COP28 à Dubaï : des résultats et des engagements partagés à l’égard des marchés mondiaux du carbone

Parallèlement à d’autres annonces récentes, la Conférence des Nations unies sur le changement climatique de 2023 (COP28) s’est penchée sur la normalisation du marché international du carbone et a mis l’accent sur la qualité, de nombreux dirigeants mondiaux ayant reconnu l’importance des marchés du carbone dans l’atteinte des objectifs climatiques mondiaux. Les négociations concernant l’article 6 sur les règles internationales régissant l’échange de crédits de carbone ont toutefois été interrompues, faisant en sorte que le monde devra attendre au moins un an avant d’obtenir des précisions sur ces importants mécanismes de coopération internationale. Malgré les obstacles liés à la COP, le marché volontaire du carbone (MVC) demeure un outil crucial susceptible de faciliter les réductions d’émissions pendant que le monde mène des négociations internationales difficiles, mais nécessaires.

Les chaînes d’approvisionnement de compensation de carbone apportent une coopération accrue

Mis à part les événements litigieux et les impasses, la COP28 s’est terminée par des annonces retentissantes et des avancées progressives qui pourront contribuer à maintenir le réchauffement climatique en dessous de la barre de 1,5 °C. Parmi les réalisations notables, notons :

• Le premier bilan mondial des progrès réalisés à l’échelle nationale par rapport aux objectifs de l’Accord de Paris (article en anglais seulement)
• L’approbation d’un fonds de compensation des pertes et dommages pour indemniser les personnes les plus touchées par les changements climatiques
• Des milliards de dollars pour de nouveaux engagements visant à lutter contre les changements climatiques
• La reconnaissance selon laquelle le monde doit effectuer une transition et abandonner les combustibles fossiles (même si elle est moins ambitieuse que la formule de « réduction progressive » préconisée par de nombreux partis)
• Un accent plus marqué à l’égard du déploiement des énergies renouvelables

Les annonces faites dans le cadre de la COP28 suggèrent que 2024 pourrait être une année plus prometteuse pour le MVC, même si certains enjeux concernant ce dernier restent à résoudre. Les principaux organismes chargés de définir le cadre de carboneutralité, d’offre, de demande et de comptabilisation – dont l’initiative Science Based Targets, l’Integrity Council for the Voluntary Carbon Markets (ICVCM), la Voluntary Carbon Markets Initiative (VCMI), le Climate Disclosure Project, le Greenhouse Gas Protocol et la We Mean Business Coalition – ont annoncé des efforts de coopération visant à fournir une orientation sur l’intégrité de bout en bout (article en anglais seulement) couvrant l’ensemble de la chaîne d’approvisionnement de compensation de carbone. Cette coordination entre les organismes de normalisation contribuera à simplifier l’écosystème complexe du marché du carbone et peut se traduire par une transparence et une confiance accrues au sein du MVC. Ces groupes ont déjà commencé à comparer leurs orientations, comme en témoigne l’accent mis par la VCMI sur l’achat de crédits de carbone de haute qualité faisant appel à des registres et à des méthodologies accrédités aux termes des Principes fondamentaux du carbone de l’ICVCM. Nous prévoyons que la mise en œuvre de ces efforts coordonnés s’accélérera au début de l’année 2024, ce qui favorisera vraisemblablement la croissance continue du MVC.

La VCMI élargit sa définition concernant les crédits de carbone à haute intégrité

En ce qui concerne la demande, la VCMI a annoncé l’élargissement de son Code de déclarations, qui définit des lignes directrices pour les acheteurs de crédits de carbone à haute intégrité. La VCMI a expliqué en détail comment les crédits de carbone de haute qualité peuvent contribuer aux activités d’atténuation des entreprises au-delà de la chaîne de valeur, en incluant spécifiquement les émissions évitées et les crédits d’élimination dans ses critères d’admissibilité. La VCMI a également élargi ses niveaux argent, or et platine pour les acheteurs de crédit afin d’y inclure une souplesse pour les déclarations d’émissions de portée 3 (document en anglais seulement) comme point d’entrée pour les acheteurs afin qu’ils adhèrent par la suite aux principes d’intégrité plus rigoureux de la VCMI. Nous pensons que ces lignes directrices plus précises et plus complètes de la VCMI réduiront encore l’incertitude sur le marché et pourraient favoriser une demande accrue du MVC.

Toujours sur le thème de la simplification et de la coordination, une autre nouvelle initiative annoncée lors de la COP28 est la collaboration entre six grands registres de compensation de carbone qui ont été approuvés pour la mise en œuvre de la phase pilote du Régime de compensation et de réduction du carbone pour l’aviation internationale¹.

Plus précisément, les registres se sont engagés à effectuer ceci :

1. Continuer à apprendre les uns des autres
2. Continuer à soutenir une évaluation indépendante et rigoureuse de leurs programmes
3. S’efforcer d’aligner leurs certifications sur des principes communs de quantification et de comptabilisation
4. Mettre en œuvre des mesures qui visent à prolonger la durabilité des stocks de carbone, comme les mécanismes d’assurance
5. Promouvoir l’utilisation d’indicateurs robustes et pragmatiques pour le partage des avantages et les garanties
6. Cibler et encourager la divulgation de renseignements sur l’utilisation des crédits
7. Accroître la mise à disposition de flux financiers aux pays en développement (article en anglais seulement)

La collaboration entre les registres permet d’améliorer la permutabilité des règles et la cohérence des normes ainsi que de faciliter la comparaison entre des protocoles historiquement fragmentés. Par ailleurs, au cours des derniers mois, chaque registre a demandé indépendamment à être évalué aux termes des Principes fondamentaux du carbone de l’ICVCM, lesquels constituent des normes de qualité minimales. À notre avis, la collaboration entre les registres signifie un redoublement d’efforts par rapport à leur engagement en faveur d’une intégrité et d’une rigueur accrues dans le MVC.

La route vers la réduction des risques et de l’incertitude sur les marchés internationaux du carbone

L’impasse concernant l’article 6 représente un revers majeur dans la définition d’un marché réglementaire mondial du carbone et d’un successeur au mécanisme pour un développement propre (article 6.4) et aux transferts bilatéraux des crédits de carbone (article 6.2). L’absence de progrès lors de la COP28 retarde la clarification de ces règles et mécanismes au moins jusqu’à la COP29 prévue en décembre 2024 et risque d’entraver l’afflux d’engagements financiers plus ambitieux pour lutter contre les changements climatiques. Deux enjeux ont fait échouer les négociations sur l’article 6.2 : la possibilité pour les pays de révoquer l’autorisation de l’échange des crédits de carbone, ce qui créerait une incertitude et un risque considérables sur les marchés internationaux du carbone, et les règles régissant la déclaration et la transparence. Malgré ces obstacles – espérons-le temporaires –, l’influence du MVC lors des discussions relatives à l’article 6 a été manifeste, les réductions ayant fait l’objet d’une attention particulière et sans précédent.

Malgré les obstacles rencontrés par la COP pour mettre en œuvre l’article 6, le MVC demeure un outil inestimable qui contribue à faciliter l’obtention de résultats en matière de climat, à mesure que sont précisées les politiques internationales. Collectivement, notre monde peut s’attaquer au réchauffement climatique par des réductions d’émissions réelles, supplémentaires et permanentes. La coordination des négociations et des politiques transfrontalières est essentielle pour garantir l’intégrité des réductions d’émissions et veiller à accroître l’adhésion à la comptabilisation climatique. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre que près de 200 nations parviennent à un accord précis sur l’intensification d’une action climatique ambitieuse. En bref, 2024 est une occasion unique d’accélérer les marchés mondiaux du carbone, profitant d’une collaboration accrue entre les parties prenantes, d’une plus grande précision des cadres de gouvernance et d’une réduction de l’incertitude.