Le respect des normes mondiales de développement durable profite aux investisseurs
L’information sur les risques climatiques a beaucoup évolué ces dernières années. À présent, compte tenu de la convergence des normes importantes, la promesse d’une base de référence mondiale pour les rapports sur le développement durable semble sur le point de se réaliser.
Si l’information est la moelle épinière des marchés de capitaux, un format normalisé pour la présenter fait office de squelette pour les soutenir. Il est presque impossible d’imaginer un monde dans lequel les états financiers des entreprises ne seraient pas préparés de manière normalisée et cohérente afin que les investisseurs disposent de données fiables et comparables. En l’absence de normes mondiales et d’une méthodologie cohérente pour leur mise en œuvre politique à l’échelon national, il serait difficile pour les investisseurs et autres intervenants de jauger le passé, le présent et l’avenir d’une entreprise et de prendre des décisions éclairées à cet égard.
Les préoccupations des investisseurs concernant le risque financier important que représente le changement climatique pour les perspectives commerciales d’un émetteur ont entraîné la nécessité d’inclure des informations supplémentaires et comparables dans les rapports financiers. Les rapports sur les risques climatiques ont beaucoup évolué ces dernières années, et il s’est produit un regain d’activité depuis 12 à 24 mois alors qu’on évolue vers l’adoption d’une norme de référence mondiale pour les rapports sur le développement durable.
Nous pensons que ces changements seront de bon augure pour les propriétaires d’actifs du monde entier. Il est à espérer que les nouvelles normes mondiales, une fois rendues obligatoires au pays comme le sont les normes d’information financière, permettront aux investisseurs de disposer d’un langage commun pour évaluer l’impact des changements climatiques sur les risques et les possibilités liés au climat sur les perspectives d’une entreprise.
Des recommandations du GIFCC aux normes l’IFRS S1 et S2 en passant par le SASB : l’élaboration d’une norme mondiale unique en matière de développement durable
Depuis plus de vingt ans, la Fondation de l’International Financial Reporting Standards (IFRS) publie des normes d’information financière par l’intermédiaire de son Conseil international des normes comptables. Ces normes sont obligatoires dans près de 170 pays dans le monde. L’IFRS a formé un deuxième conseil, connu sous le nom d’International Sustainability Standards Board (ISSB) et a publié ses premières normes, connues sous le nom d’IFRS S1, Exigences générales pour la publication d’informations sur le développement durable, et IFRS S2, Divulgations relatives au climat (IFRS S1 et S2) en juin 2023. Celles-ci ont ouvert une nouvelle ère de durabilité pour les émetteurs sur les marchés financiers du monde entier.
Les normes ont été rapidement adoptées par l’Organisation internationale des commissions de valeurs, qui a demandé aux organismes de réglementation de partout dans le monde de les rendre obligatoires, créant ainsi une base mondiale d’informations sur la durabilité, semblable aux normes d’information financière. Ensuite, le Conseil de stabilité financière, qui a longtemps été préoccupé par la nature systémique des risques liés aux changements climatiques, a demandé à ce que l’ISSB assure la gérance des recommandations d’informations formulées par le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC) en 2015. Ces recommandations ont déjà gagné en popularité auprès des émetteurs mondiaux et sont considérablement prises en compte dans la norme IFRS S2, Informations à fournir en lien avec les changements climatiques.
Les normes du Sustainability Accounting Standards Board (SASB) constituent un autre aspect essentiel des normes S1 et S2. Le cadre du SASB a été établi en 2011 en vue d’élaborer des normes d’information sectorielles mettant l’accent sur les besoins des investisseurs. L’organisme a fusionné avec la Fondation de l’IFRS en 2022, un premier pas vers le regroupement des normes volontaires. Cette approche sectorielle a été intégrée aux normes S1 et S2 de l’IFRS, parce que les risques et possibilités liés aux changements climatiques ne sont pas tous les mêmes pour tous les secteurs.
Le chemin vers la divulgation obligatoire dans le monde
Les nouvelles normes IFRS en matière de développement durable représentent un pas important dans la bonne direction, mais elles restent facultatives. Si elles doivent devenir la nouvelle valeur de référence mondiale, il faut que les régulateurs du monde entier prennent des mesures pour imposer les normes S1 et S2 dans leurs ressorts, tout comme ils l’ont fait à l’égard des normes d’information financière IFRS au cours des deux dernières décennies.
Jusqu’à présent, les perspectives sont encourageantes, mais le risque d’une adoption incohérente demeure. Les normes européennes d’information sur le développement durable fonctionnent de concert avec les normes de l’ISSB, mais elles vont beaucoup plus loin en ce qui concerne leur portée et leur contenu en incluant la mesure de leur efficacité.
Singapour a annoncé l’adoption de règles d’admission à la cote alignées sur celles de l’ISSB. De plus, les principales économies, dont le Royaume-Uni, Le Japon, Corée du Sud, et le Brésil, ont annoncé leur intention de rendre obligatoires les normes de l’ISSB à court terme ou ont entamé des consultations à cet égard.
Le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (CCNID) a entamé des consultations sur les modifications mineures nécessaires pour le marché local et a l’intention de publier les normes IFRS S1 et S2 plus tard en 2024, ouvrant la voie à leur adoption par les régulateurs.
Au début de 2024, l’U.S. Securities and Exchange Commission (SEC) a annoncé de nouvelles règles généralement alignées sur les normes S2 tout en étant de moindre portée. L’État de la Californie, pour sa part, a adopté en 2023 le Climate Corporate Data Accountability Act qui exige que les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 1 milliard de dollars rendent compte de manière exhaustive de leurs émissions de gaz à effet de serre. C’est un aspect important des normes S2 que la règle de la SEC a omis.
Quelles informations ces normes mondiales de durabilité permettront-elles de fournir?
Toute entreprise du monde peut mettre en œuvre les normes IFRS S1 et S2 de façon volontaire dès aujourd’hui. Malgré le fait qu’elles ont des objectifs distincts, elles sont conçues pour être appliquées de façon conjointe. La norme S1 fournit le cadre global auquel les sociétés devraient se référer, et met l’accent sur la gouvernance, la stratégie, la gestion des risques, les indicateurs et les cibles. En revanche, la norme IFRS S2 a été élaborée pour couvrir précisément l’information liée aux changements climatiques, dont les risques physiques et de transition, ainsi que les possibilités connexes. Utilisées conjointement, les normes créeront une base universelle pour la publication d’informations par les sociétés, ce qui en facilitera l’utilisation par les investisseurs, les analystes et d’autres acteurs des marchés financiers souhaitant évaluer les répercussions financières des changements climatiques sur les sociétés, parmi lesquelles les suivantes :
- Est-ce que les divers éléments des risques liés aux changements climatiques sont reflétés dans le risque de crédit de la société?
- Quel est l’effet des risques physiques liés aux changements climatiques sur les flux de trésorerie disponibles durables d’une société?
- Est-ce que les dépenses en immobilisations affectées aux risques liés aux changements climatiques sont alignées sur le plan de transition vers une économie à faibles émissions de carbone et le profil de risque général de la société?
- Est-ce que le conseil d’administration surveille adéquatement les risques liés aux changements climatiques
- Existe-t-il des possibilités de nouvelles sources de revenu par la société si elle offrait une solution à faibles émissions de carbone?
L’évolution d’une norme mondiale est avantageuse pour les investisseurs qui ont une exposition mondiale aux émetteurs de nombreux secteurs et tient compte de la nature systémique mondiale des risques liés aux changements climatiques.
Virtuellement aucune société ne peut échapper à une forme de risque lié aux changements climatiques, qu’il découle de changements aux politiques ou aux marchés en raison de la transition vers une économie à faibles émissions de carbone, ou à l’augmentation des risques physiques de températures extrêmes, de montée du niveau des mers et d’incendies.
Certains investisseurs cherchent à aligner leur capital sur des objectifs ou des cibles liés aux changements climatiques ou à d’autres enjeux de durabilité, et la publication d’informations normalisées aidera grandement à y parvenir. L’information sur ces enjeux permettra de déterminer si un émetteur en particulier est aligné sur les objectifs de durabilité d’un investisseur ou lui permet de les atteindre, et s’il gère adéquatement les risques liés aux changements climatiques actuels et futurs.
Nous participons aux efforts visant à favoriser l’adoption de normes de préparation de rapports sur le développement durable
En tant que gestionnaire d’actifs dans le monde entier, Gestion de placements Manuvie est un utilisateur assidu de données sur le développement durable pour les milliers d’émetteurs dans lesquels la Société investit. Nous accueillons favorablement les normes IFRS S1 et S2. Selon nous, elles peuvent améliorer considérablement l’aptitude des investisseurs à obtenir des informations de qualité, fiables et comparables pour les émetteurs.
Des normes appliquées de manière volontaire ne sont que la moitié de l’équation – nous aimerions en constater l’adoption uniforme par les sociétés de partout dans le monde. C’est pourquoi nous participons au CCNID au Canada et appuyons l’alignement sur les normes de l’ISSB d’autres marchés mondiaux clés – surtout l’Asie – en tant que membres de l’Investor Advisory Group de l’ISSB.
Le capital, à l’instar des risques systémiques liés à la durabilité et les possibilités qui en découlent, a une portée mondiale, et il traverse les frontières. De même, l’information sur la durabilité doit être de qualité élevée et opportune, comme celle proposée par l’ISSB pour la publication d’informations à l’échelle mondiale.
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