Revue du marché immobilier commercial canadien au premier trimestre et perspectives

Lorsque l’année a commencé, les perspectives n’étaient pas encourageantes : la croissance mondiale menaçait de caler au premier semestre. Toutefois, elle s’est accélérée au deuxième semestre. Même si les données indiquent que la situation économique s’améliore – les créations d’emplois ont atteint 259 000 en février, après 266 000 emplois perdus au cours des deux mois précédents –, la crainte d’une récession à double creux persiste et l’incertitude entourant l’inflation assombrit nos perspectives. Malgré tout, la forte amélioration de l’emploi en février au Canada – le taux de chômage (8,2 %¹) est tombé à son plus bas depuis mars 2020 – pourrait offrir une lueur d’espoir.

Malgré cette ambiguïté économique, plusieurs facteurs suggèrent que la deuxième moitié de 2021 pourrait se révéler meilleure que prévu. Le gouvernement canadien ne vaccine plus uniquement le personnel médical, mais également les personnes appartenant aux tranches d’âge les plus âgées, et affirme que tous les Canadiens auront la possibilité de se faire vacciner d’ici septembre. D’autre part, grâce en partie à la forte demande sur le marché de l’habitation et à la hausse des prix des produits de base, le PIB réel a progressé de 2,3 % au quatrième trimestre. De leur côté, les marchés boursiers ont reçu, à juste titre, beaucoup d’attention, car leur décalage par rapport à l’ensemble de l’économie n’a jamais semblé plus évident, l’indice composé S&P/TSX inscrivant un nouveau record au premier trimestre de 2021.

Après de longues discussions sur la forme que prendrait la reprise, nous avons opté – comme le consensus – pour une reprise en forme de K, car nous anticipons une reprise inégale, le commerce mondial et la fabrication progressant vers leur niveau d’avant la pandémie, tandis que le secteur des services accusera un retard jusqu’au deuxième semestre de l’année. La Banque du Canada a adopté une politique monétaire expansionniste musclée pour protéger l’économie du ralentissement mondial, ce qui semble avoir atténué le coup porté. Les principaux taux directeurs resteront probablement inchangés jusqu’à ce que la capacité excédentaire soit entièrement absorbée, ce qui, selon les dernières prévisions de la Banque du Canada, ne se produira pas avant 2023.

Emploi au Canada

Les marchés de l’investissement ont fait preuve de ténacité pour renouer avec la prospérité, le choc initial et l’incertitude découlant de la pandémie semblant s’estomper parallèlement à l’augmentation de la disponibilité des vaccins. L’investissement dans les cinq plus grands marchés du Canada, à l’exception de Montréal, a rebondi au quatrième trimestre, les transactions totalisant 5,5 milliards de dollars, soit une augmentation de 39,5 % par rapport au troisième trimestre. Cependant, bien que les résultats du quatrième trimestre démontrent un regain d’optimisme de la part des investisseurs et l’accélération de l’activité, les transactions conclues en 2020 affichaient une baisse de 34,5 % sur 12 mois, totalisant 17,7 milliards de dollars pour l’année.² On ne peut ignorer l’incertitude entourant l’avenir de la COVID-19; toutefois, le ralentissement économique actuel se distingue de la grande crise financière par le fait que la disponibilité du capital n’est pas un problème et la faiblesse exceptionnelle des taux d’intérêt pourrait donner des ailes aux investisseurs lorsque leur confiance se stabilisera.

Comme ce fut le cas au cours des trois derniers trimestres de l’année, le revenu net d’exploitation de l’indice MSCI REALPAC Property a continué de baisser, le rendement annuel des propriétés diminuant de 4,1 % en 2020 – la première baisse annuelle depuis les répercussions de la grande crise financière. Investir dans l’immobilier commercial canadien demeure néanmoins une occasion intéressante, et compte tenu de la faiblesse à long terme des taux d’intérêt, nous nous attendons à ce que les investisseurs retrouvent leur optimisme à mesure que l’économie se redresse. Les fondamentaux sains de l’offre et de la demande, l’écart positif entre les taux de capitalisation et les taux des obligations à long terme, ainsi que la stabilité du revenu et du capital à long terme comptent parmi les avantages dont les investisseurs peuvent bénéficier en investissant dans l’immobilier commercial canadien.

Transactions sur le marché immobilier commercial canadien ($)

La demande de bureaux continue de dégringoler, la fermeture de certaines entreprises et la généralisation du télétravail depuis le début de la pandémie ayant amené les occupants à reporter leur décision concernant la location de bureaux. L’absorption nette de bureaux à l’échelle nationale poursuit sa tendance négative : elle était de -4,0 millions de pieds carrés (pi²) au premier trimestre, ce qui constitue toutefois une amélioration par rapport au trimestre précédent, où l’absorption nette était tombée à un creux record de -5,8 millions de pi². La pandémie a effacé deux années d’absorption, en raison de la forte baisse de l’absorption à l’échelle nationale qui est passée de 16,4 millions de pi² entre le premier trimestre de 2018 et le premier trimestre de 2020 à -15,5 millions de pieds carrés entre le deuxième trimestre de 2020 et le premier trimestre de 2021. Les marchés des immeubles de bureaux de banlieue se sont légèrement mieux comportés au cours de l’année avec un taux d’absorption de -1,2 %, tandis que celui des marchés du centre-ville a été de 2,2 %.³

La pandémie n’a pas causé les mêmes perturbations de l’activité dans tous les secteurs. Le nombre d’emplois dans les services professionnels, scientifiques et techniques a augmenté de 5,6 % sur 12 mois en février par rapport aux sommets atteints avant la pandémie, la majorité des créations d’emploi étant concentrées en Ontario et en Colombie-Britannique dans le segment des systèmes informatiques et d’information.

La vigueur des données fondamentales devrait soutenir la demande de bureaux, comme cela s’est déjà produit en réaction à des replis antérieurs. Comme la concurrence pour attirer les professionnels qualifiés est forte à l’échelle mondiale, malgré la pandémie, la position progressive du Canada à l’égard de l’immigration est un avantage concurrentiel pour les nombreuses entreprises qui cherchent à attirer les travailleurs étrangers hautement qualifiés et rares.

Alors que la température se réchauffe et que la plupart des Canadiens ont accès aux vaccins, on espère que les employés retourneront bientôt au bureau; cependant, le temps est un problème, puisque la plupart des employeurs ont promis de donner un long préavis avant de rappeler le personnel. L’idée d’assouplir les conditions de travail a aussi gagné en popularité, mais à mesure que les employés se lassent du télétravail, certains d’entre eux pourraient être impatients de revenir au bureau pour une journée de travail « normale » comme avant la pandémie. Bien que la pandémie ait certainement perturbé l’utilisation traditionnelle des bureaux à court terme, les priorités comme instiller une culture d’entreprise et attirer les meilleurs talents sont sans aucun doute plus facilement mises en œuvre dans un environnement collaboratif qui favorise le transfert des connaissances. Même avec les outils virtuels à notre disposition, cette expérience ne peut pas être reproduite dans un sous-sol ou à la table de cuisine. Le sentiment dominant est que l’avenir du travail au bureau est flexible, mais les employés voudront probablement plus d’espace, ce qui fera augmenter la superficie par employé – un virage important par rapport à la tendance des dernières décennies qui privilégiait des bureaux plus denses et à aire ouverte.

Offre et demande de bureaux

Les marchés de l’immobilier industriel continuent de dépasser les attentes, affichant une résilience impressionnante face à la crise mondiale actuelle. La demande de locaux industriels a résisté à l’incertitude et a augmenté partout au Canada : le taux d’absorption net national au premier trimestre a été le troisième plus élevé, derrière le troisième trimestre de 2018 et le quatrième trimestre de 2005. La demande ne devrait pas ralentir de sitôt, et même certains des marchés du Canada ayant connu le plus de difficulté ont suivi la tendance, Calgary en tête, représentant près de 20 % de l’absorption trimestrielle à l’échelle nationale.

Au début de la pandémie, l’immobilier industriel était déjà en pleine effervescence : la demande provenant des locataires des segments de la logistique et de l’entreposage ne pouvait être satisfaite, car les conditions du marché étaient déjà tendues. Des entrepôts de grande surface aux centres de traitement de proximité, les locataires de toutes tailles ont ratissé leur marché local pour trouver des installations proches de leurs employés et de leurs clients. Toutefois, en raison de la baisse de la disponibilité des locaux industriels et de l’élargissement des zones de recherche, la plupart ont été laissées en plan. La pandémie n’a fait qu’exacerber cette situation, les taux d’inoccupation continuant de chuter vers des creux records, tandis que les loyers ont bondi de 8,6 % à l’échelle nationale en 2020.

L’offre, une donnée fondamentale retardée, n’a pas été en mesure de suivre l’augmentation de la demande : La construction demeure faible dans les principaux marchés au Canada, car elle représente 1,4 % du parc immobilier existant par rapport une moyenne de 2,2 % aux États-Unis.⁴ Cette faible réponse de l’offre va probablement améliorer les futures données fondamentales, car l’augmentation prévue des surfaces industrielles – que les sociétés du commerce électronique en expansion rapide rechercheront – devrait s’accélérer avec l’expansion du commerce en ligne. Cet écart entre l’offre et de la demande, combinée à une transition fondamentale vers une économie numérique, devrait être le moteur sous-jacent des marchés immobiliers industriels à l’échelle nationale.

Offre et demande de bâtiments industriels

La distanciation sociale et les mesures strictes de confinement ont considérablement nui au secteur des immeubles commerciaux, bien que tous les commerces de détail n’aient pas subi les mêmes répercussions. Les épiceries et les pharmacies s’en sont bien tiré, car leur statut de commerce essentiel leur a permis de rester ouvertes. La demande de matériaux de construction et de produits de jardinage devrait rester forte cet été, les propriétaires continuant de se concentrer sur leur maison et leur cour. Les centres commerciaux intérieurs, traditionnellement parmi les commerces de détail les plus désirables, restent sur la touche, car les acheteurs tentent d’éviter les foules; cependant, un indicateur positif de la santé du secteur est l’amélioration du taux de perception des loyers depuis le choc initial du printemps 2020. Le taux d’inoccupation des centres commerciaux pourrait s’être stabilisé, la moyenne des marchés canadiens demeurant inchangée par rapport au premier trimestre de 2020, après avoir été très volatil au cours des trois derniers trimestres de 2020.

Les marchés du commerce de détail ont souffert tout au long de l’année 2020 à l’échelle nationale, en raison de la pandémie qui a paralysé la circulation piétonnière et des restrictions visant à limiter la propagation du virus. Avec la maîtrise de la pandémie, les ventes au détail, en particulier celles des services discrétionnaires, devraient connaître une forte hausse, car les consommateurs et les entreprises vont chercher à dépenser les liquidités excédentaires records qui dorment dans les comptes bancaires. Cette situation stimulera les ventes au détail partout au Canada.

Il est probable qu’à long terme, le commerce électronique continuera d’empiéter sur les magasins de détail, même si la transition vers le commerce électronique se déroulera à un rythme modéré en raison des goulots d’étranglement de l’infrastructure logistique, notamment : l’espace d’entreposage moderne à proximité des centres urbains et les investissements nécessaires pour moderniser les systèmes de livraison et de gestion des stocks. La pandémie a accéléré un changement structurel du magasinage des consommateurs, car les restrictions imposées par le gouvernement ont réduit ou mis fin au magasinage en personne, poussant les consommateurs en ligne. Alors que les consommateurs ont acheté de plus en plus de produits en ligne, les entreprises ont multiplié la publicité en ligne, ce qui a eu pour effet d’engorger le marché, rendant les consommateurs encore plus difficiles à atteindre et augmentant les coûts pour attirer les clients en ligne. En date de janvier 2021, les ventes en ligne ne représentaient toujours que 7,8 % du commerce de détail, suggérant que l’avenir de ce dernier reste dans les magasins, mais les détaillants qui accordent la priorité à la conception de leurs magasins et à l’élargissement de leur présence en ligne devraient mener la reprise.

Taux d’inoccupation des immeubles à vocation commerciale à l’échelle nationale, par secteur, quatrième trimestre 2021

L’immobilier multirésidentiel a connu une période faste durant la pandémie, affichant stabilité et résilience malgré l’important recul de l’emploi qui aurait pu lourdement peser sur le secteur. Les programmes gouvernementaux visant à aider les personnes les plus touchées par la pandémie ont encouragé les bénéficiaires à utiliser ces prestations pour payer leur loyer, un autre signe positif de la solidité de cette catégorie d’actif. Les unités du centre-ville, surtout celles situées à Toronto et à Vancouver, ont vu leur loyer baissé, car les restrictions concernant la location à court terme ont entraîné une vague de nouveaux logements sur le marché. Cependant, ces unités de plus petite taille se sont révélées moins attirantes dans le contexte actuel où le télétravail est prépondérant et de nombreux locataires ont cherché a avoir plus d’espace. Cela les a amenés à troquer leur résidence au centre-ville pour une résidence de plus grande taille située plus loin du centre-ville et dans des secteurs offrant un meilleur accès aux espaces extérieurs.

Les programmes gouvernementaux comme la Prestation canadienne d’urgence (PCU) ont permis de maintenir la stabilité du taux de perception des loyers en 2020. Cette tendance persistera probablement, car le gouvernement canadien a lancé une prestation semblable à la PCU : la Prestation canadienne de la relance économique, qui est offerte jusqu’à la fin du troisième trimestre de 2021.

Les perspectives des marchés de la location d’immeubles à logements multiples sont plus équilibrées en 2021, alors que le choc initial déclenché par la pandémie s’est estompé au cours de l’année dernière et que les programmes gouvernementaux ont aidé les locataires à rester à flot. Dès le début, la limitation de l’immigration attribuable aux restrictions à la frontière a entravé la location. Cette situation semble toutefois de courte durée, étant donné que le gouvernement s’est à nouveau engagé à accueillir 1,2 million de nouveaux résidents permanents supplémentaires d’ici la fin de 2023, pour compenser la diminution observée en 2020. En 2020, la demande de logements à louer a également baissé, car les cours des programmes d’études postsecondaires ont été donnés en ligne; cependant, cette tendance devrait s’inverser, car la vaccination sera prochainement offerte aux groupes démographiques plus jeunes et les étudiants devraient revenir à l’école en présentiel à l’automne 2021.

Il ne fait aucun doute que le marché canadien de l’habitation a été malmené en 2020, et le consensus tablait sur l’effondrement des prix de l’immobilier résidentiel. Toutefois, contre toute attente, le prix moyen des habitations continue d’augmenter partout au Canada, affichant une hausse de 25 % sur 12 mois en février de cette année. Cette tendance devrait se poursuivre tout au long de l’année, car nous approchons de la période printanière pendant laquelle le marché connaît en général une forte activité, d’autant que la Banque du Canada a indiqué que les taux d’intérêt devraient rester faibles dans un avenir prévisible. Les conditions restent particulièrement difficiles pour les acheteurs d’une première maison, ce qui en fin de compte obligera un plus grand nombre de personnes à rester dans le marché locatif.

Offre et demande sur le marché de l’immobilier multirésidentiel

1 « Enquête sur la population active », Statistique Canada, février 2021. 2 CoStar, au 5 avril 2021. 3 CBRE Recherche, au premier trimestre de 2021. 4 Perspectives sur le marché de l’immobilier au Canada en 2021, CBRE, premier trimestre de 2021.