Caractéristiques de couverture contre l’inflation des terres agricoles

Points à retenir

• Les terres agricoles ont démontré leur potentiel de couverture contre l’inflation en générant des rendements réels positifs corrigés de l’inflation au cours des deux dernières années : la corrélation entre l’inflation et le rendement des terres agricoles reste dynamique.
• Les catégories de coûts de production agricole ont nettement augmenté, mais la hausse des prix et la stabilité de la production ont permis la réalisation de revenus agricoles totaux records aux États-Unis, malgré l’inflation élevée.
• En raison de la diversité structurelle des éléments constitutifs des coûts de production, l’inflation a des effets variés sur les différents types de cultures. Ainsi, en 2022, les cultures en rangs ont-elles fait mieux que certaines cultures permanentes, les rendements financiers propres à chaque culture étant déterminés par les nombreux facteurs de marché.
• Contrairement à d’autres catégories d’actifs dont la valeur est susceptible de se déprécier avec le temps, les terres agricoles peuvent conserver leur valeur, de plus, les pressions inflationnistes étant appelées à s’atténuer, les perspectives pour les investisseurs en terres agricoles restent prometteuses.

Les terres agricoles sont souvent considérées comme une catégorie d’actifs réels qui offre aux investisseurs des rendements corrigés du risque attrayants, un atout de diversification des portefeuilles et un accès aux ressources naturelles avec des pratiques de gestion durables, tout en procurant des rendements positifs pendant les périodes d’inflation. Dans l’environnement macroéconomique actuel, à la fois instable et très dynamique en raison, notamment, de l’inflation encore élevée, les investisseurs se tournent vers les terres agricoles pour trouver des rendements stables et une protection contre les pressions inflationnistes.

Bonne tenue des terres agricoles américaines en période d’inflation

Le potentiel de couverture contre l’inflation des terres agricoles a récemment été démontré par leur capacité à générer des rendements réels positifs corrigés de l’inflation, alors que l’inflation grimpait en flèche. De fait, l’inflation annuelle aux États-Unis a atteint en moyenne 6,8 % au cours des deux dernières années, ce qui représente quatre fois le taux d’inflation moyen de 1,7 % observé au cours des dix années précédentes¹. Les terres agricoles américaines, représentées par l’indice des terres agricoles du National Council of Real Estate Investment Fiduciaries (NCREIF), ont généré des rendements totaux positifs et croissants en 2021 et 2022. Pour comparaison, d’autres catégories d’actifs ont enregistré d’importantes variations de rendement au cours de la même période et des rendements nominaux négatifs en 2022, une année marquée par le resserrement des politiques monétaires et l’inflation élevée. La résilience et les bons rendements des investissements en terres agricoles au cours des deux dernières années turbulentes illustrent bien les avantages de diversification des portefeuilles et de couverture contre l’inflation qu’offre la catégorie d’actifs.

Nous considérons qu’une corrélation positive constitue une protection

La corrélation entre le rendement des placements et l’inflation constitue un indicateur clé du potentiel de couverture contre l’inflation d’une catégorie d’actifs, une corrélation positive indiquant que le rendement des placements est susceptible d’augmenter parallèlement à l’inflation. Les analyses en continu montrent que la corrélation entre les rendements de l’indice NCREIF des terres agricoles et l’inflation américaine a été dynamique et très largement positive, tout en étant facilement observable à la fin des années 1990, pendant toute la première décennie des années 2000, au milieu des années 2010 et au début des années 2020. Les corrélations mobiles positives les plus récentes (périodes de 5 ans se terminant en 2020-2022) confirment la capacité de protection contre l’inflation des terres agricoles. Toutefois, cette corrélation n’a pas toujours été positive et s’est même révélée négative pendant quelques brèves périodes au cours des 27 dernières années.

Les deux cas de corrélation mobile négative (2011-2013 et 2017-2019) sont imputables aux orientations distinctes du rendement des terres agricoles et des taux d’inflation. La reprise économique qui a suivi la crise financière de 2008 a été jugée médiocre, la croissance économique étant modeste et l’inflation inférieure à l’objectif de 2 % de la Réserve fédérale américaine² au cours de cinq des sept premières années qui ont suivi la crise. Pendant ce temps, le rendement des terres agricoles s’est considérablement amélioré, notamment de 2011 à 2015, l’indice NCREIF des terres agricoles affichant des rendements annuels supérieurs à 10 % pendant cinq années consécutives. La différence entre les solides rendements des terres agricoles et la reprise économique timide et prolongée a entraîné quelques corrélations négatives sporadiques. Par conséquent, du point de vue des investisseurs, cette corrélation négative peut être considérée comme la capacité de la catégorie d’actifs à surclasser la croissance moribonde de l’économie au sens large pendant une période où l’inflation est inférieure à la cible.

Diminution des coûts de production à court terme, mais persistance des difficultés à long terme

Les caractéristiques de couverture contre l’inflation des terres agricoles peuvent, en partie, être attribuées à la disponibilité limitée des terres agricoles et aux produits alimentaires qu’elles produisent : à mesure que l’économie se développe, la demande de produits agricoles augmente, ce qui entraîne une hausse des prix des produits agricoles et contribue à atténuer l’inflation du coût des intrants. Comme beaucoup d’autres aspects de l’économie, la production agricole a été confrontée à des pressions accrues sur les coûts au lendemain de la pandémie mondiale. Aux États-Unis, l’inflation a dépassé les 2,5 % en mars 2021 pour la première fois depuis le début de la pandémie. Depuis, les principales catégories de coûts de production agricole ont connu des augmentations marquées, qui se sont traduites par une hausse de 19 % du total des dépenses de production pour les agriculteurs américains entre 2021 et 2022³. Sous l’effet de la hausse de la demande, des contraintes de l’offre et de l’augmentation du coût des intrants, les prix des produits agricoles ont également augmenté : entre mars 2021 et décembre 2022, le niveau général des prix des produits agricoles, tel que mesuré par les indices des prix à la production des produits agricoles, a augmenté de plus de 40 %, ce qui a en partie compensé les pressions croissantes sur les coûts. Cette capacité des prix des produits agricoles à compenser la hausse des coûts de production a encouragé les agriculteurs à poursuivre leurs cultures, de sorte qu’en 2022, la combinaison de prix plus élevés et d’une production stable a permis d’atteindre un revenu agricole total record aux États-Unis, malgré des taux d’inflation à des sommets inégalés depuis plusieurs décennies.

Les effets de l’inflation varient selon le type de culture

Les effets de l’inflation du coût des intrants diffèrent d’un type de culture à l’autre, en raison de la diversité structurelle des éléments constitutifs des coûts de production. Les matières premières (coûts variables), telles que le carburant et les produits chimiques, ont connu des augmentations de coûts plus prononcées que les coûts en capital à long terme (coûts fixes), tels que les machines et les équipements, au cours de la période inflationniste de 2021/2022. Les coûts d’exploitation ont donc varié considérablement d’un type de culture à l’autre; par exemple, les coûts des matières premières représentent plus de 60 % des coûts d’exploitation totaux pour les cultures en rangs, telles que le maïs et le soja. Pourtant, si ces matières premières ont connu des augmentations rapides et importantes en 2021/2022, leurs niveaux de prix ont également baissé de manière très nette par rapport aux sommets atteints, à l’instar des coûts des engrais qui ont baissé de près de 40 % depuis leur pic d’avril 2022. D’autre part, les coûts de production des cultures permanentes ont tendance à dépendre davantage de catégories de coûts qui ont connu des augmentations plus structurelles et à long terme. C’est le cas, notamment, pour la production de pommes commerciales, dont environ 75 % des dépenses d’exploitation sont liées à la main-d’œuvre et aux services⁴. Au cours de la récente période inflationniste, les coûts de ces catégories ont été moins volatils que ceux des matières premières, mais ont suivi une tendance à la hausse plus régulière et ne devraient pas connaître de ralentissement notable à l’avenir. La clé pour gérer ces pressions sur les coûts à long terme réside dans l’efficacité opérationnelle et les économies d’échelle. 

Les facteurs de marché spécifiques à chaque culture jouent un rôle essentiel

Outre les facteurs macroéconomiques, l’effet sur les rendements de fluctuations spécifiques aux marchés agricoles tend à dépendre de facteurs propres à chaque type de culture, qui priment sur les effets de l’inflation. L’évolution des recettes des différentes cultures en 2022 par rapport à 2021 montre que si de manière globale les recettes agricoles ont augmenté de près de 20 % malgré l’inflation élevée, celles-ci ont varié selon le type de culture : les recettes du maïs et du soja ont augmenté respectivement de 25 % et 30 % en 2022, tandis que celles des fruits à coque ont baissé et que celles du secteur des fruits et des noix sont restées stationnaires. Les déterminants de ces rendements financiers hétérogènes ont des causes profondes qui vont au-delà de l’inflation : le maïs et le soja ont notamment bénéficié d’une forte demande à l’export au cours des deux dernières années, en plus d’une reprise de la demande intérieure au sortir de la pandémie. Par ailleurs, les conflits mondiaux qui ont limité les approvisionnements en provenance d’autres pays, les pics temporaires de la demande chinoise et la reprise des rendements ont collectivement contribué à l’augmentation des prix et des recettes des cultures en rangs aux États-Unis. A contrario, le prix des amandes a subi des pressions à la baisse, malgré un recul de la production, en raison de problèmes logistiques qui ont ralenti les expéditions, ce qui a entraîné une augmentation des stocks et a donc pesé sur les recettes d’ensemble. Les prix des pistaches ont mieux résisté que ceux des amandes malgré les perturbations logistiques mondiales, mais les recettes ont néanmoins enregistré une baisse en raison de rendements inférieurs de 23 % pour la récolte 2022⁵. Ces facteurs de marché ont joué un rôle clé dans le rendement financier spécifique à chaque culture.

Les terres agricoles américaines peuvent être source de stabilité et de protection de la valeur

Outre la couverture contre l’inflation, une autre caractéristique clé qui suscite l’intérêt des investisseurs pour les terres agricoles est leur capacité à préserver leur valeur. En effet, à la différence d’autres catégories d’actifs dont la valeur peut se déprécier au fil du temps, les actifs naturels, tels que les terres agricoles, sont susceptibles de conserver leur valeur. En tant qu’actif tangible et productif répondant à des besoins fondamentaux et pouvant générer des revenus par le biais d’activités agricoles, indépendamment du contexte d’inflation, les investissements en terres agricoles peuvent constituer une source précieuse de stabilité et de sécurité. La valeur des terres agricoles aux États-Unis a bien résisté aux pressions baissières, celle-ci s’étant appréciée tous les ans, sauf sept, au cours des cinq dernières décennies. Les investissements institutionnels américains dans les terres agricoles, représentées par l’indice NCREIF des terres agricoles, ont généré un rendement annuel moyen de 4,1 % depuis la création de l’indice en 1991, dépassant ainsi largement le taux d’inflation moyen de 2,5 % sur cette même période. De manière générale, la capacité de préservation de la valeur des terres agricoles fait de celles-ci une option séduisante pour les investisseurs à la recherche d’une stratégie de placement stable, à long terme et peu risquée.

Nous pensons que les terres agricoles restent intéressantes pour les investisseurs à long terme

Les pressions inflationnistes étant appelées à s’atténuer, les perspectives d’investissement dans les terres agricoles pourraient rester prometteuses. À mesure que le monde se remet des perturbations de production et logistiques résultant de la pandémie, la récente dissipation des perturbations et des contraintes des chaînes d’approvisionnement mondiales a permis aux producteurs mondiaux de commencer à acheminer plus rapidement les produits agricoles. Les marchés commencent déjà à enregistrer une accélération de la dynamique positive des expéditions, à l’instar des exportations américaines d’amandes et de pistaches qui ont connu une augmentation supérieure à 10 % au cours des derniers mois, entraînant une croissance des volumes sur douze mois et un rééquilibrage des marchés⁶. L’industrie chilienne de la cerise devrait enregistrer une année record en termes de valeur des exportations, grâce à la réouverture complète des ports chinois et à la fluidité accrue de la circulation des produits agricoles de grande valeur⁷. Nous pensons que la combinaison des facteurs de marché positifs et des caractéristiques de préservation de la valeur à long terme des terres agricoles continue à faire des investissements agricoles une option intéressante pour les investisseurs qui cherchent à se prémunir contre l’inflation tout en générant des rendements stables à long terme.

Une version de cet article a été publiée à l’origine dans Global AgInvesting.