La decision de la Fed en matière de taux : ce n’est pas si surprenant, mais quelle est la voie à suivre?

Au cours des derniers jours, le positionnement du marché s’était déjà orienté vers la perspective d’une réduction de 50 points de base à l’issue de la réunion de septembre de la Fed, alors que divers membres éminents (et pour la plupart, bien informés) de la presse financière ont commencé à suggérer qu’il s’agissait en fait, probablement, d’un appel beaucoup plus proche que la réduction consensuelle de 25 points de base qui avait été intégrée aux marchés à la suite de l’impression de l’inflation de l’IPC de la semaine dernière. 

Le dernier résumé des projections économiques (SEP) de la Fed était largement inutile

Voici ce que nous retenons du dernier SEP de la Fed, publié hier :

• Le graphique à points de la Fed, qui résume où la Banque centrale s’attend à ce que son taux directeur ait tendance à aller de l’avant, se lit en fait comme quelque peu belliciste, du moins par rapport au positionnement actuel du marché. La Fed prévoit 50 points de base de réduction de taux d’ici la fin de 2024, ce qui suppose un cycle d’assouplissement plus lent lors de ses deux dernières réunions de l’année. L’éventail des résultats possibles fournis par les prévisionnistes de la Fed renforce ce point de vue, suggérant que moins de 50 points de base serait le scénario le plus probable suivant. L’attente d’un assouplissement de 100 points de base en 2025 est restée inchangée, tandis que deux réductions de taux supplémentaires (qui porteraient le taux des fonds fédéraux à 3 %) sont maintenant intégrées en 2026. Bien que nous soyons d’accord avec la destination, nous nous attendons à ce que le voyage de la Fed là-bas soit plus rapide.
• Le reste des prévisions dans la fourchette des résultats potentiels semblent presque avoir été calibrées pour donner à la Fed un maximum de choix et de flexibilité dans son processus de prise de décision : toutes ont été caractérisées par un profil d’inflation plus bénin, une croissance du PIB semblable à une tendance et un taux de chômage plus élevé signalant un refroidissement progressif, mais en aucun cas alarmant, du marché du travail. 
  

La déclaration d’après-réunion et la conférence de presse de la Fed étaient plus révélatrices

Nous tournons plutôt notre attention vers la déclaration et la conférence de presse d’après-réunion du FOMC. Depuis le discours du président de la Fed, M. Powell, à Jackson Hole, on s’est clairement éloigné du fait que la Fed se concentrait uniquement sur la réduction de l’inflation, pour mettre à nouveau l’accent sur l’autre partie de son double mandat : le plein emploi [RA1] (c.-à-d. un marché du travail sain). Le FOMC a essentiellement codifié ce changement dans la déclaration d’hier, ajoutant la ligne : « Le Comité est fermement engagé à soutenir l’emploi maximum et à ramener l’inflation à son objectif de 2 %. »

Depuis le discours du président de la Fed, Powell, à Jackson Hole, il y a eu un mouvement clair de la Fed, qui était purement axée sur la réduction de l'inflation, vers une réaffirmation de l'autre partie de son double mandat : le plein emploi.

À notre avis,  cet ajout laisse supposer que, bien que les perspectives de base font entrevoir un assouplissement progressif de la politique monétaire, il semble y avoir une barre basse pour que la Fed agisse de manière plus audacieuse dans la réduction des taux que ce qui est télégraphié au moment d’écrire ces lignes. 

L’ampleur et la forme de ce cycle d’assouplissement dépendent de la question de savoir si nous voyons des surprises à la baisse sur le marché du travail et les données des consommateurs

Nous soupçonnons que de telles craintes pourraient effectivement se réaliser dans les mois à venir. Si l’économie américaine se refroidit – et nous maintenons qu’elle le fera probablement – il pourrait y avoir des moments futurs où certaines des données économiques surprendront à la baisse, ce qui pourrait déclencher une réaction politique plus audacieuse de la part de la Fed. Par conséquent, nous nous attendons actuellement à un nouvel assouplissement de 75 points de base, ce qui porterait le taux des fonds fédéraux à 4,25 % d’ici la fin de 2024. En ce qui concerne 2025, nous prévoyons maintenant que le taux directeur atteindra 3 % avant la fin de l’année; nous avions déjà demandé que le taux des fonds fédéraux atteigne notre estimation de neutre en quelques trimestres en 2026. 

Alors, la Fed a enfin entrepris un assouplissement — et maintenant?

Nous voyons trois thèmes importants qui méritent d’être soulignés maintenant que le cycle d’assouplissement de la Fed est enfin en cours :

1. Les publications de données sur le marché du travail seront probablement des événements volatils pour les marchés financiers. Les investisseurs évalueront la forme de l’assouplissement à venir en fonction des principales publications du marché du travail, telles que les salaires non agricoles, l’enquête sur les offres d’emploi et le roulement de la main-d’œuvre (JOLTS) et les demandes de chômage. Les indicateurs de la confiance des consommateurs, comme les ventes au détail, sont un autre point chaud potentiel à surveiller.
2. Tant que l’économie américaine tient le pas, une politique monétaire plus facile sous la forme de taux plus bas favorise généralement les actifs d’investissement plus risqués, malgré la volatilité à court terme. Bien que nous nous attendions à ce que l’économie se refroidisse, nous reconnaissons également que plus la Fed avance le long de la trajectoire du cycle d’assouplissement avant de voir des signes de faiblesse économique, plus la piste d’atterrissage pour cet atterrissage en douceur insaisissable s’allonge.
3. De toute évidence, cette réunion de la Fed et ses effets d’entraînement potentiels ne concernent pas seulement les États-Unis. D’autres banques centrales mondiales, en particulier celles des marchés émergents, se sentiront probablement maintenant plus à l’aise de poursuivre leurs propres cycles d’assouplissement, la Fed ayant également fait un pas définitif dans cette direction. Rappelons qu’au premier semestre de 2024, un environnement de croissance forte et à forte inflation de courte durée a effectivement fait en sorte que les baisses de taux de la Fed ont été suspendues pour le reste de l’année, ce qui a fait grimper le dollar américain et forcé les cycles d’assouplissement issus d’autres banques centrales à faire une pause. La Banque d’Indonésie en a été un bon exemple, ayant déjà réduit son taux directeur en prévision de la réduction prochaine de son taux par la Fed.