas y être opposées (la Nouvelle-Zélande).
Incidence sur les placements
Si le financement par emprunt des dépenses budgétaires était non seulement inévitable, mais de plus en plus prépondérant au sein de l’économie mondiale, quelles seraient les implications pour les investisseurs? Dans le sommaire qui suit, nous exposons ce qui selon nous risquerait de se produire ainsi que les répercussions probables sur les placements sur différentes périodes.
Périodes | Principaux thèmes macroéconomiques |
Répercussions sur les placements |
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Court terme : prochains six à neuf mois |
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De moyen à long terme : de six mois à cinq ans |
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Conclusion
Il ne fait aucun doute que le débat sur la question de savoir si la monétisation de la dette fonctionne et si elle constitue une réelle option va se poursuivre. Pour ce qui est du premier point, il est probablement qu’il faudra des années avant de pourvoir tirer des conclusions claires. En ce qui a trait au deuxième point, nous croyons que certains pays ont déjà décidé de s’engager dans cette voie – comme nous l’avons mentionné plus tôt, l’adoption plus générale de la monétisation directe de la dette semble inévitable. Cela dit, nous croyons qu’il serait risqué à moyen terme de s’en servir comme outil de politique, une fois l’urgence passée.
Renseignements importants
Une crise généralisée dans le secteur de la santé, comme une pandémie mondiale, pourrait entraîner une forte volatilité des marchés, la suspension et la fermeture des opérations de change, et affecter le rendement du portefeuille. Le nouveau coronavirus (COVID-19) perturbe ainsi considérablement les activités commerciales à l’échelle mondiale. Les répercussions d’une crise sanitaire, ainsi que d’autres épidémies et pandémies susceptibles de survenir à l’avenir, pourraient avoir des conséquences sur l’économie mondiale qui ne sont pas nécessairement prévisibles à l’heure actuelle. Une crise sanitaire peut exacerber d’autres risques politiques, sociaux et économiques préexistants. Cela pourrait nuire au rendement du portefeuille, ce qui entraînerait des pertes sur votre placement.
Les placements comportent des risques, y compris le risque de perte du capital. Les marchés des capitaux sont volatils et peuvent considérablement fluctuer sous l’influence d’événements liés aux sociétés, aux secteurs, à la politique, à la réglementation, au marché ou à l’économie. Ces risques sont amplifiés dans le cas des placements effectués dans les marchés émergents. Le risque de change s’entend du risque que la fluctuation des taux de change ait un effet négatif sur la valeur des placements détenus dans un portefeuille.
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