Placements dans les terrains forestiers exploitables avec Gestion de placements Manuvie
Comment les approches et les stratégies en matière de placements durables dans les terrains forestiers ont-elles évolué au fil des ans? Quelles nouvelles possibilités et quels avantages connexes s’ajoutent à la stabilité et à la résilience offertes par ces actifs?
Dans le dernier épisode de son balado, Michael Strzelecki, CFA et directeur général des Relations avec les investisseurs du secteur des terrains forestiers, et Nimar Bangash, CAIA, PDG et cofondateur d’Obsiidoa, échangent sur le contexte actuel des placements dans les terrains forestiers exploitables.
« Les terrains forestiers exploités de manière durable occupent une position tout à fait unique et offrent des solutions fondées sur la nature facilement accessibles qui peuvent faire l’objet de placements à grande échelle. »
Transcript
Nimar Bangash (00:02)
Bonjour, je m’appelle Nimar. Je suis le PDG d’Obsiido, la plateforme de placement alternatif. Bienvenue dans cette nouvelle série de balados qui propose un bref tour d’horizon des différentes catégories d’actifs dans les placements alternatifs. Aujourd’hui, nous discutons de placements dans le secteur forestier avec notre invité spécial, Michael Strzelecki, directeur général de l’Expansion des affaires et gestionnaire de portefeuille principal du secteur Terrains forestiers à Gestion de placements Manuvie. Bienvenue Michael. Merci de votre temps.
Mike Strzelecki (00:28)
Merci, c’est un plaisir d’être avec vous et j’apprécie l’invitation.
Nimar Bangash (00:32)
Tout le plaisir est pour moi. Je vais d’abord vous demander de vous présenter et de nous parler de Gestion de placements Manuvie. Pouvez-vous nous parler un peu de votre rôle, de votre entreprise et de la manière dont vous vous êtes retrouvé à travailler dans le secteur des terrains forestiers?
Mike Strzelecki (00:47)
Tout à fait. Comme vous l’avez mentionné, je suis gestionnaire de portefeuille principal et je fais également partie de l’équipe de la haute direction du secteur des terrains forestiers à Gestion de placements Manuvie. Je suis donc responsable de la formation de capital dans le cadre de la stratégie appliquée à nos fonds et à nos comptes en gestion distincte. Je reviendrai sur la plateforme un peu plus tard. Maintenant, comment est-ce que j’ai atterri dans le secteur des terrains forestiers? C’est un secteur vraiment niché.
J’ai commencé ma carrière à Merrill Lynch en tant qu’analyste en rotation. Ensuite, je me suis trouvé par hasard à couvrir le secteur des produits forestiers comme analyste des cours vendeurs des actions. C’était avant la crise financière mondiale. Vers 2009, j’ai commencé à travailler pour une société de placement spécialisée en terrains forestiers. J’ai donc eu l’occasion de quitter le volet des sociétés inscrites en bourse pour me concentrer sur le capital-investissement. Au début, j’occupais un poste d’analyste des acquisitions mais, comme il s’agissait d’une petite entreprise, j’ai porté bien des chapeaux, jusqu’à devenir associé et gestionnaire de portefeuille pour deux des grands fonds phares de la société. Enfin, en 2017, j’ai eu l’occasion de me joindre à Gestion de placements Manuvie, le plus grand gestionnaire de placements au monde dans le secteur forestier. Cela fait maintenant près de sept ans que j’y travaille1.
Nimar Bangash (02:25)
Parfait. Merci pour le contexte. J’aimerais vous entendre sur l’expertise en placements de Manuvie dans le domaine des actifs réels, étant donné que les terrains forestiers font partie de cet écosystème. Ou peut-être pourriez-vous parler de la plateforme de Manuvie pour les actifs réels? Ou, comme vous venez de le mentionner, du fait que c’est un acteur important du secteur des terrains forestiers?
Mike Strzelecki (02:47)
Pour vous donner un peu de contexte, la plateforme des terrains forestiers fait partie de Gestion de placements Manuvie, la branche de gestion de patrimoine et d’actifs de la Société Financière Manuvie. Comme les auditeurs le savent peut-être, c’est le plus grand fournisseur d’assurance au Canada et une société cotée en bourse. Au sein de Gestion de placements Manuvie, cette plateforme couvre environ 450 milliards de dollars, en comptant les marchés des sociétés ouvertes et privées. Les marchés privés se répartissent en deux secteurs verticaux. La stratégie relative aux terrains forestiers s’inscrit dans celui des actifs réels qui se composent de terres agricoles et d’actifs immobiliers et d’infrastructure. Au total, cela représente environ 50 milliards de dollars. L’autre secteur vertical des marchés privés est celui des actions de sociétés fermées et des titres de créance privés, qui représentent 25 milliards de dollars de plus.
Parlant de la plateforme des terrains forestiers, j’ai mentionné plus tôt que nous sommes le plus grand gestionnaire de placements dans les terrains forestiers au monde. On a près de 40 ans d’expérience et un actif géré d’environ 12 milliards de dollars américains aux États-Unis, au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Chili et au Brésil1. Nous nous spécialisons dans l’établissement et la gestion durable de portefeuilles diversifiés dans cette catégorie d’actifs pour le compte de nos clients. L’un des principaux éléments distinctifs de notre plateforme est le fait que nous avons une équipe d’exploitation intégrée verticalement. Nous employons donc un grand nombre de personnes dans le monde entier qui vivent et travaillent dans les collectivités où nous investissons. Cela donne une portée mondiale à notre stratégie et nous assure une présence et une expertise à l’échelle locale. Cette approche nous a permis de devenir les intendants de près de cinq millions et demi d’acres dans le monde. Et toutes ces terres sont certifiées conformes aux normes de développement durable d’organismes externes.
Nimar Bangash (04:55)
C’est bon à savoir. Cette intégration verticale en plus d’une présence locale, ça semble en effet très distinctif. J’imagine que c’est un élément d’apport de valeur important pour votre plateforme. On pourrait peut-être prendre un peu de recul, Michael, et revenir aux bases des placements forestiers. Comme vous l’avez souligné, c’est une catégorie d’actifs spécialisée peu connue pour de nombreux auditeurs de notre balado.
Pourriez-vous commencer par donner un aperçu des placements forestiers et des différentes approches ou stratégies associées à ce secteur?
Mike Strzelecki (05:32)
Volontiers. Profitons-en pour donner un petit cours d’histoire. Les placements forestiers institutionnels ont vraiment commencé dans les années 1980 à la suite d’une modification du code fiscal et du traitement des actifs forestiers aux États-Unis. Les grandes entreprises d’exploitation forestière intégrées verticalement ont ensuite commencé à revoir le rôle financier de leurs terres forestières dans leur bilan. Au cours des années suivantes, dans les années 90 et même dans la première moitié des années 2000, elles ont commencé à céder leurs terres forestières. D’autres entreprises en sont devenues propriétaires pour les transformer en placements institutionnels, de sorte que plusieurs investisseurs institutionnels se sont installés dans ce secteur depuis 20 ou 30 ans. Bon nombre d’entre eux sont encore nos clients. Notre équipe interne de recherche économique estime qu’à l’échelle mondiale, l’univers des placements forestiers représente environ 420 milliards, ce qui, rappelons-le, constitue une catégorie d’actifs spécialisée. C’est très peu par rapport à d’autres catégories d’actifs, n’est-ce pas?
En plus, elle est assez concentrée. D’après nos estimations, environ deux tiers de l’univers des placements se trouvent aux États-Unis, dont environ deux tiers dans le sud-est des États-Unis, principalement constitués de plantations de pins. Les placements forestiers impliquent généralement l’acquisition et la gestion de grandes forêts en exploitation, ainsi que de propriétés destinées à des projets potentiels d’aménagements verts, de boisement ou de reboisement. Les placements forestiers gérés de manière durable fournissent en fin de compte des éléments indispensables pour répondre à nos besoins élémentaires, comme les produits ligneux pour la construction de logements, ou les fibres pour l’emballage à base de papier ou les matériaux absorbants. Ils constituent donc une source tangible de produits que les investisseurs peuvent visualiser. En plus, les terrains forestiers offrent aux investisseurs un moyen de diversifier leur portefeuille. Ils présentent un long historique de rendement avantageux corrigé du risque et ont un impact environnemental et social positif lorsqu’ils sont gérés de manière durable.
Nimar Bangash (08:15)
Merci pour cette mise en contexte du secteur très utile. C’est bien sûr une matière première importante pour un grand nombre de produits essentiels consommés par les gens dans le monde entier. Continuons sur le sujet de la compréhension des placements forestiers et parlons un peu plus de la tarification ou de l’évaluation des possibilités de placement dans cet écosystème. Vous pouvez peut-être nous parler des façons dont Manuvie évalue les occasions dans ce secteur et de quelques facteurs clés de la tarification des terrains forestiers.
Mike Strzelecki (08:52)
Bien sûr. Comme je l’ai mentionné, nous possédons une longue expérience et une expertise dans l’évaluation et la gestion de ce type d’actifs. Notre processus s’appuie sur le travail de notre équipe interne de recherche économique composée d’économistes spécialisés en foresterie. Tout commence par la définition de l’univers des placements dont j’ai parlé plus tôt. L’équipe examine également les tendances de l’offre et de la demande et les prévisions de prix pour différents produits.
Nous avons également une équipe spécialisée dans le développement durable intégrée au processus de placement. Elle veille à ce que nous évaluions les risques et les facteurs ESG et que nous fassions un contrôle diligent sur le plan financier et des pratiques forestières quand nous étudions de nouvelles occasions de placement. L’équipe de l’acquisition recherche des occasions dans les processus de vente concurrentiels et a également fait ses preuves en étant à l’origine de transactions négociées de gré à gré. Enfin, nous cherchons à faire correspondre les occasions de placement aux objectifs des portefeuilles au nom desquels nous investissons. Cela peut vouloir dire qu’on étudie différents pays ou zones géographiques pour constituer des portefeuilles ou, encore, une exposition à différents produits ou marchés. Une fois que nous avons trouvé une occasion de placement, nous essayons de déterminer la valeur de la terre forestière. En général, les terres que nous évaluons n’ont pas de prix établi. Il n’y a pas d’échange avec un prix de vente et un prix d’achat comme c’est le cas sur d’autres marchés. Il faut donc évaluer les données sur l’inventaire forestier qu’un fournisseur pourrait fournir et mener notre propre analyse d’inventaire et des inspections de la propriété pour confirmer que le volume avancé par le vendeur est réel, dans la forêt et sur le terrain. Cela nous donne une base sur laquelle nous pouvons construire. On élabore ensuite des modèles de croissance et de rendement pour prévoir le volume que l’actif pourrait produire à long terme. Nous créons habituellement des modèles à long terme sur 50 ans qui optimisent le volume de bois sortant de la forêt et, par conséquent, les flux de trésorerie, une fois appliqués les prix et les coûts associés à ces volumes. Là encore, nous profitons de notre équipe intégrée verticalement et de notre capacité à tirer parti de nos connaissances concrètes de l’actif en temps réel pour dire « nous pouvons couper le volume X et le livrer au marché mais, en réalité, d’après notre expérience du marché local, nous pouvons seulement livrer le volume Y et ça va coûter A, B et C pour y arriver ». Il y a beaucoup d’éléments à prendre en compte et notre équipe sur le terrain nous permet de créer de la valeur, comme vous l’avez mentionné. Ensuite, quand nous élaborons notre modèle de flux de trésorerie sur 50 ans, nous appliquons une réduction en fonction des caractéristiques propres à cet actif. Nous examinons donc la situation au cas par cas. Nous disposons d’une matrice de risques exclusive que nous examinons pour chaque actif que nous évaluons. Nous examinons les risques liés aux marchés, au volume, à la croissance et au rendement, l’historique de volatilité des prix, le climat, et cetera, toutes sortes de risques associés à ce genre de placements sur un marché donné pour arriver à ce que nous estimons être le bon taux de rendement corrigé du risque. Nous appliquons ensuite ce modèle de flux de trésorerie sur 50 ans pour obtenir ce que nous estimons être la valeur de l’actif.
Nimar Bangash (13:03)
C’est une tâche complexe, d’après ce que j’ai compris, dans une large mesure à cause de la nature réelle de cette catégorie d’actifs, du travail à faire sur le terrain en termes d’évaluation, de visites et d’inventaire. Permettez-moi de m’écarter du script une seconde. Est-ce qu’il y a des cas où vous pourriez utiliser la technologie ou l’intelligence artificielle pour les tâches d’inventaire et de modélisation? Ou bien est-ce que la diligence raisonnable en vue d’une acquisition est encore largement l’affaire de vos équipes locales sur le terrain?
Mike Strzelecki (13:42)
Tout à fait. La technologie a joué un rôle majeur et a vraiment rehaussé la précision et l’exactitude de nos évaluations et de notre planification à long terme pour ces actifs. Par exemple, nous faisions historiquement l’inventaire du bois en déployant une équipe sur le terrain pour prendre des mesures, établir des parcelles dans la forêt, compter les arbres et les parcelles, et extrapoler les résultats sur les dizaines de milliers d’acres de terre. C’est ce qu’on a fait pendant des décennies. Plus récemment, nous avons pu faire des investissements et adopter une approche basée sur le LIDAR, où nous recueillons des données aériennes et les traitons avec nos modèles et outils pour obtenir une image détaillée de la forêt qui nous permet de compter chaque arbre qui s’y trouve. Nous passons donc d’une approche d’échantillonnage à un point de données plus précis.
Nimar Bangash (14:57)
Intéressant, c’est tout à fait logique. Et vous appliquez cette technologie de pointe pour obtenir des résultats beaucoup plus détaillés tout en économisant beaucoup de temps et d’argent, j’imagine. Enchaînons, si vous me le permettez, avec les raisons pour lesquelles les investisseurs devraient envisager d’allouer une partie de leur portefeuille aux terrains forestiers. Vous avez évoqué la longue histoire et le profil intéressant de cette catégorie d’actifs. Peut-être pourriez-vous approfondir les raisons, les avantages, les risques et certaines des caractéristiques de placement type des terrains forestiers sur le plan du rendement et des risques.
Mike Strzelecki (15:45)
J’ai mentionné tantôt que les terrains forestiers peuvent contribuer à la diversification des portefeuilles et, surtout, à la stabilité des portefeuilles des investisseurs. Il est établi qu’ils génèrent des rendements totaux assez avantageux de l’ordre de 5 à 9 %, avec une volatilité relativement inférieure à celle d’autres catégories d’actifs. Ainsi, l’ajout de terrains forestiers à un portefeuille peut fournir un rendement plus élevé pour un niveau de risque donné ou, à l’inverse, réduire le risque pour un niveau de rendement donné, ce qui augmente le ratio de Sharpe et contribue à optimiser le rendement corrigé du risque pour les investisseurs. J’ai mentionné le rendement total généralement composé d’environ un tiers de revenus et de deux tiers d’appréciation, généralement sans corrélation, voire avec une corrélation négative, avec d’autres catégories d’actifs. Cela nous ramène à la remarque que j’ai faite plus tôt sur la possibilité d’assurer la stabilité et la résilience des portefeuilles d’investissement, en particulier pendant les périodes de forte volatilité et d’incertitude. C’est ce que nous avons pu constater au cours de plusieurs cycles de marché.
Nimar Bangash (16:44)
Je vois.
Mike Strzelecki (17:13)
Un autre aspect important des placements forestiers est que, historiquement, il y a eu une corrélation positive avec l’inflation, particulièrement pendant les périodes de prix modérés à élevés comme celles que nous avons connues ces deux dernières années. Ils ont également pu servir de couverture contre l’inflation. Je vais m’arrêter là et voir s’il y a d’autres questions sur le sujet.
Nimar Bangash (17:39)
Merci. D’instinct, j’ai l’impression qu’une grande partie de ce que vous nous racontez a bien du sens. Je trouve intéressant de comprendre la répartition ou les aspects sous-jacents du rendement de cette catégorie d’actifs. Dans le même ordre d’idée, on commence à constater une certaine maturation du marché du carbone à l’échelle mondiale et vous avez des projets et des initiatives en cours pour trouver des moyens d’utiliser les terrains forestiers à d’autres fins économiques que la livraison de matière première. Pouvez-vous nous parler de certaines des sources de rendement à court terme en cours de mise en place pour les terrains forestiers? Compte tenu de la position de Manuvie sur ce marché comme premier investisseur mondial dans les terrains forestiers, j’imagine que vous êtes déjà impliqué dans cette évolution ou que vous l’avez étudiée en profondeur. Pouvez-vous commenter la situation?
Mike Strzelecki (18:40)
Bien sûr. Vous avez parfaitement raison. En plus des avantages traditionnels de la diversification des portefeuilles, les investisseurs s’intéressent de plus en plus aux terrains forestiers gérés de manière durable pour générer des impacts sociaux et environnementaux positifs et contribuer aux objectifs de développement durable, à l’atténuation des changements climatiques et à la lutte contre la perte de biodiversité. Ces tendances s’accompagnent de certaines occasions. Vous avez abordé la question du carbone. C’est un sujet qui évolue sur le marché depuis longtemps mais qui a récemment gagné en popularité. Il est au cœur des préoccupations en matière de placements forestiers. Effectivement, nous avons de l’expérience en gestion de projets liés au carbone pour le compte de nos clients dans les portefeuilles que nous gérons et nous pensons que cela représentera de plus en plus une source de revenu et de valeur à l’avenir. La catégorie d’actifs, comme je l’ai mentionné, est très bien placée pour servir de solution fondée sur la nature et nous pouvons donc gérer la forêt selon un spectre qui va de la production commerciale ou durable de bois à la séquestration du carbone. Comme vous pouvez l’imaginer, il y a un compromis à faire et nous devons comparer les avantages économiques du bois et du carbone. Mais lorsque nous approchons de l’extrémité « séquestration du carbone » du spectre, nous devons démontrer le concept d’additionnalité pour garantir la qualité et l’intégrité élevées des crédits de carbone que nous générons pour nous assurer qu’il y a un avantage climatique réel. Ainsi, nous augmentons les options en rapport avec la finalité et l’actif. Nous remarquons déjà des occasions dans ce sens sur certains marchés. Si le prix du carbone continue d’augmenter, comme beaucoup le pressentent, les options d’autres parties du portefeuille que nous gérons pour le compte de nos clients pourraient prendre de la valeur puisque, comme je l’ai mentionné, il faut évaluer le compromis entre l’économie du bois et celle du carbone. Le carbone n’est que l’une des nouvelles sources de valeur que nous observons. Nous remarquons également des occasions de créer des « banques » de mesures d’atténuation, que ce soit pour les zones humides ou la faune. Il y a aussi des occasions d’implantation d’énergies renouvelables comme l’énergie éolienne ou solaire, ainsi que des occasions de captage et de stockage souterrain du carbone. Ce qui s’est passé ces deux dernières années, et qui devrait continuer à se produire à moyen et long terme, c’est que la reconnaissance de ces sources supplémentaires d’apport de valeur a fait beaucoup de progrès à mesure que ces marchés se développaient et fournissaient de nouvelles sources de rendement pour les investisseurs.
Nimar Bangash (22:03)
Très intéressant. Poursuivons un instant sur le thème du développement durable et des changements climatiques. Compte tenu de la nature du secteur, il est évidemment exposé directement aux changements climatiques. Je pense à ce qu’on a vu récemment dans certaines parties du monde, par exemple les feux de forêt dévastateurs dans l’ouest du Canada. Comment tenez-vous compte des conséquences des changements climatiques sur les terrains forestiers, particulièrement en matière d’évaluation de ces actifs ou de leur utilisation à des fins différentes? Quelle est votre vision des changements climatiques?
Mike Strzelecki (22:41)
C’est l’une des principales questions que nous posent les investisseurs qui s’intéressent à ce secteur. Cette catégorie d’actif s’accompagne d’une liste longue comme le bras de risques susceptibles d’avoir une incidence sur leurs placements auxquels d’autres actifs de leur portefeuille ne sont pas nécessairement exposés. Le plus important est bien sûr le risque de feu de forêt, mais il y en a aussi beaucoup d’autres, comme les ouragans, le verglas, les ravageurs et les maladies. Étant donné qu’il s’agit d’un actif biologique naturel, il y a des risques inhérents qui sont tout à fait uniques à ces placements. Cela dit, nous avons réussi à bien gérer ces risques et à réduire les pertes qui en découlent à des niveaux pratiquement négligeables. Notre approche comporte trois volets.
En amont, il faut s’assurer de bien comprendre les risques associés à un terrain forestier donné avant de l’intégrer au portefeuille. Cela nous ramène à votre question sur les risques climatiques. Nous utilisons des outils de gestion des risques climatiques pour comprendre les risques de l’actif dans son état actuel ainsi que dans le cadre de divers scénarios de changements climatiques. Nous évaluons comment ces risques pourraient évoluer et notre capacité à les gérer efficacement à long terme. Si nous pensons que ce n’est pas le cas, nous n’intégrons pas cette occasion de placement au portefeuille de nos clients. Dans le cas contraire, nous cherchons à constituer un portefeuille diversifié. J’ai mentionné quelques-unes des zones géographiques dans lesquelles nous investissons. En général, nous ne nous attendons pas à ce qu’un seul événement lié aux risques ait une incidence sur un portefeuille diversifié à l’échelle mondiale. Cela contribue donc également à atténuer considérablement les risques. Enfin, si un risque menace de se produire, c’est là qu’avoir une équipe intégrée sur le terrain trouve toute son importance parce que nous sommes en mesure d’appréhender les ravages tôt et de réagir rapidement par des réponses appropriées. En cas de catastrophe naturelle, par exemple, nous sommes en mesure de réagir rapidement pour sauvegarder la valeur de l’actif et nous sommes souvent en mesure d’en récupérer plus de 50 %. Dans l’ensemble, nous suivons les pertes de tous ces types de risques à long terme depuis maintenant plus de 30 ans. En moyenne, nous avons constaté que la perte pour nos investisseurs, exprimée en pourcentage de la valeur des actifs, était de l’ordre de 10 à 12 points de base par an. Comme je l’ai mentionné, il est impossible d’éliminer complètement ces risques. Ils sont inhérents et naturels pour cette catégorie d’actifs. Néanmoins, nous avons très bien réussi à les atténuer de manière significative à long terme.
Nimar Bangash (26:07)
Ah, c’est bien d’avoir un chiffre pour quantifier l’incidence de ces risques sur le portefeuille, et 30 ans, c’est de toute évidence une assez longue période pour mener cette évaluation. C’est très intéressant. Poursuivons maintenant sur un angle différent et parlons de l’environnement économique actuel. Vous le savez, les taux d’intérêt ont été assez bas pendant longtemps, mais la situation générale du marché a changé. Dans certaines parties du monde, on observe maintenant une certaine modération de l’inflation et des taux d’intérêt, mais cela varie beaucoup. Le Canada, comme vous le savez, a réduit les taux deux fois au cours des deux derniers trimestres. Les États-Unis sont toujours en train d’étudier la question. D’autres régions du monde augmentent les taux d’intérêt. Pouvez-vous décrire la relation entre les placements dans le secteur forestier et les facteurs macroéconomiques? Comment cette catégorie d’actifs se positionne-t-elle par rapport à l’environnement économique actuel?
Mike Strzelecki (27:07)
D’après nos observations, l’incidence la plus importante de la forte hausse des taux d’intérêt sur le marché touche le logement et, plus particulièrement, l’accessibilité et la construction. Ainsi, aux États-Unis, les mises en chantier ont reculé par rapport aux sommets atteints pendant la pandémie de COVID. Cependant, ils sont encore beaucoup plus élevés par rapport au creux observé pendant la crise financière mondiale. En termes relatifs, le marché s’est donc montré beaucoup plus résilient. Du côté des produits finis du bois, les prix de produits comme le bois d’œuvre et les panneaux se sont emballés pendant la pandémie de COVID. Ils ont atteint de nouveaux sommets et ont depuis redescendu pour se stabiliser à des niveaux plus durables. Cela dit, dans les terrains forestiers que nous gérons et dans le prix des matières premières sous-jacentes, nous n’avons pas constaté le type de volatilité et de variation de la valeur propres à d’autres catégories d’actifs. En quelque sorte, les placements dans les terrains forestiers ont fait exactement ce qu’ils étaient censés faire pendant ce cycle de marché, c’est-à-dire ce que j’ai mentionné au début : assurer la stabilité et la résilience des portefeuilles d’investissement pendant une période de volatilité accrue. Les placements dans les terrains forestiers ont tendance à ne pas avoir recours à l’effet de levier, ou à n’y avoir recours que modestement. Selon moi, c’est un autre facteur qui a contribué à leur résilience pendant cette période de forte hausse des taux d’intérêt.
Nimar Bangash (28:49)
Génial.
Mike Strzelecki (29:00)
Pendant la même période, nous avons constaté une augmentation de la demande pour les placements dans le secteur forestier alors que l’offre restait relativement limitée. L’équilibre entre l’offre et la demande est donc fragile. Je pense que cela a également contribué à soutenir les valorisations au cours de la dernière période.
Nimar Bangash (29:18)
Je comprends. Intuitivement, tout ça me semble bien logique. La croissance de la population et d’autres changements démographiques à l’échelle mondiale, ainsi que l’urbanisation, font rétrécir la superficie des terrains forestiers. L’offre continue de diminuer. J’imagine donc que, sur la base de ce seul critère, la valeur des terrains forestiers s’apprécie à long terme. Est-ce que je me trompe?
Mike Strzelecki (29:45)
C’est exact. Nous n’avons pas connu le même type de correction de la valeur avec d’autres marchés, par exemple l’immobilier. Au contraire, la valeur s’est maintenue et a fait preuve de résilience.
Nimar Bangash (29:47)
Michael, nous arrivons à la fin de ma liste de questions et au sujet avec lequel je termine habituellement nos épisodes. Tournons-nous vers l’avenir. Pouvez-vous nous faire part de votre point de vue et de celui de votre entreprise sur les occasions à moyen et long terme? Plus particulièrement, quel est votre point de vue sur les placements dans le secteur forestier pour les cinq à dix prochaines années et quels sont les thèmes et tendances auxquels vous prêtez le plus attention?
Mike Strzelecki (30:30)
Bien sûr. Je pense que le Timor-Leste est très bien positionné dans le contexte actuel et qu’il bénéficie de plusieurs facteurs favorables à moyen et long terme. Aux États-Unis, nous constatons un déséquilibre persistant entre l’offre de logements et la demande. Cette situation est le résultat d’années de déficit sur le plan des mises en chantier après la crise financière mondiale. En même temps, les facteurs démographiques stimulent la demande. On a donc la plus grande cohorte de la population américaine dans sa principale période de formation de ménages, suivie de près par une autre cohorte importante de la population qui commence à entrer dans cette période. Cela représente un facteur favorable fondamental. Par ailleurs, vous avez mentionné la croissance de la population mondiale. Cette tendance a bel et bien une incidence sur les paramètres de la catégorie d’actifs. À mesure que la population et le revenu par habitant augmentent, cette croissance continue de stimuler la demande pour toutes sortes de produits du bois, y compris le bois d’œuvre destiné à la construction et la fibre pour les produits de tous les jours. Comme je l’ai mentionné, le papier, les emballages, les produits absorbants et les produits d’hygiène sont autant de produits dont la demande augmente avec la croissance de la population et du revenu par habitant.
Les placements dans le secteur forestier devraient également profiter du fait que les produits du bois sont de plus en plus utilisés en remplacement de matériaux à fortes émissions de gaz à effet de serre, comme l’acier et le béton utilisés en construction, par exemple, ainsi que le plastique et les emballages à usage unique. C’est une autre tendance que nous observons et qui devrait selon nous se poursuivre à moyen et long terme. En outre, comme les investisseurs se soucient de plus en plus de la décarbonation de l’économie mondiale, de l’atténuation des changements climatiques et de la perte de milieux naturels, les terrains forestiers gérés de manière écoresponsable occupent une position tout à fait unique et offrent des solutions fondées sur la nature facilement accessibles qui peuvent faire l’objet de placements à grande échelle. Nous avons donc une vision très optimiste de ce secteur à moyen et long terme.
Nimar Bangash (32:54)
Merci, Michael. C’était très instructif et je pense que c’est une bonne façon pour nous de conclure cet épisode et cette entrevue. J’apprécie beaucoup le temps que vous m’avez accordé, ce fut un réel plaisir de vous accueillir. Merci encore.
Mike Strzelecki (33:08)
Merci Nimar. Je vous remercie de l’invitation et j’espère qu’on pourra se reparler bientôt.
1 IPE Research en date du 29 janvier 2024. Le classement est fondé sur l’actif géré total en capital naturel, lequel comprend l’actif géré en foresterie, en agriculture, en terrains forestiers et en terres agricoles. Les cabinets ont été priés de fournir l’actif géré et les dates varient du 31 décembre 2022 au 31 décembre 2023.
Renseignements importants
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